Chapitre 17 (1)

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Après trois heures et demie d'exercices tous plus durs les uns que les autres, Allia expliqua aux étudiants comment faire des étirements efficaces pour éviter d'avoir des courbatures. Elle se tourna vers les dix retardataires et les cinq qui les avaient rejoints, faute d'endurance, et leur aboya de reprendre leurs séries.

Quand la sonnerie annonça la fin du cours, la professeure les relâcha tous. Les quinze qui avaient fait des exercices en plus terminaient tout juste leurs étirements et se retiraient dans les vestiaires pour se changer. Prêtes, Daro'Shamada et Margot se dirigèrent vers la sortie du gymnase. Elles s'arrêtèrent quelques instants pour attendre Horte. Il faisait parti des cinq à manquer d'endurance...

- Me voici, dit-il en accourant vers elles. Merci de m'avoir attendu.

Elles lui sourirent et ils se mirent en route vers le réfectoire. Leurs ventres criaient famine et ils avaient hâte d'engloutir le repas qui leur serait servi par les cantiniers.

- Purée ! s'écria Daro'Shamada en posant son plateau sur la table et en s'affalant sur sa chaise. J'ai jamais fait d'exercices si compliqués ! Même dans mon clan, on fait pas ça !

Margot et Horte s'installèrent à leur tour. Ce dernier somnolait presque, la tête vacillant au-dessus de son assiette.

- C'était comment dans ton clan ? demanda Margot en attaquant son assiette.

- Relou : ma mère, c'est la cheffe et elle voulait que j'reprenne le flambeau. Elle m'a poussée à m'entraîner comme une forcenée dès qu'j'ai été en âge de t'nir une dague. D'ailleurs, reprit-elle sur un ton taquin, j'te savais pas si peu endurant, Horte.

Le jeune homme posa ses yeux endormis sur la Khajiit et grogna légèrement.

- Pas ma faute : j'avais faim. J'ai toujours moins d'endurance quand mon ventre gargouille.

- C'est pour ça que tu manges rien ?

- C'est pas bon ça...

Margot haussa un sourcil : elle n'était pas d'accord. Même si ce n'était pas de la grande cuisine, elle trouvait que ce plat était succulent. En même temps, vu ce qu'elle avait mangé depuis son arrivée sur Horswentia, elle n'était plus aussi compliquée qu'avant.

- Pourquoi t'as pas pris l'autre plat ? Celui avec des patates et des haricots ?

- C'est pire encore, siffla-t-il, le nez retroussé par le dégoût. Je rêve de viande, moi... pas de végétaux sans goût !

Daro'Shamada et Horte continuèrent de se chamailler pendant encore quelques temps. Margot les observait et les écoutait avec attention, dégustant chacune de leurs répliques. Même si ça ne faisait qu'un jour qu'elle les connaissait, elle se doutait qu'ils allaient tous les trois très bien s'entendre.

Lorsque la sonnerie retentit une nouvelle fois, tous les étudiants débarrassèrent leurs plateaux pour se diriger vers la Salle Esprit. Une certaine excitation parcourait la promotion. Des murmures sur le contenu du premier cours couraient sur toutes les bouches. Les étudiants étaient pressés de commencer à pratiquer la magie. Une fois devant la salle, ou plutôt l'amphithéâtre au vu des proportions et de la disposition des assises, aucun d'eux n'osa y entrer en premier.

- Entrez, glissa une petite voix derrière le troupeau d'étudiants. Je ne vais pas vous manger : les plateaux-repas de la cantine sont suffisamment garnis pour éviter cela...

La surprise fit bondir le groupe comme un seul homme.Tous se retournèrent et s'écartèrent sur le passage de la professeure d'arts défensifs.

- Entrez, répéta-t-elle lorsqu'elle fut sur le seuil de la porte.

Les étudiants la suivirent et s'installèrent aux places qu'ils préféraient. Les trois comparses s'installèrent au premier rang, pour être sûr de bien entendre Amynti et sa petite voix douce. Cette dernière prit place sur l'estrade, s'accouda au bureau et sourit à la foule qui lui faisait face. Son décolleté plongeant attira les yeux des hommes comme des femmes.

- On commence !

À ces mots, la lumière s'éteignit et une étincelle s'éleva sur le mur derrière elle. En le touchant, elle s'étala sur la surface immaculée et, petit à petit, une image s'y afficha.

- Les arts défensifs, commença Amynti, sont regroupés en deux catégories : la magie et les armes. Allia et son loup s'occuperont de vous enseigner cette deuxième partie tandis que je vous apprendrai tout ce qu'il faut savoir sur la première. En plus de ça, je vous apprendrai aussi à parler le Draconique comme si c'était votre langue maternelle.

- On la parle déjà ! s'exclama un étudiant dans le fond de l'auditorium.

Un sourire hypocrite se plaqua sur le visage de la professeure.

- Sin lona nid loost kova do hin Dovahliin stireyth ?

Seul le silence lui répondit.

- C'est bien ce qu'il me semblait. Il me semble donc évident de vous apprendre le Draconique.

La professeure se reconcentra sur ses explications, son regard balayant la salle.

- Qu'est-ce qu'elle a dit ? demanda Margot à Daro'Shamada.

- « Au point de ne plus avoir besoin de dictionnaire ? ». On en parlera plus tard : elle nous regarde...

Margot hocha la tête et reporta son attention sur Amynti. Cette dernière la fixait intensément, paupières plissées comme si elle essayait de voir à travers elle. C'était déstabilisant, gênant... La jeune femme croisa les bras dans une position défensive.

- Maintenant que les explications sont terminées, nous allons nous concentrer sur le Draconique.

- On peut pas faire de magie tout de suite ? intervint encore une fois l'étudiant de tout à l'heure.

À bout de patience, le masque de bienveillance de leur enseignante tomba et elle leur dévoila un visage marqué par l'ennui.

- Non seulement tu ne maîtrises pas le Draconique comme ta langue maternelle, mais en plus tu te permets de me dicter ce que je dois faire de mon cours. Puisque que tu insistes, viens à ma place. Nous t'écoutons, professeur.

Tous les étudiants se retournèrent vers le perturbateur. De la sueur perlait sur son front et ses oreilles pointues avaient viré au rouge. Son voisin le poussa et il se leva, raide comme un piquet. Il descendit les marches de l'auditorium et monta sur la scène.

- Bien. On va voir comment tu t'en sors...

Amynti vint s'asseoir au premier rang. Elle posa son menton dans sa main et posa sur lui un regard hautain.

- Professeur ! appela-t-elle d'une voix haut perchée. Pouvez-vous me traduire ce passage, s'il vous plaît ? Je n'y arrive pas.

D'un mouvement ample de la main, elle lui tendit le livre. Ce dernier s'envola et battit des pages jusqu'à atterrir dans les mains du jeune homme. Ce dernier blêmit et releva les yeux vers elle.

- Je... Je ne sais pas lire cet alphabet...

- Pourtant, c'est du Draconique.

- Non, ce sont des runes...

- Des runes de Draconique, l'interrompit-elle. Si tu n'es pas capable de traduire ce passage sans dictionnaire, tu ne sais pas parler la langue des Dragons. Retourne à ta place et cesse de la ramener à présent.

Elle bondit de son siège, son livre s'envola à nouveau et revint vers elle à tire de... à tire de pages ? Elle l'attrapa d'une main agile, monta sur l'estrade et poussa l'étudiant perturbateur qui était paralysé par l'humiliation qu'il venait de subir.

- Va à ta place. Peut-être que ce cours ne t'intéresse pas, mais respecte au moins les autres. Eux, ils ont la niaque et ont l'envie d'apprendre. Ou tu peux prendre la porte, si tu ne te sens pas de rester dans cette salle...

Il déglutit, baissa la tête et s'en alla, la queue entre les jambes. On entendit la porte de l'amphithéâtre claquer et ses pas s'éloigner dans le couloir.

- Un de moins, s'amusa Amynti. Combien serez-vous à la fin de l'année ?

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