Chapitre 9 (2)

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- Qu'est-ce que ça signifie ?

- Que tu fais partie des protégés de Messire Ordy.

Elle haussa les sourcils, dubitative. Comment un homme de cette importance pouvait prendre sous son aile une personne qu'il ne connaissait ni d'Ève ni d'Adam ? Et surtout, comment avait-elle pu devenir, après seulement une entrevue, sa protégée ?

- Ton potentiel magique a dû lui taper dans l'œil, lui glissa-t-il à l'oreille pour éviter d'être entendu par des indésirables. Il place de grands espoirs en toi.

- Mais il n'est même pas sûr que j'irai dans cette Académie... chuchota-t-elle alors qu'ils se dirigeaient vers la sortie. Pourquoi miser à ce point là-dessus.

- Il a un très bon instinct... et puis, cette plaque est un peu comme un passe-partout, une assurance qu'il ne t'arrivera rien. C'est aussi une manière pour lui de me remercier d'un service que je lui ai rendu par le passé.

- Tu lui as rendu quoi comme service ?

- Secret d'état, plaisanta-t-il en plaçant un doigt devant sa bouche et en lui faisant un clin d'œil. Je suis allé chercher sa promise dans un autre pays, l'ai ramenée à bon port et l'ai protégée jusqu'à leur mariage.

- Je ne savais pas que tu étais un garde-du-corps !

- Parce que je n'en suis pas un, Margot. Les gens qui vont à l'Académie se doivent d'être polyvalents. Plus ils ont de capacités, de compétences, dans différents domaines, mieux c'est pour eux. Ils se voient attribuer plus de missions, dont l'intérêt augmente en fonction de la confiance que te porte le commanditaire.

Un silence tomba entre les deux amis. Margot réfléchissait à tout ce que venait de lui dire Nikka. Ainsi, l'Académie donnait la possibilité d'assimiler des compétences qui pouvaient jouer sur l'objet de la mission qu'on attribuait aux étudiants...

- Combien de temps dure la formation à l'Académie ? s'entendit-elle demander.

- La formation complète dure dix ans. Mais rien ne t'empêche, une fois que tu as appris ce que tu voulais, de quitter l'Académie. Ça ne te fermera pas de portes et, dans certains cas, t'en ouvrira même que tu n'aurais pas pu atteindre en obtenant ton diplôme de fin d'études.

- Pourquoi ?

- Plus tu fais d'années d'études et plus ton salaire augmentera. Si tu as fait dix années d'études, on ne t'engagera pas pour chercher un chien perdu. Tu coûterais trop cher...

- Mais s'il n'y a rien d'autre ?

- Tant pis pour toi. C'est la dure loi de notre société. D'ailleurs, rares sont les étudiants de l'Académie à terminer la formation. Ils ne vont que jusqu'à la cinquième année, voire la septième pour les plus ambitieux.

Le soleil agressa les yeux de Margot alors qu'ils venaient de franchir les grandes portes du palais. Elle se cacha les yeux du bras en grognant, incommodée par cette soudaine douleur. Elle était tant absorbée par leur discussion qu'elle ne s'était pas aperçue qu'ils avaient traversé la salle ronde et les enchaînements de couloirs.

- Nous sommes passés par un autre endroit, dit Nikka en voyant son expression surprise. Ceux qui vont à une audience ne croisent jamais ceux qui en sortent. Ça permet d'éviter des conflits. Allons-y.

L'Elfe commença à descendre les escaliers qui donnaient sur la grande esplanade gravillonnée. Margot resta quelques instants à fixer l'horizon lorsque ses yeux furent habitués à la luminosité ambiante. Au-delà de l'enceinte du palais et de ses jardins, elle voyait une grande ville aux murs jaunes, aux toits de tuiles rousses et aux cheminées crachant de la fumée. Plus loin, les champs s'étendaient à perte de vue. Leurs couleurs variaient selon l'endroit où ils se trouvaient : à gauche, ils étaient violine ; au centre, dorés ; et à droite, verts. Les variations qu'il y avait au sein même des champs étaient hypnotisantes. Elles ondulaient au rythme du vent et variaient en fonction des rayons du soleil. Plus loin encore, la brune pouvait voir les plaines qui s'étendaient encore et encore vers les pieds des montagnes. Et toujours plus loin encore, Margot pouvait deviner dans la perspective atmosphérique les sommets de la chaîne montagneuse qu'ils avaient traversée pendant un mois avec Nikka.

- Margot ! l'appela ce dernier d'une voix lointaine. Nous devons vraiment y aller !

Elle baissa les yeux vers son ami. Il se trouvait aux pieds des marches, un air angoissé peint sur son visage.

Pourquoi me regarde-t-il ainsi ?

Une douce sensation vint lui caresser la main. Un grognement attira son attention. Elle reporta son regard vers sa droite et hoqueta de peur. L'une des montures des Valkyries se trouvait à ses côtés. Il la fixait, crocs à découvert et sa peau retroussées sur son museau.

Il est temps d'y aller, lui murmura sa petite voix interne.

Sans se faire prier, Margot brisa le contact visuel avec le loup, ôta sa main qui se perdait dans son pelage et entama sa descende. Elle fit des gestes lents et mesurés pour éviter que l'animal interprète mal ses intentions et rejoignit Nikka sur l'esplanade après ce qui lui sembla être une éternité.

- Il ne faut jamais s'attarder là où on ne doit plus être... surtout si des Valkyries sont embauchées pour assurer la sécurité.

La brune acquiesça, consciente de ce qui aurait pu se passer s'il elle s'était attardée quelques instants de plus, et emboîta le pas de Nikka. Ils sortirent de l'enceinte du palais sous les yeux attentifs et méfiants des guerrières et de leurs montures. Quand ils en furent suffisamment loin, ils s'autorisèrent à ralentir le pas et à pousser un soupir de soulagement.

- Heureusement que tu as pris conscience à temps qu'il fallait déguerpir.

Margot hocha la tête, essoufflée. Ils se remirent en route d'un pas tranquille, traversèrent le marché et achetèrent tout ce dont ils avaient besoin pour les jours à venir.

La porte de la bicoque de Nikka se referma derrière eux. La brune fixa le dos de Nikka. Une hésitation l'empêchait de poser la question qui lui brûlait le bout de la langue. Finalement, elle se jeta à l'eau. Elle avait besoin de savoir... pour faire un choix.


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