Les Mondes Séparés: La Chasse

La traversée du fleuve

Elle regarda la berge du village s'éloigner de sa vue petit à petit en sentant son cœur se serrer avec de plus en plus de force. Elle était terrifiée par ce qu'il se passait autour d'elle: elle ne se sentait pas à l'aise sur cette barque. Elle se sentait en danger, sans rien pouvoir faire pour pouvoir se prémunir de celui-ci.

La barque était minuscule. Et elle semblait particulièrement instable. Elle donnait l'impression qu'elle allait se renverser à tout moment et laisser les deux femmes se faire emporter par les flots. Entre elles et les flots profonds du fleuve, ne se trouvait qu'une fine bande de planches de bois qui ne faisait que craquer et craquer encore à chaque fois qu'elle bougeait. Rien dans cette barque ne semblait solide.

Finalement, elles avaient passé la nuit dans l'auberge du village avec Keenah et Lorya. Keenah avait tellement bu que Levah avait du la porter jusqu'à sa chambre pour qu'elle puisse dormir. À ce moment, elle s'était demandé si c'était une bonne chose qu'une femme comme elle ne s'occupe de Lorya. Elle s'était demandé si c'était une bonne idée de laisser une jeune fille à peine sortie de l'enfance entre les mains d'une femme alcoolique qui pouvait être dangereuse et pouvait délaisser la petite.

Mais finalement, après en avoir discuté avec Salvinah, elle avait décidé de les laisser partir le matin même, aux premières lueurs du jour. Salvinah avait eu raison sur un point: Keenah avait beau boire plus que de raison, elle savait ce qu'elle faisait et elle était capable de prendre soin de Lorya comme il le fallait. Elle avait décidé de faire confiance, ce qui n'était pas dans son caractère. Mais elle ne pouvait pas rester à cet endroit un seul instant de plus pour prendre soin elle-même de Lorya. Elle n'avait pas le choix.

Une fois les deux femmes parties, Salvinah et Levah s'étaient rapidement dirigé vers le ponton où les barquetiers étaient. Et elles avaient du payer le passage: deux cents pièces pour avoir le droit de prendre une barque... La moitié de ses économies... Une somme astronomique...Elle n'avait pas eu le choix. Pas d'argent, pas de traversée. Alors,elle avait payé. Elle avait payé bon gré mal gré, sans sentiment.

Et elles étaient dans cette barque, à se laisser remuer par les flots du fleuve encore et encore. La jeune femme en était profondément malade. Elle sentait son cœur et ses tripes se soulever dans tous les sens sans arrêt. Elle en avait envie de vomir. Elle en avait l'impression qu'elle n'était pas faite pour être sur ce genre de bateaux, encore moins sur l'eau, ou quoi que ce soit qui puisse y ressembler.

Salvinah devait bien rire de la situation, de son côté: elle qui s'amusait de la voir si parfaite et si inflexible devant les autres devait soudainement se rendre compte qu'elle avait des faiblesses, comme tout le monde. Elle était comme toutes les autres femmes: elle, sa faiblesse était l'eau et le fait de se retrouver dessus. Et elle maudissait le fait de devoir être sur ces barques afin de pouvoir passer par-dessus les rivières et les fleuves. Pour elle, il s'agissait d'une peine qu'elle voulait pouvoir éviter.

Malgré-tout, elle ne pouvait pas s'empêcher de voir les vestiges des précurseurs, même par-dessus les fleuves: ce peuple avait réussi à construire de grandes routes de béton et de pierres par-dessus les plus grands cours d'eau, des ponts absolument immenses. Elle pouvait en voir les ruines: des piliers de ponts à moitié rongés sur lesquels se trouvaient des routes de béton larges à moitié effondrées dans l'eau.

Pour la première fois depuis qu'elle voyait les différents vestiges des précurseurs, elle en reconnaissait sans aucun soucis. Et ces ponts étaient tellement immenses et impressionnants qu'elle en avait presque peur.

_Ne t'en fais pas Levah, s'exclama Salvinah dans un rire d'amusement. Nous serons arrivées de l'autre côté des rives avant la moitié de la journée... Tu n'auras pas à souffrir encore très longtemps. Nous serons aux terres sèches...

_Je crois que je préfère affronter les loups des marais, balbutia la jeune femme.