Horswentia

Chapitre 12 (2)

Il faisait noir. Encore...

Tellement noir... Où était-elle ?

Elle ressentait une présence dans son dos. À moins que ça ne soit devant elle ? Margot n'arrivait plus à déterminer où était sa gauche, sa droite, le haut et le bas... Malgré tout, elle se sentait en sécurité. La présence était apaisante, connue et rassurante. Elle était omniprésente. Qui était-ce ?

- Onik Vulom, déclara une voix féminine sortie d'outre-tombe, yah kotin hi vahzen rii.

Margot fronça les sourcils, du moins elle essaya. Elle avait l'impression de ne plus maîtriser son corps. Encore...

Elle aurait voulu dire à cette présence qu'elle ne comprenait pas un traître mot de ce qu'elle racontait. Mais elle était incapable d'ouvrir la bouche et de faire le moindre bruit. Où était-elle ?

La présence bougea, se faufila dans les ténèbres dans lesquelles elles se trouvaient. Margot le ressentait. Ses yeux lui étaient inutiles dans cette obscurité infinie. Deux améthystes apparurent soudain devant elle. Elles étaient hautes, inaccessibles, mais elles brillaient tellement dans le noir que la jeune femme avait l'impression d'avoir face à elle deux soleils violets. Une haleine mentholée la frappa. La présence était proche. Qui était-ce ?

- Onik Vulom, yah kotin hi vahzen rii, répéta la voix, plus insistante cette fois.

Le souffle sucré la parcourut des pieds à la tête, comme un fantôme qui cherchait désespérément quelque chose. Est-ce qu'il était l'incarnation de son envie de retourner chez elle coûte que coûte ?

Elle n'en savait rien. Et elle n'eut pas le temps de se poser plus la question.

La présence avait disparu. Le souffle mentholé aussi. Qui était-ce ?

Elle se retrouva seule dans cet endroit plongé dans le noir où l'espace-temps ne semblait pas avoir d'emprise. Où était-elle ?

Elle avait l'impression de tomber, tomber, tomber... encore et encore. L'atterrissage serait douloureux. Encore !

Margot ouvrit les yeux. Elle se redressa en position assise aussi vite qu'elle le put. Elle cligna des paupières. La soudaine lumière l'aveuglait. Elle frotta ses yeux ensommeillés et en profita pour qu'ils s'habituent à la luminosité ambiante. Le vent soufflait dans les branches des arbres, leur permettant d'accompagner les oiseaux qui chantaient d'une belle voix aiguë. Ses oreilles lui rapportèrent même qu'une sauterelle venait de bondir d'un brin d'herbe à un autre... Comment se faisait-il qu'elle entende la nature à ce point ?

- Bonjour Margot, souffla une voix proche d'elle. As-tu bien dormi ?

Elle se contenta de hocher la tête. Oui, elle avait très bien dormi. Trop même... Elle ne se rappelait pas de s'être endormie, d'avoir rêvé ou cauchemardé. C'était une sensation étrange !

- Bonjour Nikka, dit-elle en se tournant vers son ami. Oui et toi ?

Il lui sourit seulement, comme d'habitude. Margot avait du mal à interpréter cette réponse, mais elle n'osait pas poser de questions.

- On mange et on se remet en route ?

Elle hocha la tête et se leva en même temps que l'elfe. Ils plièrent les deux couvertures et il les rangea dans sa sacoche en marmonnant en Draconique. Malgré son envie irrépressible de rentrer chez elle, Margot avait hâte d'apprendre à maîtriser cette langue. Elle pourrait ainsi mieux comprendre tout ce qui l'entourait, à commencer par ce que Nikka disait lorsqu'il l'utilisait.

- Je viens de penser à un truc... commença Margot d'un ton hésitant.

- Hum ?

- Vu que tu as passé sept ans à l'Académie, tu ne connaîtrais pas un moyen de me renvoyer sur Terre ?

Nikka leva son regard de son écuelle et plongea son regard azur dans celui ambré de la jeune femme.

- Je n'en ai jamais entendu parler en cours... Et comme ce n'est pas un sujet qui m'intéressait ou qui me concernait, je n'ai pas fait de recherches à la bibliothèque de l'Académie.

- Tu penses que je pourrai y aller ? À la bibliothèque je veux dire, ajouta-t-elle alors que l'Elfe haussait un sourcil d'incompréhension.

- Tous les étudiants, qu'ils soient des nouveaux entrants ou des anciens, sont toujours les bienvenus à la bibliothèque... Par contre, il faudra que tu te renseignes auprès de la bibliothécaire pour trouver des livres en Langue commune ou rapidement apprendre le Draconique.

- C'est dur à apprendre ?

- Comme toute langue, je suppose... Mais je suis sûr que tu y parviendras, ne t'en fais pas. Autre chose ?

Elle secoua négativement la tête et Nikka l'invita à continuer à manger. Leur repas se termina en silence, chacun était plongé dans ses réflexions.

- Le coq mécanique doit avoir chanté depuis une petite heure, déclara finalement Nikka en levant son regard vers le ciel. On est largement dans les temps. On s'arrêtera lorsqu'il sera midi, d'accord ?

Margot hocha la tête. Pendant que Nikka rangeait les affaires dans sa sacoche, elle se tourna vers la route qu'ils allaient emprunter aujourd'hui. Il n'y avait pas âme qui vive. Pourtant, la vision de cet espace grand ouvert, des montagnes sur sa gauche, des champs à perte de vue sur sa droite et de l'horizon en face d'elle regonfla son cœur d'espoir.

Peut-être qu'au bout de cette route elle trouverait les réponses à ses questions. Peut-être qu'elle trouverait un moyen pour rentrer chez elle... pour revoir sa famille, ses amis et Tony.