Kortat (4)

15 5 0
                                    

La jeune femme ne savait pas quoi dire d'autre: elle était réellement désolée pour elle. Son père était une personne horrible avec elle. Il avait été le plus affreux de tous. Elle comprenait mieux pourquoi la jeune femme s'était enfuie de chez elle et pourquoi elle ne voulait plus avoir affaire aux rôdeurs. Et elle commençait à comprendre pourquoi les gens disaient tellement de choses horribles sur ces gens. Effectivement, ils semblaient terribles, tellement que même les hommes en noir refusaient de leur faire face et de les affronter en combat régulier et honnête.

Et soudainement, elle comprenait ce qu'elle avait vu sur les pauvres loups des marais. Elle savait ce qu'il leur était arrivé: les hommes en noir n'avaient pas hésité à les capturer, à les torturer et à les affamer, tout cela pour les relâcher dans les marais afin qu'ils fassent un maximum de dégâts et qu'ils tuent un maximum de rôdeurs. Ils étaient prêts à tout pour obtenir la domination sur les terres séparées. Ils étaient prêts à toutes les ignominies et à tous les meurtres pour parvenir à leurs fins, sans conscience.

Plus elle en apprenait sur eux, plus elle ne pouvait s'empêcher de les haïr du plus profond de son cœur.

Mais si les loups étaient là pour détruire et soumettre les rôdeurs, cela voulait dire que ce n'était qu'une question de temps pour qu'ils n'attaquent la ville de Kortat. Là où elles étaient, elles étaient en danger. Elles devaient s'enfuir le plus rapidement possible. Elles devaient poursuivre leur route avant qu'il ne soit trop tard pour elles, avant de ne plus pouvoir faire le moindre pas en avant. Elles ne pouvaient pas se permettre de rester dans cette cellule, enchaînées comme de simples animaux de labeur.

La jeune femme se mit à regarder frénétiquement autour d'elle, tout en remuant doucement les bras afin de trouver une faille lui permettant de se libérer de ses liens. Mais, ceux-ci étaient trop serrés autour de ses articulations et entravaient le moindre de ses mouvements. Elle ne pouvait rien faire toute seule. Elle n'était pas assez forte pour se libérer de chaînes comme celles-ci sans aucune aide extérieures.

Déjà, la dernière fois qu'elle avait été entravée par des liens, elle avait eu besoin de l'aide de Zera pour l'aider à se libérer. Là, elle ne pouvait pas faire quoi que ce soit. Même le renard blanc avait été entravé. Et, il ne pouvait pas faire le moindre mouvement dans cette cage beaucoup trop petite pour lui. Elle en avait tant de peine pour lui. Il semblait souffrir et elle ne pouvait rien faire pour lui venir en aide, comme il l'avait fait pour elle.

Comme s'il avait entendu les pensées de la jeune femme, Zera ouvrit les yeux et se mit à la regarder avec intensité.

Comment ce rôdeur l'avait-il appelé? Un renard mutant? Que cela voulait-il dire? Que Zera n'était pas comme les autres renards? Ça, elle le savait déjà. C'était pour cela qu'elle l'aimait tant. Avait-il voulu dire qu'il n'était pas normal? Elle n'osait pas le croire. Pour elle, Zera était parfait: il était intelligent et puissant, courageux et aimant. Personne n'avait le droit de dire qu'il avait quelque chose d'anormal en lui. Personne n'avait le droit de le dénigrer de la sorte. Il était son seul et unique ami.

On disait que les précurseurs avaient fait des manipulations sur les animaux, qu'ils les avaient changé et que toutes ces manipulations avaient précipité leur fin. Était-ce de cela dont les rôdeurs parlaient lorsqu'ils disaient que Zera était un mutant? Elle n'osait pas le croire. Ça lui faisait beaucoup trop de mal.

Les pensées de Levah furent interrompues par des bruits de pas qui se mirent à résonner dans le couloir, se rapprochant rapidement d'elles. La lumière faible d'un torche apparut alors et grossit de plus en plus: une personne se rapprochait d'elles lentement, en silence. Certainement une personne qui cherchait à avoir des renseignements sur qui elle était et sur ce qu'elle faisait dans cet endroit éloigné de tout.

Elle vit alors apparaître le corps de ce qui semblait être une femme, habillée dans exactement le même genre de tenue que Salvinah, sauf que sa tenue était noire et rouge, et qu'elle avait une capuche sur le visage. Malgré cela, Levah pouvait voir une longue tresse de cheveux blancs en sortir et la couleur de la peau de la jeune femme: exactement la même peau hâlée que Salvinah avait.

La femme posa la torche sur l'un des piques prévu à cet effet. D'un geste, elle accrocha ses mains sur les barreaux en fer de la cellule afin de s'appuyer dessus d'un air nonchalant. Sans regarder Levah, elle se mit à déclarer faiblement:

_Alors c'est toi, la fille du crépuscule dont tout le monde parle tout le temps en ville depuis ce matin?

_Keenah, s'exclama Salvinah avec étonnement? C'est vraiment toi?... Mais, qu'es-tu devenue? Que ton frère t'a-t-il fait?... Keenah est la petite sœur de Sedimah, l'homme qui nous a arrêté. Elle doit avoir le même âge que toi... Trois ans de moins que moi... Mais, elle a... On dirait qu'elle est complètement soûle...

_Je ne suis pas assez soûle pour ne pas savoir ce que je fais. Ne t'en fais pas pour moi! Et, tu n'es pas la seule dont le cœur a été brisé par les agissements de ton père et de mon frère: ils m'ont pris Basti, Salvinah... Et maintenant, mon frère veut me marier de force avec le capitaine de sa garde, dans trois jours...

_Et qu'est-ce que ça peut me faire, à moi, rétorqua Levah? J'ai des choses plus importantes à faire que de penser à tes histoires de cœur dont je n'ai absolument rien à faire... Tu m'ennuies déjà, d'ailleurs.


_Les loups des marais sont aux hommes en noir, c'est cela? 

Les Mondes Séparés: La ChasseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant