Les rives du grand fleuve

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Elle vit le village apparaître dans son champs de vision avec un immense soulagement. Elles y étaient! Elles étaient parvenues à marcher à travers les marais sans céder. La marche avait été tellement longue et fatigante qu'elle avait cru en devenir folle. Mais heureusement, tout cela était fini.

Comme il était bon de sentir les premiers rayons du soleil venir caresser son visage sans aucune obstruction. Elle ne pouvait plus supporter le brouillard. Elle ne pouvait plus supporter l'obscurité. Maintenant elle avait tout cela en horreur. C'était réellement la pire des choses des terres séparées pour elle.

Les longues journées sans voir un nuage dans l'hiver des montagnes lui manquait terriblement: le ciel pâle et froid lui manquait. La neige scintillante lui manquait. Les diamants dans les feuilles des arbres lui manquaient. Maintenant qu'elle avait tout perdu, elle se rendait compte d'à quel point tout cela était précieux pour elle: cette lumière franche qui avait toujours habitée sa vie dans les montagnes.

Mais elle devait avouer que le spectacle qu'elle avait sous les yeux était tout aussi magnifique: un village d'une dizaines de maisons collées sur les berges d'un fleuve immense dont les eaux scintillaient fiévreusement aux rayons du soleil; un village qui n'avait pas le moindre rempart, pas la moindre barrière; une plaine qui s'étendait autour remplie de champs aux cultures aussi grasses que riches, aux milles couleurs qui flamboyaient. L'image d'une sérénité immobile loin de tous les tourments.

Les champs s'étendaient sur des kilomètres carrés avant de rencontrer violemment les falaises qui montaient en direction des marais, des falaises qui ne faisaient qu'une trentaine de mètres de haut: au-dessus, s'étalait le monde sombre auquel elle ne voulait plus avoir à faire face avant longtemps, très longtemps. Lorsqu'elle reviendrait avec Christie, elles trouveraient un autre chemin que celui-là à emprunter.

De l'autre côté du fleuve, malgré la distance, elle pouvait apercevoir qu'il n'y avait pas de village, juste une maison immense qui faisait face au fleuve. Derrière, se trouvaient d'immenses champs en tout genre avec quelques maisons éparses ici et là. Les gens semblaient y vivre loin les uns des autres, un peu comme l'avaient fait les parents de Levah en allant s'installer au fin fond des montagnes.

Quant au fleuve lui-même, elle comprenait mieux maintenant pourquoi elles avaient besoin d'aide pour le traverser: non seulement il était large, mais il semblait particulièrement profond. Et le débit de l'eau était affreusement rapide, bien trop rapide pour penser pouvoir nager dedans, ne serait-ce que quelques minutes.

Salvinah dépassa rapidement la jeune femme, tourna la tête dans sa direction afin de lui sourire avec amitié et lui fit signe de la suivre jusqu'au village d'un hochement, ce qu'elle fit sans se faire attendre.

_J'espère qu'ils ont un peu d'alcool dans ce village, s'exclama Keenah tandis qu'elles approchaient des habitations.

_Comme dans tous les villages qui se respectent, rétorqua Salvinah en riant! Tu es une espèce d'alcoolique...

_Je n'ai rien de mieux à faire de ma vie depuis que Basti est parti. Et ça ne risque pas de changer de sitôt. Tant que les annihilateurs seront là, il n'y aura pas d'espoir, ni pour moi, ni pour n'importe qui d'autre.

_Je m'occupe des hommes en noir, dit calmement Levah. Toi, j'ai une mission à te confier. Keenah la regarda en haussant un sourcil en signe d'interrogation. Elle savait que cette femme ne comprenait pas ce qu'elle voulait dire. Elle-même n'était pas encore parfaitement sûre de ce qu'elle allait faire. Mais, que ce soit pour elle ou pour Lorya, les solutions n'étaient pas nombreuses. Et aller jusqu'à la Capitale n'était pas une bonne option pour elles, voire même il s'agissait d'une option dangereuse.

Pas avec ce qu'elle avait l'intention de faire...

Les quatre femmes arrivèrent aux abords du village en quelques minutes. Elles dépassèrent les premières maisons. Les gens qui vivaient dans cet endroit étaient des gens simples. Ils semblaient vivre de la pêche sur le fleuve, de la traversée de ce dernier et des champs qui étaient autour d'eux. Ils devaient faire le commerce de tout ce qu'ils arrivaient à produire en supplément. Car malgré la simplicité de la vie qu'ils semblaient mener, tous ces gens-là semblaient vivre une vie dans l'aisance...

Ils n'avaient pas le moindre rempart autour d'eux, ce qui prouvait qu'ils vivaient en paix, loin du tumulte provoqué par les hommes en noir. Comment parvenaient-ils à faire une chose? Comment arrivaient-ils à ne pas être les victimes de ces monstres? Depuis qu'elle était partie de sa ferme, c'était la première fois qu'elle voyait une telle chose sous ses yeux. Et elle en était profondément étonnée.

Salvinah leur fit signe de la suivre, ce qu'elles firent sans broncher. Elles se dirigèrent alors vers la maison qui se trouvait le plus proche du fleuve, d'où elles pouvaient voir sortir un ponton sur lequel étaient installés plusieurs barques de fortune dont l'allure extérieure ne rassurait pas forcément la jeune femme.

Salvinah s'arrêta brusquement, se retourna vers les trois femmes qui se fixèrent sur place à leur tour et leur déclara d'une voix aussi lasse que joyeuse par ce qu'elle pouvait enfin leur dire dans cet endroit:

_Je crois que c'est ici qu'on se quitte. Levah et moi allons prendre une barque pour traverser le fleuve.


_Alors, qu'est-ce que je dois faire pour toi, interrogea Keenah en se tournant en direction de Levah et en plantant ses yeux dans les siens?

Les Mondes Séparés: La ChasseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant