Horswentia

Chapitre 17

Enfin remise de sa précédente bataille, Geyra avait supplié Messire Ordy de la laisser retourner au front. Elle tenait à venger la mort de ses sœurs tombées sous les coups des Anges à l'Académie. La joie qui l'avait envahie quand son chef l'avait autorisée à rejoindre les Valkyries parties la veille était si grande qu'elle n'avait pu s'empêcher de lui sauter au cou, puis de prendre ses jambes à son cou en réalisant ce qu'elle venait de faire. Elle était rouge de honte quand elle avait rejoint Mercur et ce dernier s'était inquiété de son état.

Elle l'avait rassuré, avait forcé son esprit à oublier ce qui venait de se passer, puis ils s'étaient mis en route. Ils ne s'étaient pas reposés tant qu'ils n'avaient pas rejoint l'armée déjà déployée. Quand ils étaient arrivés, la commandante Valkyrie avait accepté qu'elle rejoigne les rangs et lui avait montré sa parcelle de campement pour la nuit. Désormais, après un sommeil bien mérité, ils galopaient comme un seul et même être sous la pluie battante. Les loups étaient trempés jusqu'aux os, mais ils ne se plaignaient pas. Ils avaient autant envie que leurs cavalières de se défouler, de se battre, de se venger. La mort de leurs congénères les avaient mis en rogne et ils souhaitaient en découdre le plus vite possible.

Il leur suffit d'une semaine pour arriver aux portes de l'Académie. Geyra n'avait pas vu le temps passer et sentait son cœur palpiter dans sa cage thoracique en voyant la silhouette de Peïny se dessiner à l'horizon. L'heure du combat, de la vengeance, était enfin arrivée ! Elles étaient venues plus nombreuses que la dernière fois et la Valkyrie savait qu'elles allaient envoyer plusieurs Anges et Baandaris dans l'au-delà. Elle avait hâte de sentir leur vie fuir leur corps alors qu'elle les embrocherait sur sa lance.

La lune était haute dans le ciel. Les Valkyries s'étaient arrangées pour arriver de nuit pour pouvoir lancer un assaut éclair. Elles avaient campé une bonne partie de la journée quand il ne restait qu'une demie-heure de route à dos de loup entre elles et la plaine dans laquelle rodaient les Senches. Geyra déglutit : tout ce qui se déroulait devant elle était similaire à la fois où elle était venu en reconnaissance avec ses défuntes sœurs...

Le sol était stérile et plus aucune plante n'y poussait. Il ne restait que les cadavres des buissons aux branches maigrelettes et prêtes à craquer au moindre souffle de vent. Les grands arbres étaient presque tous à terre, leurs feuilles en décomposition autour d'eux. Ils avaient une partie de leurs racines à l'air, leurs énormes bras s'élevaient vers le ciel en une douloureuse supplique, comme s'ils priaient pour qu'on les achève une bonne fois pour toute... Leurs longs doigts noueux étaient recroquevillés sur eux-même à la manière d'un poing que l'on brandi en signe de colère. La boue et la poussière se disputaient le terrain tandis que des virevoltants faisaient la course pour savoir lequel d'entre-eux échapperaient aux lourdes pattes des animaux qui s'apprêtaient à combattre.

Alors qu'elle repensait à la bataille qui s'était déroulée quelques semaines plus tôt à cet endroit et à toutes ses sœurs tombées au combat, sa commandante lui fit un signe. Geyra hocha la tête et serra les jambes contre les flancs de Mercur pour qu'il avance. Presque à plat ventre, le loup rampa aussi discrètement qu'il le pouvait vers un bosquet proche de leur position. La Valkyrie s'était couchée sur son dos pour que leurs ennemis ne les voient pas. Ils avaient le vent en face et des nuages passaient devant la lune. Ils étaient indétectables !

Quand ils furent arrivés derrière le bosquet, la Valkyrie mit pied à terre et fit un rapide tour des environs. Une fois le périmètre sécurisé, elle fit signe à ses camarades de la rejoindre. Elles progressèrent ainsi jusqu'à se trouver à cinq mètres de l'avant-poste. Grâce à leur vision nocturne, les loups transmirent les ordres de la commandante à leurs cavalières. Ils allaient bientôt lancer l'offensive. Il fallait qu'ils soient discrets et rapides pour ne pas alerter les sentinelles juchées sur les remparts de Peïny.