Chapitre 6 (2)

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Il faisait noir. Margot frissonna. Les ténèbres n'étaient pas comme d'habitude : elle sentait que des millions de paires d'yeux étaient rivées sur elle. Elle déglutit et tenta de faire quelques pas.

Elle réussit : elle maîtrisait son corps, comme la dernière fois.

Margot avança dans le noir, chercha une sortie et essaya de comprendre pourquoi elle se retrouvait une nouvelle fois à cet endroit... Elle ne s'était pourtant pas endormie. Alors comment cela se faisait-il qu'elle se retrouvait encore une fois ici ?

- Margot, souffla une voix rauque et grave. Margot...

Elle eut beau tourner la tête, la jeune femme ne vit rien. Comme le silence était de nouveau maître, elle reprit sa route en repensant à ce qui lui était arrivé avant qu'elle ne se trouve une nouvelle fois enfermée dans les ténèbres.

Alors qu'elle marchait depuis ce qui lui semblait être une éternité, une chair de poule lui hérissa les poils des pieds à la tête. Elle releva la tête et sortit de ses pensées. Elle resta bouche bée face à ce qui se tenait devant elle, face à ce qui l'entourait. Des parois noires veinées de violet et d'améthystes avaient remplacé les ténèbres habituelles. Elle marchait sur un sol en pavés érodés par le temps. Curieuse, Margot posa une main sur le mur le plus proche d'elle. Des voix assaillirent ses oreilles, ses pensées, et lui murmurèrent des choses qu'elle n'arriva pas à comprendre tant il y avait d'informations. La jeune femme serra les dents et retira sa main comme si la pierre l'avait brûlée. Les voix se turent et le silence s'imposa dans son esprit.

- Margot... Avance.

La voix retentit une nouvelle fois. Sans y réfléchir à deux fois, Margot obéit. Un pas après l'autre, elle s'engouffrait dans les entrailles de cette grotte étrange. Un long couloir au plafond bas l'entourait. Heureusement qu'elle n'était pas claustrophobe...

Margot commença à avoir mal aux jambes. Elle avait l'impression que ça faisait plus d'une heure qu'elle marchait, arpentait la grotte et cherchait quelque chose sans savoir quoi. Après un tournant, elle arriva devant une grande pièce circulaire au plafond si haut qu'il en était invisible. Elle eut beau plisser les yeux, elle ne le vit pas. La jeune femme n'osait pas entrer dans cette pièce qu'elle sentait chargée d'une forte énergie magique. Un siège aux proportions titanesques trônait en son centre. Des améthystes le recouvraient de toutes parts et étaient reliées entre elles par des artères violacées.

- Approche...

Sans hésitation, la jeune femme obéit à cette voix qui lui parlait depuis qu'elle était plongée dans les ténèbres. À peine le seuil passé que de nombreuses choses lui furent dévoilées : sur le siège, qu'elle pensait vide, se trouvait en fait un dragon noir aux yeux violets ; à sa droite, sur le rebord en pierre, se trouvait un œuf écailleux aux reflets violines ; à sa gauche se tenaient plusieurs dragons qui la fixaient intensément.

Elle déglutit, mais continua sa route sous les yeux sévères de tous ces dragons.

- Tu n'as pas l'air étonnée de nous voir, constata le dragon assit sur le trône.

- J'ai déjà vu Laatonikov dans mes rêves... Plus rien ne peut m'étonner à ce stade.

Des ricanements retentirent à sa gauche.

- Silence ! claqua la voix de celui qui semble être leur chef.

La jeune femme l'observa et le trouva élégant : ses écailles étaient aussi noires qu'une nuit sans lune, aucun reflet ne venait les éclaircir, de longues moustaches blanches ornaient son museau long et pointu, et son corps était si long qu'il était obligé de faire plusieurs tours sur lui-même pour tenir sur le siège titanesque.

- Margot, souffla-t-il plus gentiment à son encontre. Je suis Bromvedwuth, chef des dragons des Ténèbres. Si tu es ici aujourd'hui, c'est parce que Laatonikov t'a jugée digne d'être son héritière spirituelle. Les arabesques qui ornent ton poignet depuis ta dernière rencontre avec la Sage des Ténèbres sont en fait une marque d'invocation. Si tu regardes à certains endroits, tu peux voir qu'ici, dit-il en pointant de l'une de ses griffes l'endroit vide entre les arabesques, qu'il manque des runes. Si elle reste telle quelle, elle te fera de plus en plus mal jusqu'à ce que tu fasses un pacte de sang avec l'un des nôtres.

- Je ne comprends pas...

- Elle a l'air d'être longue à la détente, commenta l'un des dragons sur sa gauche.

Bromvedwuth grogna et le fusilla du regard.

- Si tu venais d'un autre monde et que tu ignorais tout du fonctionnement du Thu'um, ses règles et ses exceptions, tu serais dans la même situation, Gramdiilkrim ! Nous nous passerons de tes commentaires !

Le dénommé Grimdiilkrim se renfrogna, baissa la tête et se recula pour ne plus être vu de son chef.

- Ne l'écoute pas. C'est celui qui a le plus de mal avec les anthropomorphiques. Comment je peux t'expliquer simplement tout ce bazar...

Un silence religieux s'installa dans la salle circulaire. Tous avaient le regard braqué sur Bromvedwuth.

- Hm ! Plutôt que de te faire un long discours, je vais te laisser expérimenter. Va vers l'œuf qui se trouve là-bas.

De sa patte aux griffes crochues, le dragon oriental lui désigna l'œuf écailleux qu'elle a vu en arrivant.

- Écoute-le, puis, quand il aura éclot, revient vers moi.

Dubitative, Margot haussa un sourcil.

- Si tu es vraiment l'héritière spirituelle de Laatonikov, tu entendras la voix de notre petit, même s'il est encore dans son œuf.

Un coup de vent balaya la pièce et les dragons des Ténèbres s'évaporèrent. La jeune femme se retrouva seule dans cette grotte sombre. Elle déglutit et se tourna vers la seule chose qui restait avec elle : l'œuf écailleux aux reflets violines. Elle avait l'impression qu'un cœur pulsait sous cette coque et qu'il donnait son rythme aux ondulations des reflets. La curiosité l'emportant sur son scepticisme, elle s'approcha à petits pas vers cet œuf.

Comme guidée par un instinct dont elle ignorait l'existence, Margot leva la main et la posa sur les écailles noires. Une douce chaleur se répandit dans tout son être et une sensation de plénitude l'envahit. Elle ferma les yeux pour la déguster.

- Enfin te voilà...

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