Les abords de la Capitale

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Cette ville était immense, bien plus immense que tout ce qu'elle aurait pu croire possible sur l'ensemble des terres séparées. C'était incroyable et effrayant! C'était percutant et déstabilisant! Elle en avait le souffle coupé et n'arrivait pas à reprendre ses esprits pour penser tout ce qu'elle voyait devant elle.

Cette ville semblait s'étendre à perte de vue, dévorant le paysage et faisant disparaître une grande partie des montagnes qui se trouvaient très loin à l'est. Elle était tellement haute que les immeubles semblaient capables de toucher le ciel et les nuages sans aucune difficulté. Ils étaient tellement larges qu'ils donnaient l'impression de renfermer des villes entières en leur sein. Et il yen avait tellement. Il y en avait des centaines et des centaines. Cette ville semblait capable de contenir des dizaines de milliers, des centaines de milliers de personnes à l'intérieur de ses murs et de ses rues larges.

Mais elle avait aussi quelque chose de glaçant et de terrifiant en son sein: les immeubles étaient de grandes constructions en béton et en verre qui tenaient par elle-ne-savait-quel miracle. Cette ville semblait avoir été grandement détruite dans un cataclysme, comme celui qu'avait connu les précurseurs. Les bâtiments semblaient éventrés, comme s'ils avaient été soufflés par des vents trop violents. Certains immeubles n'avaient de toit. De là où elles étaient, elle ne pouvait rien voir en détail, mais elle avait l'impression que l'ensemble de cette ville avait été dévastée dans des temps anciens.

Une ville de précurseurs.

Se pouvait-il que cette ville soit une ville des précurseurs? Elle en avait tous les airs: elle semblait très ancien. Elle semblait fatiguée. Elle semblait usée. Et elle semblait quasiment détruite, même si elle grouillait d'activité et de vie. Seul le cataclysme des précurseurs avait pu faire des dégâts aussi impressionnants. Ce qui la sidérait était de voir que de tels vestiges persistaient, que des hommes y habitaient et qu'ils reconstruisaient la ville, pierre après pierre, jour après jour, ainsi que effort après effort.

Autour de cette ville absolument immense, avaient été construits des remparts immenses et en béton, qui semblaient particulièrement larges, comme des murailles. Plusieurs portes avaient été aménagées à plusieurs endroits de cette ville à la forme ronde, des immenses portes qui semblaient avoir été faites de fer et de métaux solides. Elles semblaient même imprenables. Elle était soulagée de ne pas avoir à rentrer dans cette ville de force, et de ne pas avoir à se battre contre les gens de cet endroit.

Les remparts avaient été aussi construits sur le lit du fleuve, de l'ancien fleuve qui avait été asséché depuis des années et des années. Il ne restait plus que les traces de ce que le fleuve avait été auparavant, sans qu'ils ne puissent savoir exactement pourquoi ce dernier était mort. Le cataclysme avait été violent et il avait changé jusqu'à la surface des terres séparées, les rendant difficiles à vivre. L'assèchement de ce fleuve n'était qu'une preuve de plus de ce que ce désastre avait été pour eux.

Devant ces portes, se trouvaient des amas de personnes, des centaines et des centaines de personnes. Elle pouvait voir des animaux de tout genre: des chevaux, des vaches, des moutons... Elle pouvait aussi voir des caravanes et des roulottes, mais surtout un grand nombre de personnes et des tentes aménagées, certainement pour que les voyageurs puissent se reposer avant de pouvoir entrer dans l'enceinte de la Capitale... Ou quelque chose dans ce genre qu'elle ne pouvait pas encore imaginer exactement.

Cela changeait tellement de tout ce qu'elles avaient vu, ces derniers jours: depuis qu'elles avaient quitté les rives du fleuve Garigea, elles n'avaient croisé personne, exactement comme Salvinah l'avait prédit. Les maisons étaient effectivement éloignées les unes des autres, séparées par des champs et des forêts, ainsi que par des routes de terre larges qui pouvaient laisser passer de grandes caravanes.

Elles avaient parfois aperçu des ombres de loin, des hommes et des femmes qui travaillaient péniblement dans les champs tout au long de la journée, des premières lueurs de l'aube aux dernières heures du soleil. Ces gens avaient des visages fatigués, des cernes prééminentes et parfois des chaînes aux pieds dans les champs les plus grands. Elle y avait parfaitement reconnu des esclaves.

Ces derniers étaient toujours enchaînés aux pieds et parfois aux mains. Ils ne semblaient pas être nourris à leur faim, leur maigreur leur permettant à peine de survivre et de travailler. Leur peau semblaient recouverte de blessures et d'hématomes, prouvant qu'ils étaient maltraités bien plus que de raison. Et ils dormaient dehors, dans les champs, malgré le froid. Ces gens-là n'étaient que des morts en sursis: tout était fait pour les faire périr... Et à leurs yeux mornes et dévastés, ils le savaient aussi bien qu'elle.

Les fermiers avaient évité de rentrer en contact avec les deux jeunes femmes, baissant les yeux et s'enfuyant dès qu'ils les voyaient. Ils avaient tous quelque chose de chétif et d'apeuré. Ils semblaient tous craindre des malheurs plus grands les uns que les autres: des souffrances et des douleurs qu'ils semblaient déjà tous connaître par cœur... Et ils semblaient penser qu'elles pouvaient être responsables de ces malheurs.

Salvinah avait raison: les gens des terres sèches avaient peur. Et elle savait exactement de quoi: tous ces gens avaient peur des hommes en noir et ce qu'ils étaient capables de faire subir aux terres sèches.


Heureusement, elles n'avaient pas vu ces hommes.

Les Mondes Séparés: La ChasseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant