Ton Vrai Visage ᵇᵗˢ ⁻ ʷᵈʷ

Chapitre 92

Je tourne la tête de chaque côté, tournant le dos à la porte vitrée du restaurant. Mon souffle froid se propage dans l'atmosphère, tandis que mon cœur battant part à la recherche d'Haylee. Un cœur indécis, partagé entre l'amour et la douleur. Mais je n'ai pas le temps d'y penser plus longtemps, je vois celle que je cherche, non loin de là, assise sur un des rebords d'un magasin. Elle contemple le vide, comme fascinée par celui-ci. Durant un bref instant, je ne peux m'empêcher de sourire et de la trouver jolie, ainsi au milieu de New York. Ses cheveux flamboyants, ses yeux sombres et son look bien particulier. Jimin ce n'est pas le moment !

Je soupire un grand coup en fixant mes pieds avant de m'avancer d'un air faussement sûr en direction de celle pour qui j'éprouve toute sorte de choses contradictoires. Je me poste en face d'elle, lui faisant ainsi relever le regard en ma direction. Elle me lance un regard rempli de surprise, et de regrets. Je ne peux m'empêcher de soupirer à nouveau, avant de m'installer à ses côtés. Le silence règne entre nous. Mes mots ne semblent pas venir, les siens aussi demeurent muets et invisibles. Alors, je me mets à observer la rue, tout en me retournant l'esprit. Je me mords la lèvre, avant de ranger mes petites mains dans mon sweat ample. Tout mon corps paraît trembler, stressé par les circonstances.

Mais je ferme les yeux, les ouvrent presque aussitôt et repose mes pupilles sur le doux visage d'Haylee.

Moi : Je ne veux pas qu'on se dispute, j'ai simplement besoin de réponses. Pourquoi es-tu partie ?

Haylee : Je te l'ai déjà dit...

Moi (la coupant) : Non. Je veux des vraies réponses, des réponses claires. J'en ai marre de devoir jouer aux devinettes. J'ai besoin que tu sois franche avec moi. (après une pause) Je ne compte pas assez à tes yeux, c'est ça ?

Haylee (me regardant enfin) : Quoi ?! Mais qu'est-ce que tu dis...

Moi (les larmes aux yeux) : C'est l'impression que tu me donnes. De n'être rien, même pas un ami qui compte assez pour le prévenir, lui donner des nouvelles.

Haylee (timide) : Mais si tu t'es inquiété, cela prouve que je suis importante pour toi...

Moi : Peut-être, mais vois-tu : je ne vois pas les choses de cette façon-là !

Haylee : Jimin...S'il te plait...Je-j'aimerais que tu m'écoutes.

Moi : Mais je n'attends que ça ! Que tu m'expliques tout depuis le début pour que je puisse au moins essayer de comprendre !

Haylee (baissant la tête) : Mais j'ai peur Jimin...J'ai si peur...

Moi : Peur de quoi ?

Haylee (pleurant) : Que cela change la suite des choses...

Moi : En quoi cela pourrait-il changer si ce n'est en bien Haylee ?

Je me plonge dans ses iris noires, laissant mes joues s'humidifier de larmes. Mon cœur reste ainsi serré dans ma poitrine, tout autant que ma gorge étroite et sèche. J'ai cru un instant pouvoir améliorer tout ceci, nous sortir tous les deux de cette situation. J'ai cru un instant que nous allions pouvoir parler, discuter de tout ceci. J'ai cru un instant, qu'il n'y aurait pas besoin de combat et de séquelles pour cela...Mais tous ces espoirs ne sont que faux, absurdes et non fondés. La route vers laquelle nous nous dirigeons semble être l'opposé de celle que j'avais l'intention d'emprunter. Le destin semble ne pas vouloir exaucer mes souhaits, il me fait face pour me défier. Je sens son regard sur moi, comme s'il continuait de me larguer alors que je suis au bord du gouffre... Un gouffre de solitude et d'incompréhension restées dans le flou le plus ample. Celui qui voile nos visages jusqu'à les rendre invisibles...

Je cligne plusieurs fois des yeux afin de revenir à la réalité. Et je constate malgré moi qu'une Haylee brisée se tient toujours à mes côtés. Elle semble réfléchir, essayer de ne pas se perdre, et je ne sais pourquoi, je lis tant de haine envers quelqu'un que je ne saurai dire de qui il s'agit. Des regrets. Des envies ? Je ne lis qu'une douleur immense et un cœur brisé bien emmitouflé dans une couverture de peau rugueuse. Ses yeux si mystérieux, cachant tellement de choses brillent plus que jamais, comme toutes ces étoiles que j'ai pu voir à certains moments chez elle. Mais cette fois-ci, il s'agit de larmes de tristesse qui coulent sur ses joues. Des filets d'eau lourds et interminables qui semblent être rangés en stock important sous ses cernes violettes. Mon cœur se resserre à nouveau, cette image que j'ai à présent sous mes yeux, et cette question laissée en suspend...

Haylee : Je...Jimin...Je sais que cela va changer les choses car...(après un sanglot) Je ne suis jamais partie...Je ne suis jamais retournée en France...

Soudain...
Je commence à courir, malgré mes jambes tremblantes et mes larmes. Je marche vite, d'un pas décidé dans cette rue malgré tout inconnue. Je ne sais pas où je vais, je n'ai plus envie de savoir, mais je continue d'avancer. Mes mouvements semblent être exécutés au ralenti. Avant de bifurquer dans un boulevard sur ma droite, avant de définitivement sortir de cette bulle, cet univers étrange...Je me retourne lentement, et pose mes yeux en direction du magasin sous lequel est encore assise Haylee. Je la vois recroquevillée sur elle-même, son visage recouvert par ses mains. Mes larmes roulent de plus belle et ne cessent de jaillir de mes yeux rougis. La voilà la personne qu'elle déteste, la voilà toute cette haine que j'ai pu lire...Des regrets envers elle-même, qui se justifient par cet acte, cette révélation. Je ne saurais dire ce que je ressens, les mots sont trop frais pour y penser.

Je bifurque dans la rue, comme ayant pris une terrible décision. Celle de laisser une fille pleurer dans une rue de New York, celle de la laisser errer ainsi, celle de la laisser et de fuir comme un délinquant. Cette fille, qui malgré tout, malgré tout ceci, tout cela...réussit à faire battre mon cœur. Mais nous en sommes revenus au point de départ. Une rue, une larme et un mensonge...J'ai pris la décision de m'enfuir , de la laisser continuer seule dans cette situation.

Mes pensées se stoppent tout autant que moi qui m'arrête au beau milieu du boulevard. Tu vas le regretter Park Jimin, tu le regrettes déjà.