Chapitre 5 (1)

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Bien qu'il fasse encore jour, Margot avait l'impression que le crépuscule était de sortie. Les larges feuilles des arbres de la forêt à cheval entre Kaïtharow et Thymoïsow voilaient le ciel et absorbaient les rayons du soleil, laissant peu de lumière atteindre le sol enduit de lichens et de mousses. De nombreuses fougères s'étiraient vers le haut. Des boules jaunes ornaient parfois leurs petites feuilles délicates. Curieuse, la jeune femme s'éloigna du sentier pour en toucher une. Elle l'effleura à peine que la plante se recroquevilla et disparut sous le tapis de mousse. Malgré la surprise, la brune eut envie de recommencer. Elle trouvait cette réaction vraiment drôle et ne pouvait s'empêcher de toucher à toutes les fougères qui croisait sa route.

Son rire résonnait dans la forêt silencieuse. Alors qu'elle s'apprêtait à toucher une nouvelle fois une fougère, toutes celles qui l'entouraient se recroquevillèrent dans un nuage de poussière jaune. Margot toussa et croisa un regard mordoré. Elle déglutit tandis que les yeux la dévisageaient intensément. Leurs pupilles verticales parcoururent son corps et une lueur d'amusement y brilla.

- Vous ne devriez pas vous éloigner du sentier, petite Mimagi-Konta, grogna une voix rocailleuse.

Margot fit un pas en arrière, la scène lui rappelant étrangement sa rencontre avec le Vampire. Comme elle voyait que l'être ne la suivait pas, elle en fit un second, puis un troisième et se cogna contre le tronc noueux d'un arbre sans doute plusieurs fois centenaire. Même si elle était coincée, elle put à son tour voir à qui elle avait affaire. Ses yeux glissèrent sur les traits grossiers du visage qui lui faisait face, sur le museau aplati et la truffe humide qui ne cessait de renifler l'air. Ils rencontrèrent des crocs aussi longs que des poignards, des oreilles de chèvres et des cornes de bouc. La jeune femme se figea : même si elle n'avait pas fait d'études zoologiques, elle savait parfaitement qu'un lion n'avait pas de cornes... Son regard plongea à nouveau dans l'ambre de ses yeux pour dériver sur le corps élancé, musclé et poilu de la créature qui lui faisait face. Elle déglutit quand elle vit qu'il se tenait à quatre pattes... quatre pattes qui possédaient chacune cinq griffes énormes et aiguisées. Sa queue fouettait l'air de ses écailles...

- Tous les membres de mon espèce ne sont pas aussi tolérants, dit-il, brisant le silence qui s'était installé. Si tu avais dévisagé une autre Chimère de cette manière, je peux t'assurer que tu ne serais déjà plus en vie.

Un frisson dévala l'échine de Margot. Son cerveau avait bien compris après son analyse qu'elle avait en face d'elle une créature mythologique, mais la voir parler c'était comme la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Ses jambes tremblèrent, elle glissa le long du tronc et s'effondra au sol, les larmes aux yeux.

- Hé ! s'écria la Chimère, mal à l'aise. Je t'ai dit que j'étais tolérant... Je ne vais pas te manger...

Il s'approcha d'elle à petits pas et s'arrêta immédiatement en la voyant pleurer de plus belle et se recroqueviller sur elle-même, la terreur dégoulinant par tous les pores de sa peau. Un cri dans le lointain l'interpella. Une voix masculine appelait quelqu'un. Elle se rapprochait et la Mimagi-Konta sembla enfin l'entendre. Cette dernière tourna la tête, le regard empli d'espoir. Ses yeux dérivèrent vers le félin mythologique, hésitant. Il souffla et s'éloigna d'un pas lourd. Quand il fut hors de sa vue, il se reprit sa forme humaine et se cacha derrière un arbre pour surveiller la jeune femme. Même s'il ne la connaissait pas, il ne voulait pas que quelque chose lui arrive. La Chimère aurait des regrets si jamais elle faisait une mauvaise rencontre en attendant que la personne qui la cherchait la trouve, alors elle décida d'attendre jusqu'à ce qu'elle arrive pour partir.

- Nikka ! résonna la voix de Margot quand elle fut sûre d'être seule.

Elle entendit des bruits de pas précipités accourir dans sa direction. Quand l'Elfe arriva, elle bondit sur ses pieds et se jeta dans ses bras, en sanglots.

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