Horswentia

Chapitre 34 (1)

Daro'Shamada n'en pouvait plus d'attendre. Ça faisait six jours que le blocus était en place et les Anges n'avaient toujours pas montré le bout de leurs nez... Elle n'était pas la seule à s'impatienter : les Pahmar-raht faisaient les cents pas en observant les remparts, la queue battant l'air et les Créatures de la nuit avait un air sombre plaqué en permanence sur leurs visages. Seules les Valkyries et leurs loups semblaient ne pas être impactés par la semaine d'immobilisme qui s'était écoulée.

Au final, pensa Daro'Shamada en poussant un soupir à fendre l'âme, le menton posé dans le creux de sa main alors qu'elle était assise près d'un feu, on s'est peut-être fait prendre à notre propre jeu.

Les esprits s'échauffaient de jour en jour et la Khajiit ne comptait plus le nombre de fois où un combat avait failli éclaté entre les soldats. Pour des broutilles en plus ! Une cuillère de nourriture de plus que le voisin, un regard un peu trop appuyé ou même une respiration un chouïa trop forte.

Si Mary avait été là, Daro'Shamada n'aurait pas trouvé le temps aussi long. Ou, du moins, il serait passé plus vite grâce à leurs discussions. La Khajiit soupira une nouvelle fois en pensant à son amie. Elle détourna son regard de Kaïthy pour le poser sur les nuages qui défilaient dans le ciel. Elle aurait aimé être comme eux : libres d'aller où ils voulaient. Elle comprenait à présent pourquoi sa mère était réticente par rapport à son engagement dans la guerre, mais aussi les paroles que la Grande Crinière lui avait adressées en l'autorisant à aller au front.

— T'as pas bientôt fini de bailler aux corneilles ? grinça la voix d'un Vampire qui passait à sa hauteur.

— On n'a rien à faire. Toutes les tâches ont été accomplie et Messire Ordy ne sort pas de sa tente.

Le Vampire s'apprêtait à répliquer, mais il se figea et observa les remparts en plissant les paupières. Daro'Shamada faisait de même. Sa vue n'était pas développée comme celle de son interlocuteur, mais elle pouvait entendre, comme lui, l'air qui était frappé.

— Il va y avoir de l'action, souffla-t-il, un sourire aux lèvres.

— Il était temps ! ricana la Khajiit en bondissant sur ses pieds. Va prévenir les autres. Je me charge de Messire Ordy.

Il acquiesça et fila vers le cœur du camp. Quant à Daro'Shamada, elle courut vers la tente de son chef et y entra après s'être annoncée.

— Ton sourire est inquiétant, lui fit remarquer le Sage de la Lumière une fois qu'elle fut devant lui.

— Les Anges arrivent, se contenta-t-elle de lui répondre sans pouvoir cacher sa joie.

— Je comprends mieux ton agitation, s'amusa-t-il. Vois avec les généraux comment on s'organise, il faut que je prévienne les autres Sages.

Elle acquiesça et disparut derrière les pans de tissu.

— L'heure est enfin arrivée, petit homme, lui souffla Kunsumid alors qu'il s'apprêtait à partager l'information par le biais du socle imaginaire.

— Il était temps : j'en avais assez de cet immobilisme et de la tension qui règne entre les soldats !

Kunsumid gronda en signe d'assentiment et laissa Ordy communiquer la nouvelle aux autres Sages. Une fois fait, il appela le second dragon de la lumière avec qui il avait fait un pacte et l'envoya prévenir l'armée de Geyra. Il sortit ensuite de sa tente et fit face à ses soldats, prêts à en découdre.

— L'heure est arrivé, dit-il en balayant l'assemblée du regard. Je sais que ces six jours de siège ont été difficiles pour vous. L'arrivée des troupes angéliques marque la fin de notre période d'immobilisme.

Des cris de joie lui répondirent comme un seul homme. Après quelques instants, il leva la main et le silence revint.

— Quand les Anges seront là, reprit-il en lançant un coup d'œil vers le nuage qu'ils formaient à l'horizon, je compte sur vous pour faire attention à vous. Certes, nous devons gagner cette bataille et, à sur un plus long terme, la guerre, mais j'aimerais que nous aillons le minimum de pertes.

Alors que l'un des Vampires allait prendre la parole, Ordy lui coupa l'herbe sous le pied et continua sur sa lancée :

— Je sais que certains mourront lors des combats. Je ne suis pas naïf à ce point. Mais vos vies sont précieuses et il faut en prendre soin. Donc battez vous pour votre survie et pour notre victoire.

Il posa son regard sur chacun des soldats dans un silence religieux et esquissa un sourire reconnaissant.

— Merci à tous de vous être joints à nous dans ce combat.

Puis il s'inclina face à eux. Des acclamations et des applaudissements accueillirent ses remerciements. Ordy se releva et lança un regard vers Daro'Shamada. Cette dernière hocha la tête.

— Aller ! finit-il par s'exclamer en voyant que les Anges s'approchaient de plus en plus. Repoussons nos ennemis et montrons leur qui sont les plus forts !

Les soldats hurlèrent en brandissant leurs poings au-dessus de leurs têtes, puis s'éparpillèrent et se cachèrent autour des pièges qu'ils avaient confectionnés pendant les jours précédents. Les branches leurs permettaient de se fondre dans le décor. Les Anges fonçaient sur eux et le camp paraissait vide, comme l'avait ordonné Ordy à ses généraux. Seuls les battements d'ailes de leurs ennemis venaient briser le silence de mort qui régnait. Plus les secondes s'écoulaient, plus ils étaient forts. Certains Vampires durent même se couvrir les oreilles.

Quand les Anges posèrent pied à terre, ils dégainèrent leurs épées et explorèrent le campement. Ils déchirèrent les tentes, renversèrent les tonneaux pleins de nourriture et piétinèrent les affaires qui avaient été laissées à l'abandon.

— C'est désert, chef, rapporta l'un des soldats en se dirigeant vers un Anges avec deux paires d'ailes.

— J'ai vu, se contenta-t-il de répondre. Explorez la forêt !

Tous acquiescèrent et se dirigèrent vers les arbres d'un pas prudent.

S'ils gardent cette allure, pensa Daro'Shamada prête à sauter sur le premier qui passerait à sa hauteur, toute notre stratégie tombera à l'eau.

Elle lança un regard vers Ordy. Il avait porté l'une de ses mains à sa bouche et se rongeait les ongles en observant chaque fait et geste de leurs ennemis. La Khajiit jeta un coup d'œil en direction des Anges, prit une grande inspiration pour se donner du courage et, au moment où ils furent tous entrés dans la forêt, elle bondit hors de sa cachette.

— Là ! hurla un Ange. Quelqu'un court !

Daro'Shamada jeta un coup d'œil par-dessus son épaule et esquissa un sourire en voyant que les soldats angéliques la poursuivaient. Pas tous, mais suffisamment pour que ses alliés mettent à exécution leur plan. Elle regarda à nouveau devant elle et reconnut l'endroit où avaient été installés les pièges. Les branches étaient basses, empêchant les Anges de prendre leur envol, et deux souches reposaient au sol. L'une marquait le début de la zone, l'autre sa fin. La Khajiit prit son élan et sauta par-dessus la première et atterrit sur la seconde, puis elle continua sa course pour ne pas éveiller les soupçons de ses poursuivants.