Les Mondes Séparés: La Chasse

Sur le sentier (2)

Elle serra un peu plus l'arc et la flèche dans ses mains, jusqu'à se faire mal aux doigts, et siffla doucement afin de prévenir Zéra qu'elle allait faire quelque chose. Mais, ce dernier secoua la tête tout en continuant de courir tout aussi rapidement qu'il le faisait, ne semblant pas vouloir s'arrêter pour elle.

Alors, elle se décida à s'arrêter de courir d'un coup tout en se retournant en direction de l'endroit d'où semblaient provenir les regards insistants. Elle banda son arc et tira une flèche sans la moindre hésitation en elle. Au bout de quelques secondes seulement, elle entendit un cri de douleur retentir derrière les arbres. Elle avait visé juste. Elle avait frappé une personne, un homme de ce qu'elle avait pu entendre de ce cri qui venait de s'élever entre les branchages de ses arbres beaucoup trop imposants.

Comme elle l'avait cru, elle était réellement suivie. Elle se doutait qu'il devait s'agir d'un groupe d'hommes dont elle ne connaissait pas l'identité. S'agissait-il de bandits? S'agissait-il de rôdeurs? Ou encore, d'hommes en noir? Elle n'avait aucun moyen de le savoir, pour le moment. Tout ce qu'elle savait, c'était que, dans tous les cas, cela était dangereux pour elle. Ces hommes pouvaient parfaitement la tuer. Elle devait protéger sa vie à tout prix. Elle n'avait pas réellement le choix. Elle savait maintenant qu'elle devait se battre.

La jeune femme vit alors une pierre, une pierre parfaitement ronde, se mettre à voler dans sa direction à toute vitesse, tournoyant sur elle-même avec une grande rapidité. Elle se baissa tout aussi rapidement, évitant de justesse la pierre qui vint s'écraser contre le tronc d'un arbre,à quelques mètres derrière elle. Des pierres? Ces hommes combattaient-ils avec des pierres? Certes, elle savait parfaitement que cela pouvait être très dangereux, voire même mortel. Mais, ces hommes n'avaient-ils pas d'arme avec eux pour la combattre comme des guerriers pouvaient le faire? Ou alors, étaient-ils réellement des lâches? Étaient-ils aussi pauvres que cela? Elle ne savait pas encore ce qu'elle devait penser de tout cela, au fond d'elle-même. Elle ne comprenait pas l'attitude de tous ces hommes.

Instinctivement, elle attrapa une autre flèche dans son carquois et la plaça dans l'arc, commençant à bander celui-ci sans y réfléchir. Elle ne savait pas exactement ce qu'elle devait faire. Devait-elle fuir loin de ces hommes? Cela lui semblait impossible, à présent. Avec ces jets de pierre, elle allait forcément finir par se faire rattraper par ces hommes. Et, elle savait que recevoir un jet de pierre dans la tête pouvait très bien tuer une personne. Elle ne pouvait pas se permettre de prendre un tel risque.

Devait-elle combattre tous ces hommes? Cela lui semblait tout aussi risqué. Elle avait certes un arc qui était une arme plus puissante, plus précieuse et à plus grande portée que les pierres. Mais, elle ne savait pas combien étaient ces hommes. Ils pouvaient être très nombreux. Et, elle n'avait que six flèches dans son carquois. Que pouvait-elle donc faire? Que pouvait-elle faire contre cette attaque qui la prenait de surprise? Elle n'en avait pas la moindre idée, même si elle cherchait de toutes ses forces.

Devait-elle se rendre? Cela, il n'en était même pas question. Elle ne pouvait passe rendre à ces hommes. Des bandits? Ils allaient lui prendre tous ces biens: ses armes et son argent surtout. Elle en avait besoin pour poursuivre son périple. C'était essentiel à ses yeux. Comment pouvait-elle seulement penser à se rendre? Cela n'était pas possible. Il y avait forcément une solution et elle allait finir par la trouver.

Observant avec attention les bosquets qui se trouvaient devant elle, elle vit soudainement une pierre surgir d'une fougère et venir tomber à un mètre seulement d'elle. Aussitôt, elle banda son arc et tira dans cette direction: en quelques secondes, elle entendit un second cri retentir dans la forêt, un cri plus fort et plus clair qu'elle put analyser. C'était une voix d'homme, mais elle était trop claire et trop aiguë pour être celle d'un adulte. Mais, elle était aussi trop grave pour être celle d'un enfant. Un adolescent? Était-elle en train de combattre des adolescents? Elle ne pouvait pas le croire: des adolescents qui avaient certainement l'âge de sa petite sœur, peut-être même encore moins que cela...

elle ne pouvait pas combattre des adolescents. Elle ne pouvait pas les tuer sans aucune raison valable. Ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient. Ils étaient trop jeunes pour savoir toutes les choses de la vie. Tuer de tels adolescents était comme tuer sa propre sœur. Elle n'était pas encore prête à faire ce genre de sacrifices. Ils pouvaient l'attraper. Elle allait forcément trouver un moyen de s'enfuir loin d'eux en reprenant toutes ses affaires et sans leur faire de mal. Après-tout, Zéra était encore quelque part dans la Nature. Il pouvait parfaitement revenir et lui venir en aide le plus opportun. Mais, elle ne pouvait pas en blesser plus.

Rapidement et en silence, la jeune femme replaça l'arc dans son dos et leva les mains par-dessus les buissons tout en s'exclamant aussi puissamment qu'elle pouvait le faire pour être parfaitement entendue:

_Je me rends. Ne tirez pas!

_Relevez-vous lentement tout en continuant de lever les mains, dit alors la voix d'un adolescent à quelques mètres d'elle. La jeune femme s'exécuta en silence, regardant autour d'elle avec attention: petit à petit, elle vit sept personnes sortir des bosquets et s'approcher d'elle, six tenaient des lance-pierres pointés dans sa direction et le septième qui se tenait le bras en grimaçant de douleur. Six hommes et une jeune femme. Et, comme elle l'avait cru, il s'agissait de jeunes adolescents, qui devaient avoir l'âge de sa jeune sœur. À peine treize années! Ils n'avaient même pas encore leur corps d'adulte. Que faisaient-ils seuls dans cette forêt? Avaient-ils été abandonnés par leurs parents? Où étaient ces derniers? Des enfants livrés à eux-mêmes dans une forêt? Ils devaient certainement voler les voyageurs seuls pour avoir de quoi survivre. Ils n'avaient certainement pas d'autre choix que de devenir de très jeunes bandits et d'user de la violence, afin d'espérer pouvoir trouver à manger.

Pourquoi Vatki ne l'avait-il pas prévenu d'une telle chose? Pourquoi ne lui avait-il pas dit de se méfier de cette forêt? Elle ne pouvait pas croire que l'aubergiste n'ait pas entendu parler de tout cela. Il savait forcément quelque chose. Et, il le lui avait caché. Peut-être avait-il commis un simple oubli? Peut-être avait-il fait cela pour lui nuire? Après-tout, il était un ancien homme en noir. Il avait peut-être acheté sa vie, sa tranquillité et celle de sa femme en sacrifiant la jeune femme à ces jeunes bandits.