Horswentia

Chapitre 7

Après vingt jours à marcher à un rythme soutenu, Nikka et Margot débouchèrent enfin dans une large clairière. Les montagnes étaient derrière eux et les champs s'étalaient à perte de vue, peu importe l'endroit où se posaient leurs regards. De nombreux Satyres s'y activaient. Certains hurlaient des ordres tout en travaillant la terre, tandis que d'autres se contentaient de récolter le fruit de leur dur labeur.

- Voici les champs de blés de Dist'Chyz, dit Nikka avec une certaine fierté dans la voix. Ils se trouvent au nord de la capitale. Partout où tu verras des terres agricoles, tu verras des Satyres. Ils utilisent leur pouvoir de fertilisation des sols pour augmenter les rendements.

- Pourquoi il n'y a pas de Mandragores ou de Cobales avec eux ?

- Oulà ! rit-il en imaginant la scène. Les Mandragores sont bien trop maladroits et brutaux pour s'occuper de plantes aussi fragiles : ils préfèrent s'occuper des forêts. Quand nous serons en ville, tu verras qu'il y en a moins qu'à Ka'Tykiaw.

- Parce qu'il n'y a pas de forêt près de Dist'Chyz ?

- Exact ! Je remarque au passage que tu es plus à l'aise avec la prononciation du nom de la ville. Félicitations, la complimenta-t-il dans un sourire heureux. Pour ce qui est des Cobales, ils préfèrent travailler dans les mines ou les carrières. Ceux qui vivent en ville de manière permanente se lancent dans une carrière de forgeron. Toutes les armes et les armures des Valkyries sont faites par ces artisans.

Margot n'en revenait pas. Leur société avait l'air d'être si bien rodée, si bien organisée. C'était comme si chaque être avait sa place dès la naissance...

- On sera à Dist'Chyz dans la soirée, déclara Nikka, sa main en visière pour se protéger du soleil alors qu'il regardait dans le lointain. On va devoir se faire discrets ou les Satyres se feront un malin plaisir de se désintéresser de leurs cultures pour venir nous « taquiner ».

La jeune femme hocha la tête et ils restèrent au milieu de la route pavée. Les Satyres leur jetèrent de temps à autre des regards, mais aucun d'eux ne quitta son poste pour venir à leur rencontre. Des murmures s'élevaient de leurs rangs alors que les deux comparses avançaient. Les ordres ne fusaient plus et ils se contentaient de les observer de haut en bas sur leur passage.

Margot était mal à l'aise et jeta un coup d'œil à Nikka. Il marchait la tête haute, le regard rivé sur l'horizon et ses oreilles aux aguets. Malgré l'apparence sereine qu'il souhaitait renvoyer, la brune le sentait tendu. Comme s'il était prêt à se défendre au moindre mouvement brusque.

Elle déglutit et reporta son regard sur les champs. Les blés étaient dorés et, à certains endroits, la paille recouvrait le sol tandis que de gros sacs de toiles écrasaient les brins secs. Des Satyres se tenaient juste à côté, faux à la main pour certains et un tissu accroché à leur taille et maintenu par les deux bouts dans les mains pour d'autres. Margot n'aimait pas vraiment cette vision : elle avait l'impression de revoir les situations décrites par ses professeurs d'histoire lorsqu'elle était encore dans le secondaire. Des paysans qui travaillaient la terre sans relâche pour nourrir les nobles et le roi. Est-ce que ces Satyres se retrouvaient dans cette situation ? Et si oui, quel prétexte apportait l'Histoire de ce pays, de ce monde ?

Les portes de la ville se présentèrent à eux à la tombée de la nuit. Nikka n'avait pas décroché un mot pendant la traversée des champs. C'était la première fois depuis que Margot l'avait rencontré qu'il était aussi renfermé, hermétique à son environnement et avare de paroles.