Chapitre 119

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[LE DERNIER JE PLEURE]

Cela fait un jour. Un jour que tout a changé, que notre vie n'est plus comme avant, que cette même sensation de vide persiste. Les couleurs sont parties, elles se sont envolées. A présent tout semble terne, fade...noir, et blanc. Même le soleil qui traverse nos visages ne suffit pas à éclairer notre peau. Notre cœur effectue ses tâches d'une danse calme, terne, empêchant notre sang de circuler et d'alimenter nos pores. Plus aucune étoile ne paraît assez puissante pour atteindre nos yeux et les faire briller. Nos cadavres errent dans les intérieurs, loin de l'air frai qui pourrait teinter nos joues. On boit la vie avec amertume, comme s'il s'agissait d'une boisson imbuvable que nous nous efforçons d'avaler jusqu'à la dernière goutte.

Alors, tandis que nous sommes installés sur les canapés du salon, aucun de nous parle. Les yeux rivés sur un écran, ou au contraire dans le vague, le silence commence à peser sur nous. Haylee et Jack se blottissent l'un contre l'autre, le regard absent. J'ignore où ils sont, mais je sais qu'il pourrait s'en passer des choses avant qu'il ne remarque quoi que ce soit. Je soupire discrètement en lançant un regard inquiet à Daniel, assis à côté de moi. Il regarde à son tour nos amis avant de revenir à moi en me faisant un sourire triste. Je baisse la tête alors que je le sens s'approcher de moi et enrouler son bras autour du mien. Et puis, comme si l'atmosphère se remplissait à nouveau d'aire, faisant entrer les ondes en contact avec nos tympans, ma meilleure amie entrouvre ses lèvres :

Haylee : Comment est-ce que je peux le détester autant que je l'aime ?

Tous : Qui ça ?

Haylee (sourire en coin) : Bein Jimin ! Jimin...A cause de lui la planète entière va être au courant de notre relation... Raaaah je le déteste !!

Jack : Pourtant tu as l'air calme !

Daniel : Et puis c'est ce que tu voulais non ? Limiter les secrets et les mensonges ?

Haylee : Pas faux...MAIS je le déteste quand même !!

Moi (riant) : C'est sûr que tu as l'air de te retenir d'aller le tuer...

Haylee (souriant) : Chut !

Jack (triste) : Il me manque...

Daniel : Tu n'es pas le seul Jack.

Moi : Ça tu l'as dit...

Haylee : Pourquoi c'est si prévisible la vie ?!

Tous : CAR C'EST LA VIE !

Je souris, bordant mes lèvres d'un fin rictus. A vrai dire, j'ignore si ce geste est un signe de joie ou de tristesse. Mon cœur est encore entrelacé de chaînes, comprimé au fin fond de ma poitrine. Mon cerveau, quant à lui, s'active à trouver une solution. Il y en a forcément une, pas vrai ? C'est comme en maths : malgré la difficulté de l'exercice, on finit toujours par trouver le résultat final. Des formules, des graphiques, des réflexions...Tout ce chemin emmène à établir une méthode qui permettra de trouver cette solution de plus en plus rapidement, avec de plus en plus de facilités. Mais s'il s'agissait d'une énigme sans solution ? Car après tout cela existe aussi dans le monde de la science : les questions sans réponses...Je soupire en me penchant en avant pour poser mes coudes sur mes genoux, coudes qui appuient à présent ma tête. Je fixe le sol, à la recherche de ce chiffre clé.

Puis, soudain, comme sortie de nulle part, je la trouve, comme si elle trônait sur la moquette, entre deux bouts de tissus, prêt à tous nous sortir de là. Je lève la tête, doucement, observant la scène qui se passe autour de moi. Rien n'a changé au fond, mais un sourire se tisse peu à peu sur mon visage. Ce geste donne de la vigueur aux tissus de ma peau qui commencent à se teinter peu à peu de couleurs rosées. Je bats des cils une fois en direction de ma meilleure amie, Jack, Daniel, puis ce plafond lumineux baigné de soleil. Comment ne pas y avoir pensé plus tôt ? Alors j'entrouvre mes lèvres, brisant la bulle dans laquelle je m'étais séparée des autres, afin de couvrir leur visage de roses, de bleus et de verts.

Moi : Ça vous dit de passer un petit séjour à Séoul ?

Jack et Haylee semblent enfin se réveiller de leur hibernation au cœur de ce monde étranger dans lequel ils se sont plongés dangereusement. Ils me regardent tout d'abord, les yeux écarquillés, ronds. Puis, ils se regardent l'un et l'autre, tandis que je les dévisage moi aussi, l'un après l'autre. Ils se mettent alors debout, comme si leur sang c'était de nouveau remis à circuler...

Haylee : Omo mais pourquoi on n'y a pas pensé plus tôt ??? C'est génial comme idée !!

Jack : On va pouvoir les voir à nouveau et...

Puis leur joie se stoppe, aussi rapidement qu'elle s'est installée. Ils se laissent tomber sur le canapé, tandis que les effluves de leur sang regagnent leur organe vital. Il se réinstallent, blottis l'un contre l'autre et nous lance, leur voix à l'unisson formant un mélange acre :

Haylee & Jack : Mais non c'est impossible, nous ne pouvons pas...

De fines larmes commencent à perler leur visage, comme si je venais de briser ce qui permet qu'il reste en vie. Je les fixe alors, le cœur de plus en plus comprimé, presque en miettes. Il bat, il bat si vite que j'en ai mal à la tête. Mais ils ont raison, nous ne pouvons pas...Alors, je ne comprends pas lorsque Daniel me regarde en posant sa main sur la mienne. Il entrelace nos doigts, tandis que je le regarde faire, prenant le train pour rejoindre le même monde que mes deux amis d'en face. J'attends sur le quai, les yeux brouillés par la mer salée de mes prunelles. Il va tous nous embarquer, ce train. J'entends déjà cette voix enregistrée siffler son entrée en gare. On s'y engouffrera, une fois s'être dangereusement avancés sur la bordure du quai.

Alors je ne comprends pas, lorsque mon petit ami me sourit, nous empêchant de faire le premier pas en direction du véhicule qui nous emmènerait jusque je ne sais où. Ce sourire, mais pourquoi est-il là ? Alors que ce sont les larmes qui dévastent nos trois visages...

Daniel : Cela nous ferait l'occasion de tourner le clip de notre collaboration dans ce lieu à présent si symbolique. Et puis, on n'a pas toujours rêvé de tourner en Asie ? (rêveur) Je me souviens lors de notre voyage à Séoul, nous étions si heureux que nous avions eu du mal à quitter le continent. J'ai même dormi durant plusieurs nuits avec mon masque sur la bouche...

Daniel saisit mon visage de ses deux mains et essuie délicatement mes larmes en me souriant. Nous nous rapprochons pour nous embrasser, alors qu'il pince ma joue pour me faire sourire, mais deux personnes nous en empêchent. Comme deux enfants n'ayant pas vu leurs parents depuis longtemps, Jack et Haylee bondissent sur nous, libérés de leur cage. Ils s'effondrent sur nous, de joie cette fois, et se mettent à crier dans nos oreilles. On rit avant de les prendre dans nos bras, rajoutant quelques touches de couleurs à leur corps. Nous restons un long moment ainsi, dans les bras des uns, des autres.

On se câline, on se cageole, on se réconforte en restant blottis comme un amas de poussière. Mais nous ne sommes pas une simple poussière qui s'envole en un simple coup de vent, non. Nos pigments sont forts, si puissants qu'ils éblouissent en un simple regard. Et ces couleurs, nous allons les transporter avec nous, même s'il faut traverser un océan pour qu'elles revivent. Ces couleurs, elles ne nous quitteront jamais, car aucun bout de tissu n'y peut quelque chose.

Nous pourrons porter une tenue aussi sombre soit-elle, nous pourrons recouvrir nos visages d'une couche cendrée...Ces couleurs continueront d'apporter des étoiles dans nos yeux et d'estomper les cicatrices enfouies dans nos êtres. Car peu importe la couleur de notre visage, tant que nous connaissons celle qui dessine notre cœur, ces nuances pourront s'entremêler jusqu'à l'éternité.

 Car peu importe la couleur de notre visage, tant que nous connaissons celle qui dessine notre cœur, ces nuances pourront s'entremêler jusqu'à l'éternité

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Fin

Ton Vrai Visage ᵇᵗˢ ⁻ ʷᵈʷOù les histoires vivent. Découvrez maintenant