Les abords de Pléna (3)

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Mais, elle imaginait que Salvinah se sentait bien plus concernée que la jeune femme par tout cela, étant donné qu'elle faisait partie des personnes visées par ce genre de mesures, comme tous les rôdeurs. Elle imaginait que ce devait être très douloureux de voir les siens, les gens de son propre peuple, souffrir de la sorte. Elle, elle n'avait jamais eu de peuple. Elle ne connaissait pas ce sentiment. Mais, elle pouvait imaginer que la souffrance que ressentait Salvinah devait être immense et profonde... Et, que sa colère contre les hommes en noir tout autant que celle qu'avait la jeune femme.

_Salvinah, s'exclama une voix masculine très grave dans le dos des deux jeunes femmes? Qu'est-ce que tu fais là? Tu ne devais pas aller te réfugier chez Vatki à Orlet?... Vatki? Elle n'arrivait pas à en croire ses oreilles. Et, que voulait dire se réfugier chez Vatki pour eux? Vatki lui avait dit qu'il avait été un homme en noir et qu'il les avait fui parce qu'il était contre leur vision du monde. Cela voulait-il dire qu'il en était arrivé jusqu'à décider de leur résister et de sauver les victimes de ces hommes? Elle pouvait parfaitement le concevoir. Cela pouvait peut-être dire qu'il connaissait la raison pour laquelle sa sœur avait été enlevée par ces hommes. Dans ce cas-là, pourquoi ne lui avait-il pas expliqué toutes ces choses, tout de suite? Pourquoi l'avait-il laissé partir ainsi, dans l'ignorance la plus totale?

Levah finit par se retourner afin de savoir quel homme s'adressait de cette manière à Salvinah. Tout ce qu'elle vit, c'était un visage fatigué et usé par la faim, de grands yeux et des joues creuses, des vêtements en haillons, mais très propres, recouvrant des muscles qui devaient avoir été développés et athlétiques, mais qui semblaient aujourd'hui amaigris et certainement douloureux. Mais, il y avait encore quelque chose de différent dans ses yeux un peu trop grands, quelque chose qui le rendait plus intéressant que tous les autres: ses grands yeux noirs étaient encore remplis de lumière, l'étincelle de la rage et du combat. Cet homme-là n'avait pas encore décidé de baisser les bras face aux hommes en noir.

_Rayak, répondit alors Salvinah? Mais, que vous est-il arrivé, à tous? Que faites-vous dans ce campement? Pourquoi n'êtes-vous pas dans vos maisons, à l'intérieur de Pléna? Que s'est-il donc passé?

_Et toi? Tu devais te cacher en direction des montagnes isolées. Pourquoi tu ne l'as pas fait, comme tu le disais?

_Mes plans ont changé en route. C'est une très longue histoire... Instinctivement, Salvinah se tourna en direction de Levah afin de la regarder avec attention, semblant lui demander ce qu'elle avait le droit de dire ou non. La jeune femme ne voulait pas que cet homme, ce Rayak, dont elle ne connaissait rien, puisse savoir quoi que ce soit de qui elle était et de ce qu'elle essayait de faire. Elle n'avait aucune confiance en cet homme. Elle ne savait pas qui il était. Elle ne savait pas ce qu'il lui voulait. Le fait que Salvinah le connaisse n'était pas une raison pour qu'on lui fasse confiance, à ses yeux. D'ailleurs, elle ne savait pas si la femme guerrière lui faisait confiance elle-même.

Au bout de quelques secondes, ce Rayak finit par tourner la tête dans sa direction afin de la détailler rapidement du regard, semblant se douter qu'elle n'était ni un rôdeur, ni un nomade. Il semblait se demander ce qu'elle faisait ici, dans ce campement, parmi eux. Il devait aussi se demander ce qu'elle voulait et ce qu'elle essayait de faire pour réussir à embarquer une femme comme Salvinah avec elle, dans son sillage.

_C'est cette femme, tes plans maintenant, demanda alors l'homme avec un grand étonnement?Tu n'as pas des choses plus importantes à faire pour toi et pour les membres de ton clan, avec tout ce qu'il se passe?

_Je fais ce que je veux, rétorqua Salvinah. Et, tu ne comprendras pas ce que je fais, de toutes façons...

_Je me nomme Levah,intervint alors la jeune femme. Et, je dois me rendre à la Capitale le plus rapidement possible... Apparemment, de ce que je vois, ça va être difficile de prendre une caravane pour traverser le désert de l'Addus. Et, ça ne risque pas de changer, pour le moment. Ça va encore me ralentir dans mon trajet...

_Quelle compassion pour les personnes qui sont autour de toi, se moqua alors l'homme! Effectivement, plus aucune caravane ne part de la ville, pour le moment. Vous pouvez entrer dans la ville, vous. Mais, vous ne pourrez pas aller plus loin sans devoir faire le tour complet du désert de l'Addus.

_Non, ça prendrait trop de temps... Et,... Ce dont vous avez besoin, ce n'est pas de ma compassion. Ce dont vous avez besoin, c'est juste de rentrer dans cette ville et d'en virer les hommes en noir. Sans attendre de réponse de la part de l'homme, Levah s'avança en direction des murailles de la ville, qui semblaient complètement verrouillées. Comme elle avait vu en sortant de la forêt, cette muraille faisait bel et bien dix mètres de haut. Passer par-dessus n'allait pas être quelque chose de simple et de aisé. Il leur fallait des cordes. Il leur fallait des armes en nombre. Et, il leur fallait savoir combien d'hommes en noir se trouvaient exactement dans cette ville. Cela n'allait pas être facile, voire quasiment impossible. Après-tout, elles n'étaient que deux pour libérer cette ville de ces monstres.

_Tu as un état d'esprit qui me plaît, dit alors Rayak en venant se placer à ses côtés, la regardant avec intensité! Est-ce que l'on pourrait savoir ce que tu regardes ainsi avec tellement d'attention et de concentration?

_Les murailles, répondit alors Levah avec un grand calme. Je cherche un moyen de les passer sans se faire repérer par les hommes en noir...

_Nous ne devrions pas parler de ces choses-là dehors. Certaines personnes sont capables de tout pour obtenir un peu de nourriture, i compris à nous vendre aux hommes en noirs. Si nous devons parler de ce genre de choses, faisons-le dans la tente de ma famille où nous serons libres de dire tout ce que nous voulons...


_Je crois que c'est la meilleure chose que nous ayons à faire, pour le moment, ajouta alors Salvinah avec calme. Peut-être que ça nous donnera quelques idées sur quoi faire... La jeune femme acquiesça en silence. Salvinah avait raison: pour le moment, elles ne pouvaient rien faire de plus. Pour le moment, elles ne pouvait que écouter ce que cet homme avait à leur dire, le temps que la jeune femme puisse trouver le moyen d'entrer dans la ville et de tuer tous les hommes en noir présents...

Les Mondes Séparés: La ChasseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant