Les marais de Verda Terra (3)

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Malheureusement, cela n'avait pas été efficace pour ce village et pour toutes les personnes qui y avaient vécues.

En quelques instants, les deux femmes arrivèrent devant les remparts: les portes d'entrée du village étaient fermée solidement. Levah ne pensait pas qu'elles puissent parvenir à ouvrir les portes rapidement et sans difficulté. Cela allait leur demander des efforts qu'elles ne devaient pas fournir dans la situation dans laquelle elles étaient. Elles avaient faim. Elles étaient fatiguées. Et, la jeune femme commençait à sentir un froid humide commencer à envahir sa peau, même sous son manteau. Cela ne servait à rien de se fatiguer inutilement avec des portes qui étaient fermées à double tour.

Heureusement pour elles, il y avait des trous dans la structure des remparts, des trous assez grands pour laisser passer un corps humain. Juste à la gauche des deux femmes, à un mètre ou deux, se trouvait l'un de ces trous. Elles devaient passer par là si elles voulaient entrer à l'intérieur de ce village. Et, d'après ce que laissait entendre Salvinah, c'est la seule chose qu'elles pouvaient faire dans la situation dans laquelle elles étaient. Il faisait trop sombre pour cela. Il faisait trop froid pour cela. Cette chose qui la suivait et provoquait tous ces frottements ne pouvait qu'être un danger pour elles.

La rôdeuse fit signe de la tête à Levah afin de l'inciter à la suivre et se tourna vers la brèche dans les remparts en tendant le bras pour que la torche enflammée se retrouve au-dessus de sa tête. Elle la suivit alors.

Elles arrivèrent jusque la brèche, en zigzaguant à travers les débris du rempart tant bien que mal. Tout semblait avoir été abandonné sur place quand les murs d'enceinte avaient été détruits... Parce que ces murs avaient été détruits par quelque chose. Elle en était sûre. La question était: par quoi avaient-ils été détruits?

Lorsqu'elles passèrent les remparts, Levah ne put s'empêcher d'être profondément choquée par ce qu'elle avait sous les yeux: le village était entièrement dévasté. Rien ne semblait avoir survécu à l'intérieur de ses remparts, mis-à-part quelques poules ici et là dans les ruelles, à picorer des choses et d'autres, à travers la saleté et les débris de toutes sortes. Mais, elles ne faisaient pas beaucoup de bruit, comme si elles se rendaient compte elles-mêmes qu'elles vivaient constamment sous la menace de quelque chose de bien plus grand et de bien plus dangereux que ce que l'humain pouvait imaginer.

Toutes les maisons de ce petit village étaient complètement dévastées, à moitié effondrées sur elles-mêmes: les vitres étaient cassées, les portes étaient fracturées, les murs étaient éventrées...Certaines maisons semblaient avoir été complètement brûlées, à l'état de cendres. Personne ne pouvait y vivre...

Alors qu'elles arrivaient sur la place du village qui faisait face aux remparts, elle se rendit compte que la destruction des maisons n'était pas la pire chose qui était arrivée dans cet endroit: la place et les ruelles étaient jonchées de corps, des corps sans vie et déchiquetés à plusieurs endroits. Par ici, on pouvait voir des bras. Par là, des jambes. Et les pavés étaient recouverts de sang séché, d'énormément de sang séché. Les habitants ne s'étaient pas enfuis. Ils n'en avaient pas eu le temps. Ils avaient été assassinés.

Cette odeur! Cette odeur rance et terrible. Elle en avait les yeux qui piquaient. Elle en avait mal au cœur. Elle en avait envie de vomir. C'était l'odeur des corps en décomposition, qui n'avait pas pu rejoindre la terre. Cette odeur était horrible. Elle était totalement ignoble. Elle savait exactement ce à quoi elle correspondait: l'odeur qui brûlait les narines et le cœur de la jeune femme était l'odeur de la mort.

Que s'était-il passé dans ce village? Qu'était-il arrivé à toutes ces personnes? De ce qu'elle voyait, des hommes ne pouvaient pas faire de telles choses, pas même les hommes en noir. Ces gens avaient eu les membres arrachés avec une immense violence. Cela avait du demander une force que les hommes n'étaient pas censés avoir. Ça ne pouvait pas être cela. Pourquoi auraient-ils causé autant de souffrances pour tuer des gens alors qu'il existait des moyens plus simples et moins fatigant de le faire? Aucun homme n'avait pu faire une telle chose. Elle savait que c'était impossible.

Dans ce cas-là, qui avait pu faire une telle chose? Ou quoi? Que Salvinah lui avait-elle caché sur cet endroit? Maintenant qu'elle voyait ce qu'il était arrivé à ces personnes, elle commençait à craindre l'existence de créatures terribles comme il en existait seulement dans les histoires de sa mère. Seul un monstre pouvait faire de telles choses. Seul un monstre pouvait déchiqueter autant de personnes...

_Qu'est-ce qu'il s'est passé, demanda alors Levah en regardant avec attention tout autour d'elle, prête à tirer avec son arc au moindre mouvement suspect autour des deux jeunes femmes, dans ce village mort?

_Je ne sais pas, répondit Salvinah, visiblement choquée et attristée... Je ne sais pas... Je connaissais toutes ces personnes depuis des années. Ils m'ont recueilli quand j'avais quinze ans et qu'il y avait des troubles dans la Capitale. J'aimais profondément toutes ces personnes... Et, je me demande ce qui a pu se passer. Je les connaissais depuis trois ans... Qui peut être responsable d'un tel massacre?...

_Je ne pense pas que ce soit quelque chose d'humain... Salvinah se figea alors sur place, visiblement interloquée par ce que venait de dire la jeune femme. Très rapidement, elle se mit à trembler légèrement. Elle semblait terrifiée. Elle semblait avoir réellement peur de quelque chose. Cela se voyait à son expression. Ça se lisait dans ses yeux. Son visage avait changé: elle n'avait plus cette assurance et cette détermination qui la caractérisait. Elle n'était plus aussi détachée des choses de ce monde. Tout d'un coup, elle était impactée. Elle était impactée par tout cela parce qu'elle avait peur...

De quoi avait-elle peur? Elle semblait savoir ce qu'il s'était passé dans ce village. Elle semblait savoir ce qui avait tué toutes ces personnes. De toutes évidences, ça l'étonnait profondément, comme si elle ne s'était pas attendu à ce que de telles choses ne se passent. Elle avait réellement cru que les deux femmes allaient être en sécurité dans cet endroit, ce qui voulait dire que ce genre de situation était extraordinaire et anormale. Il s'était passé quelque chose qui n'aurait pas du se passer...

Salvinah savait ce qu'il s'était passé. Elle savait ce qui était la cause de ce massacre. Si elles devaient affronter cette chose, Salvinah devait dire à la jeune femme ce qu'elles allaient devoir affronter. Elle devait partager tout ce qu'elle savait. Elle devait partager ce qu'elle pouvait connaître des créatures qui habitaient dans cet endroit et qui massacraient toutes les personnes qui passaient dans les marais.


_Les loups des marais, finit par déclarer la rôdeuse. Ça doit être les loups des marais qui ont fait ça... Les loups des marais sont très dangereux et assoiffés de chair humaine. Mais, je ne comprends pas: ils ont été exterminés dans l'ensemble des Verda Terra, il y a plusieurs années. Ils ne devraient pas être encore là! Ces loups-là ne sont pas naturels. Ce sont des créatures des précurseurs... Avant que la jeune femme n'ait pu répondre quoi que ce soit, elles entendirent un gémissement retentir dans le village mort. Il n'y avait pas de doute à avoir: ce gémissement était forcément un gémissement humain...

Les Mondes Séparés: La ChasseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant