Chapitre 20

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La fête battait son plein. Les cuisiniers s'étaient décarcassés pour préparer des plats tous plus beaux et bons les uns que les autres. Leur odeur envahissait la cours du château, lieu du banquet. Des tables avaient été dressées pour accueillir chaque citoyen, guerrier et animal. Tous mangeaient sur un pied d'égalité. Les tables réservées à une seule espèce n'existaient pas. C'est ce qui permettait à tous d'être aussi soudés et solidaires.

Ordy était en bout de table, au même niveau que tous ceux dont il avait la charge et la responsabilité. Un sourire béat ornait son visage alors qu'il dévisageait tour à tour les habitants de Dist'Chyz. La joie et l'euphorie du moment permettaient à tous d'oublier le temps d'une soirée la menace qui planait sur eux.

La guerre imminente.

- Tu ne dois pas penser à ce que sera demain, souffla la voix de Kunsumid dans son esprit. Profite de l'instant présent et des personnes qui t'entourent. Peut-être que tu n'en auras plus l'occasion dans un avenir proche...

Ordy serra les dents à l'entente de ces paroles. Même s'il ne le voulait pas, il savait parfaitement que beaucoup de ses soldats allaient mourir dans la bataille qui se déroulerait dans quelques jours... En temps de guerre, Arkaï Ie, devenu le dieu du cycle de la vie et de la mort ainsi que celui des saison peu après sa passation de pouvoirs, emportait souvent avec lui des âmes pour les emmener dans l'au-delà... À cette seule pensée, le Sage de la Lumière ferma les yeux tandis qu'une grande tristesse emplissait son cœur.

- Messire Ordy ! l'appela une enfant Satyre, le sortant de ses pensées de plus en plus macabres. Messire Ordy !

- Qu'est-ce qu'il y a, mon enfant ?

- C'est pour vous ! Maman m'a montré comment le préparer et je voulais que vous y goûtiez.

- C'est très gentil, merci. Je vais y goûter de ce pas.

Le sourire qu'il lui décocha et l'attention qu'il lui accorda la rendirent heureuse. Ses yeux pétillèrent de bonheur alors que celui qu'elle considérait comme son modèle avalait une première bouchée de son plat. Puis une deuxième, une troisième jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien dans l'assiette qu'elle avait mis devant lui.

- Trop bon ! s'exclama Ordy avec un grand sourire plaqué sur son visage.

La petite Satyre bondit de joie et enroula ses bras autour du cou du dirigeant. Il lui tapota le dos, lui rendit son assiette quand elle se détacha de lui et la regarda partir au triple galop vers sa mère. Son estomac se tordait dans tous les sens à cause du goût infâme de ce qu'il venait d'engloutir, mais il se cramponna à son masque souriant et heureux. Il ne voulait pas faire de peine à cette petite...

- Comme c'est touchant, ricana Kunsumid dans son esprit. Après toutes ses années, j'ignorais que tu étais un si bon comédien.

- Tu as accès à mes pensées comme j'ai accès aux tiennes.

Elle acquiesça alors que son rire retentissait toujours dans son esprit. Progressivement, il sentit sa présence s'estomper pour ne laisser qu'un souffle de vent.

Étrange...

C'était la première fois que la disparition de sa dragonne lui faisait cet effet.

- Rendez-vous à minuit pour un compte-rendu, résonna la voix de Junal III dans sa tête.

Il comprenait mieux à présent : le Sage des Ombres avait expulsé la dragonne de son esprit le temps de délivrer son message.

- Junal est toujours aussi brusque, mais je peux le comprendre : il est enfermé, sans possibilité de savoir ce qu'il se passe à l'extérieur. À sa place, je vous contacterais à chaque lever du soleil.

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