Le tunnel (3)

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Elle vit alors une pièce d'une vingtaine de mètres carrés s'étendre en cercle autour de l'entrée du tunnel: des murs en pierres brutes sur lesquels étaient posées des étagères en bois où se trouvaient des bocaux de nourriture par centaines. Sur la gauche de Levah, se trouvait un escalier en pierres qui semblait monter en direction durez-de-chaussée. Le plafond n'était pas très haut: à peine deux mètres de hauteur. Et, l'ensemble de la pièce, dans cette cave, était incroyablement poussiéreuse. Elle sentait le moisi et l'humidité. Ce n'était qu'une vieille cave qui semblait contenir de vieilles choses.

Dans cette pièce, avec Rayak, se trouvait une douzaine d'hommes, les armes à la main. Ces hommes semblaient avoir tous entre vingt et trente ans, sauf l'un d'entre eux qui semblait avoir une cinquantaine d'années. Ils semblaient en meilleure forme que les nomades, semblant manger à leur faim, n'ayant pas les joues creuses, ni les yeux trop grands. Peut-être semblaient-ils plus pâles que les nomades, seulement? Par contre, quelques uns semblaient avoir des hématomes et des contusions sur le visage et sur les bras, des traces de griffures et de blessures plus ou moins importantes. Ils donnaient l'impression d'avoir été battus, certainement par les hommes en noir, ce qui ne l'étonnait pas.

Rapidement, la jeune femme sortit de la trappe menant au tunnel et vint se poster aux côtés de Rayak, sur le côté de la pièce, tout en gardant le silence et en se mettant à observer les autres personnes présentes avec une grande attention: aucun de ces hommes ne semblait vouloir faire le moindre geste. Ils semblaient presque inanimés. Ils donnaient presque l'impression d'avoir déjà baissé les bras, à se demander ce qu'ils faisaient dans cet endroit à attendre de se battre. Mais, elle s'imaginait que ces hommes ne portaient qu'un masque pour éviter que les autres ne puissent savoir ce qu'ils ressentaient au fond d'eux-mêmes. En tout cas, elle espérait vraiment que ce soit réellement cela.

Salvinah sortit rapidement de la trappe à son tour, venant se placer à côté de la jeune femme en silence. Elle vit alors l'homme d'une cinquantaine d'années s'animer rapidement et se rapprocher des trois personnes tandis que le reste des nomades apparaissaient dans la pièce. Il regarda alors les deux femmes, l'une après l'autre, et déclara d'une voix aussi puissante que calme, profonde et caverneuse:

_Laquelle de vous-deux est la fille du crépuscule?

_La fille du crépuscule, s'étonna alors Salvinah avec une vivacité qui sembla étonner les hommes présents?! Rayak, tu n'es pas sérieux. Cette habitude que tu as de donner des surnoms à toutes les personnes que tu rencontres en permanence est extrêmement pénible. Franchement, j'espère, au moins, que...

_C'est moi, la coupa alors Levah avec calme. Et, je suppose que vous êtes l'aubergiste...Elle ne comprenait pas pourquoi Salvinah s'énervait de cette manière pour des broutilles à son sens. Elle se fichait pas mal de comment les gens pouvaient l'appeler et les désigner. Ça n'avait aucune importance à ses yeux! Ces gens-là n'avaient pas réellement d'importance à ses yeux, non-plus. Pourquoi devrait-elle accorder de l'importance à ce que ces gens disaient d'elle, ou même pensaient d'elle? Elle n'avait pas de temps à perdre avec ce genre de choses. Franchement, ça n'avait aucune espèce d'importance pour elle.

Puis, quelque part, que tout le monde la désigne par un surnom, et non par son vrai nom, l'arrangeait plus qu'autre chose: elle était l'ennemie des hommes en noir. Quelque chose lui disait qu'après cela, elle allait être poursuivie et recherchée par ces derniers. Avec ce surnom, ça allait être plus difficile pour eux de la retrouver. Elle allait pouvoir traverser les villes plus facilement et de manière anonyme. Que ces gens continuent de l'appeler comme cela, s'ils le voulaient! Cela arrangeait ses affaires plus qu'autre chose. Salvinah ne devait vraiment pas s'en faire pour ce genre de chose, ni s'énerver...

_C'est cela, dit alors l'homme. Les gens m'appellent Micka. Je crois que nous avons une mauvaise nouvelle à vous annoncer. Les hommes en noir, et leur capitaine, ont décidé d'organiser une fête chez eux, ce soir, avec les membres de la ville qui leur viennent en aide pour contrôler Pléna. Ils sont une vingtaine de personnes présentes en plus dans le bâtiment, à l'heure qu'il est. Et, d'après nos informations, ils semblaient tous être armés jusqu'aux dents, et largement bien armés, en plus de tout cela...

_Manquait plus que cela, s'exclama alors Rayak! Je crois que ça remet en cause toute notre opération.

_Pourquoi, demanda alors Levah? Elle ne comprenait pas ce que disait cet homme. Elle ne comprenait pas pourquoi il voulait que cette nouvelle remette en cause tout ce qu'ils avaient décidé de faire ensemble. Pourquoi voulait-il soudainement que cela remette tout en cause? Pourquoi voulait-il soudainement tout arrêter? Pour elle, cela ne changeait rien. Quelques personnes de plus ne pouvait rien changer à ce qui allait se passer. C'était ainsi qu'elle voyait les choses. Et, elle ne comprenait pas pourquoi Rayak n'était pas capable devoir tout cela de la même manière qu'avant.

Avait-il peur? Avait-il peur de se battre? Avait-il peur de devoir tuer des hommes? Ou, avait-il peur de ne pas réussir et de chuter? Car, dans la situation dans laquelle les siens se trouvaient, ce n'était qu'une question de jours pour que la chute soit amorcée et mortelle. Ils devaient absolument faire quelque chose avant qu'il ne soit trop tard. Ils devaient absolument se défendre de ce qui était en train de se passer et de la persécution des hommes en noir. Il le savait très bien. Ils n'avaient pas réellement le choix.

D'ailleurs, elle n'avait pas l'impression qu'aucun d'entre eux n'avait réellement le choix. Les gens qui vivaient à l'intérieur de la ville semblaient aussi subir les affres des hommes en noir, et aussi de manière violente. Et, les deux jeunes femmes avaient absolument besoin de libérer cette ville afin de pouvoir poursuivre leur route. Ils n'avaient pas vraiment le choix: ils devaient le faire, qu'importaient le nombre d'hommes qui allait se dresser sur leur route en cette soirée. Le nombre qu'ils étaient n'était qu'un détail dans le déroulement de cette histoire. Elle en était profondément persuadée.

_Ils sont beaucoup plus nombreux que ce que nous avions prévu, déclara alors Rayak en se tournant en direction de la jeune femme. Ce serait suicidaire de les attaquer comme cela. Demain serait une bien meilleure idée.

_Suicidaire,rétorqua alors Levah en prenant son arc dans les mains et en commençant à s'avancer en direction des escaliers? Tu ne sais pas ce dont tu parles... S'ils sont réellement vingt hommes de plus, ils seront simplement vingt hommes de plus à tuer. Et, si tu ne le fais pas toi-même, je le ferais de mes propres mains sans le moindre soucis. Si ces hommes aident les hommes en noir, ils ne méritent que de mourir. Et, je n'aurais aucun scrupule à le faire. Ça, tu peux vraiment en être certain...

_J'aime bien cette fille du crépuscule, s'exclama Micka en prenant une épée entre ses mains et en se mettant à suivre Levah avec un empressement et une excitation qui contrastait avec l'attitude de Rayak...


_Elle est encore plus dure que j'aurais pu le penser, murmura Salvinah assez fortement pour que la jeune femme puisse l'entendre avec une grande clarté. Elle me plaît de plus en plus. Pas à toi, Rayak?

Les Mondes Séparés: La ChasseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant