Chapitre 36 (1)

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Le soleil apparaissait à l'horizon, dessinant les silhouettes de l'armée de Z'en et d'Arkaï. Ordy fut rassuré quand ils arrivèrent aux portes de la ville.

— Félicitations, Srenta, lui dit Z'en en lui faisant face. Grâce à toi, on va pouvoir cesser la guerre d'usure.

— C'est surtout grâce à mon allié, répondit-il en repensant à la missive qu'il avait reçue. C'est lui qui a œuvré de l'intérieur depuis le début.

— Il faudra le récompenser comme il se doit à la fin des combats, intervint Arkaï.

— Chaque chose en son temps, pouffa Ordy en imaginant sa taupe sous les feux des projecteurs. Nous avons d'abord un palais à faire tomber, enchaîna-t-il en posant son regard vers le domaine impérial.

— Quand y allons-nous ? s'impatienta Z'en alors qu'Ordy observait avec insistance l'horizon.

— J'ai une troupe qui ne devrait plus tarder à arriver.

Il eut à peine prononcer ces mots qu'il vit la silhouette d'un loup monté suivie par d'autres, toutes différentes les unes des autres, apparaître au loin.

— Les voilà, soupira-t-il de soulagement alors qu'ils s'approchaient au triple galop.

Geyra arriva à leur hauteur avec son armée et guida Mercur jusqu'à son chef. Elle mit pied à terre et s'agenouilla devant lui avant de lui faire un compte-rendu des derniers jours en Draconique.

— Merci, Geyra, lui dit-il en posant une main rassurante sur son épaule, l'invitant à se relever. Tu as très bien gérée ton équipe. Je compte sur toi pour les jours à venir. Nous allons nous diriger vers le palais. Prends une dizaine de guerrières avec toi et mets à l'abri tous les civils que vous croiserez. Un groupe a déjà commencé à s'en charger, mais on ne sait jamais. Certains pourraient avoir échappé à leur vigilance.

La Valkyrie acquiesça, remonta en selle et rejoignit les guerriers qu'elle avait sous son commandement. Comme le lui avait ordonné Ordy, elle désigna dix Valkyries et leurs montures pour la mission qu'il lui avait confiée, puis les armées s'engouffrèrent entre les murs de la ville. Ils se dispersèrent et les Valkyries ratissèrent la zone à la recherche de civils.

Quand les trois Sages arrivèrent sur la place, ils virent Daïbel en compagnie de Maya et Kynel. Elles semblaient parler d'un sujet sérieux pendant que leurs troupes se reposaient à l'ombre des bâtiments. En entendant leurs bruits de pas, les soldats se mirent sur leurs gardes, devant les trois femmes, puis se détendirent quand ils reconnurent les Sages.

— Ah ! s'exclama Kynel alors qu'ils les rejoignaient, nous n'attendions plus que vous.

— Bonjour à toi aussi, Kynel, soupira Z'en, un discret sourire aux lèvres.

— Plus tard les mondanités, lui répondit-elle en balayant ses propos d'un geste de la main. Les Anges n'attendrons pas que nous nous soyons salués pour nous attaquer.

— En effet, intervint une voix qui leur était inconnue.

Les gardes rapprochés des Sages bondirent devant eux alors qu'une personne atterrissait devant l'allée qui menait au palais.

— Vous pensiez vraiment que nous allions vous laisser entrer sur notre territoire tranquillement ?

Ordy serrait les poings alors que la poussière dégagée par les ailes de leur opposant retombait. Le Prince héritier, armé jusqu'aux dents, leur faisait face. Ses guerriers d'élite, possédant tous au moins deux paires d'ailes, bloquaient le passage.

— Nous sommes entourés, souffla Maya en se rapprochant de Srenta.

Ordy jura dans sa barbe. Ils étaient tombés dans un traquenard alors qu'ils avaient été plus que vigilants.

— Nous vous demandons de vous rendre, déclara-t-il pour prolonger la discussion, le temps de trouver une solution.

Le Prince héritier éclata de rire, se tenant les côtes. Ordy s'entailla le pouce discrètement, prêt à appeler Kunsumid si c'était nécessaire.

— Je vous aime bien, vous, déclara-t-il une fois calmé. Ne le tuez pas, dit-il à ses troupes en le désignant du doigt. Il sera mon bouffon.

Ce simple mot suffit à faire décoller les Anges. Ils fondirent sur eux et Ordy appela Kunsumid. Elle s'enroula autour de leur armée, les entourant d'un dôme magique contre lequel leurs ennemis s'écrasèrent.

— Sages ! cria Ordy pour couvrir les bruits des Anges, tous contre le Prince héritier. Guerriers ! Combattez du mieux que vous le pouvez. Cet assaut sera décisif pour la suite.

Des hurlements d'assentiment envahirent le dôme alors que les soldats levaient leurs poings vers le ciel.

— Kunsumid, souffla-t-il alors que la dragonne rapprochait sa tête de lui, merci pour ton aide.

— À ton service, petit homme.

Elle ferma les yeux, puis disparut dans une explosion qui repoussa les Anges. Grâce à elle, ils avaient gagné du temps et les soldats se jetèrent sur leurs ennemis.

— Tu as vraiment un plan pour affronter des êtres qui peuvent voler alors que nous sommes cloués au sol ? grinça Kynel alors qu'ils se précipitaient à leur tour vers le prince qui les attendait de pied ferme.

— On invoquera nos dragons, lui répondit Ordy sans lui adresser un regard, concentré sur la magie qui parcourait son corps. S'ils prennent leur envol, nous serons perdus.

— Je suis d'accord avec toi, intervint Daïbel, la respiration haletante et la main sur le cœur. Ils auront tout le loisir de nous épuiser sans que nous ne puissions rien faire...

— Rappelez-vous que je suis la Sage de l'Air, marmonna Kynel, vexée qu'il n'ait pas pensé à elle. On ne pourra pas s'économiser éternellement.

— C'est vrai que ça risquerait de causer notre perte, ajouta Z'en qui avait tout écouté. Même si garder des forces en réserve est un bon plan, il faut aussi voir l'obstacle devant nous et comment on peut le surmonter sans causer trop de morts.

Ordy acquiesça, muet. Ils arrivaient devant le Prince héritier. Il les toisait en faisant tournoyer son épée dans l'une de ses mains tandis que l'autre était posée sur sa hanche recouverte de métal.

— Pas de quartier, souffla-t-il alors que la Lumière lui piquait le bout des doigts. Le premier à le blesser donnera un gage à tous les autres quand la guerre sera finie.

Ses compagnons pouffèrent et hochèrent la tête, un sourire aux coins des lèvres. Ordy sentit Kunsumid gronder en son fort intérieur, elle aussi amusée par ses paroles. Il pouvait sentir que les défendre l'avait épuisée et qu'elle ne pourrait pas les aider avant un petit moment. Il n'était plus qu'à une foulée de l'Ange à trois paires d'ailes et ce dernier n'avait toujours pas bougé. Ordy se doutait qu'il allait esquiver les attaques au dernier moment, mais il décida de lancer l'offensive.

Il bondit et dégaina l'épée à la lame dorée qui ceignait sa hanche. L'Ange para et le repoussa d'un coup de pied dans le ventre. Ordy vit du mouvement à la périphérie de son champ de vision et appela la Lumière pour le défendre, mais ce n'était que Z'en qui se lançait à son tour contre le prince angélique. Ses lances d'eau s'écrasaient contre les ailes de leur ennemi et il ne parvenait pas à l'entailler. Ordy serra les dents : il ne pensait pas que ces membres pouvaient à ce point être utiles lors des combats.

Une puissante rafale de vent le ramena dans le présent et il dut mettre l'une de ses mains devant ses yeux pour se protéger de la poussière qui s'élevait. Il sentait la présence de Kynel dans cette attaque et décida d'y mêler sa magie. Le vent devint plus violent et les particules de terre qui en étaient prisonnières brillèrent de mille feux. Z'en eut à peine le temps de s'écarter que l'attaque s'écrasa de plein fouet contre l'Ange, le projetant au loin. Ses ailes peinaient à lui répondre, brimées par les courants d'air contradictoires, et il ne réussit pas à se stabiliser. Le Prince héritier chuta alors que l'attaque s'estompait progressivement, mais ses soldats parvinrent à le rattraper avant qu'il ne percute le sol en marbre de la capitale.

— On fait comment pour se départager, marmonna Kynel en avisant le Prince héritier. L'attaque était le fruit de notre attaque combinée.

— On n'a qu'à dire que le prochain qui le blesse remporte la manche et que ça ne se joue qu'entre nous, ricana Ordy en se redressant, pantelant.

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