Les Mondes Séparés: La Chasse

La réunion

Levah s'asseya sur une couverture usée qui se trouvait sur le sol, aux côtés de Salvinah et regarda la famille de Rayak sortir de la tente afin de les laisser discuter en toute discrétion. Elle se sentait un peu gênée de voir ces personnes si misérables sortir de leur maigre abri à cause de sa présence. Ils n'avaient quasiment rien et ils n'hésitaient pas à le partager avec elle. Et, elle se sentait honteuse: elle se sentait honteuse de ne pas être capable de ressentir la moindre peine pour eux. Tout ce qu'elle voyait ne faisait qu'augmenter l'immense haine qu'elle ressentait déjà pour les hommes en noir. Comment faisaient-ils pour volontairement détruire toutes les choses belles qu'ils touchaient ou même qu'ils voyaient? Comment faisaient-ils pour être aussi cruels envers toutes ces personnes innocentes?

Au bout de quelques secondes d'attente dans le silence, elle vit Rayak entrer dans latente à son tour, suivi par deux hommes qui semblaient avoir le même âge que lui: une trentaine d'années. Ils avaient le même air misérable et les mêmes haillons sur le dos, mais, eux-aussi, avaient les yeux étincelants de détermination et de volonté de se venger de ces hommes en noir. Ils semblaient avoir été athlétiques et puissants, eux-aussi. Des combattants. Maintenant, elle en était sûre et certaine. Ils ne pouvaient qu'être cela. Ils semblaient tous réagir comme cela, d'ailleurs. Une aide de plus pour la jeune femme.

Les trois hommes s'assirent alors devant les deux jeunes femmes, en tailleur, Rayak au milieu des deux autres hommes. Ce dernier se mit alors à regarder la jeune femme avec une extrême intensité pendant quelques longs instants avant de lui demander d'une voix faible, mais franche et déterminée:

_Pourquoi est-ce que tu veux passer les murailles de la ville, bien qu'elles soient hautes et quasiment impossibles à franchir? Et, tu veux les passer alors que tu connais la présence des annihilateurs?

_Comme je te l'ai dit, je dois me rendre à la Capitale le plus rapidement possible, répondit la jeune femme avec calme. Pour traverser l'Addus, j'ai besoin d'une caravane de nomades. Et, le meilleur moyen de l'avoir rapidement est de se débarrasser des hommes en noir qui sont à Pléna le plus rapidement possible.

_Les annihilateurs sont dangereux et parfaitement capables de se battre et de tuer. Que comptes-tu faire contre eux? Tu veux les arrêter et les emprisonner? Ou, tu veux juste essayer de les entraver un peu?

_Je n'ai pas le temps de faire des prisonniers. Je compte juste tous les tuer. Rayak se mit alors à rire à gorge déployée. Il ne croyait pas un seul mot de ce que la jeune femme disait. Pourtant, elle n'exagérait pas une seule seconde ses intentions. Les hommes qui tenaient cette ville étaient des hommes en noir. Et, elle avait l'intention de se venger de chacun d'entre eux. En tuer plusieurs ne lui posait pas de problème. Maintenant, elle pensait même que tuer qui que ce soit ne la dérangeait pas. Tout ce qu'elle voulait, c'était qu'on ne se retrouve pas sur son chemin, en travers de sa route pour l'arrêter.

_Si elle dit qu'elle va le faire, elle va réellement le faire, intervint alors Salvinah. Et, elle sait parfaitement se battre. Elle sait parfaitement ce qu'elle a à faire, bien plus que tu ne peux le croire, apparemment...

_Toi, pourquoi tu es avec elle, d'ailleurs, demanda soudainement l'homme à la gauche de Rayak, avec défis?

_En une nuit, elle m'a sauvé la vie trois fois... Ce sont des dettes gravées dans le sang pour moi: trois dettes que je dois rembourser à n'importe quel prix. Et, je sais que tu ne comprends pas la culture des rôdeurs et pourquoi nous agissons comme cela... Alors, ne cherche pas à comprendre!... Ce n'est pas important. Ce qui est important, c'est que cette femme est l'une des meilleures combattantes que j'ai jamais vues. Si elle dit qu'elle peut les neutraliser, elle peut le faire. Et, Levah n'est pas le genre de personnes à se poser des questions philosophiques sur ce qu'elle a décidé de faire avec les annihilateurs...

_Pas de questions philosophiques?

_Je me fiche totalement de devoir tuer des personnes afin de pouvoir parvenir à mes fins, intervint alors Levah. Les hommes en noir sont des monstres et je n'aurais pas le moindre doute à les supprimer... La jeune femme plongea ses yeux dans ceux de Rayak afin que ce dernier soit sûr et certain qu'elle était sincère et déterminée dans ce qu'elle disait. Attaquer cette ville ne lui faisait pas peur. Tuer ces hommes en noir ne lui faisait pas peur. Avoir du sang sur les mains ne lui faisait pas peur. Cela, il ne devait pas en douter. Levah n'avait plus ce genre de questions en tête depuis qu'elle avait vu ses propres parents se faire assassiner devant ses yeux par des hommes cruels et monstrueux. Tout ce qu'elle voulait, c'était se venger. Tout ce qu'elle voulait, c'était se soulager de cette immense haine qu'elle avait au fond de son cœur devenu tellement froid et de son âme tellement dure.

Mais, ce qu'elle ressentait et ce qu'elle se sentait capable de faire n'était pas le plus important, à cet instant. Ce qu'elle voulait savoir, c'était ce que ces hommes étaient capables de faire, de leur côté. Elle n'était pas stupide. Elle ne se faisait pas d'illusions. Elle ne pouvait pas prendre cette ville et la libérer toute seule. Elle avait besoin d'aide. Elle avait besoin de l'aide de ces personnes afin qu'ils combattent à ses côtés. Elle devait savoir s'ils étaient capables de prendre les armes afin de se sortir eux-mêmes de la situation dans laquelle ils avaient été jetés par ces monstres, par ces hommes en noir.

_Et toi, demanda soudainement la jeune femme? Qu'est-ce que tu es capable de faire pour aider les tiens?