Margot n'avait pas dormi de la nuit. À peine Nikka était-il rentré qu'il lui avait raconté sa rencontre avec le chef de Dist'Chyz. Leur audience était à neuf heures, mais l'Elfe avait tenu à ce qu'ils soient au palais deux heures après le chant du coq. Quand ils arrivèrent au palais, les Valkyries leur demandèrent de décliner leur identité. À peine le blond sortit-il une plaque d'un noir mat de sa ceinture que les guerrières s'écartèrent sur son passage. Mais impossible pour elle de rentrer.
- Rek voth dii, déclara Nikka d'une voix sombre.
Les loups lui répondirent par un grondement sourd, les poils de leur échine hérissés. Les Valkyries restèrent pendant de longues minutes immobiles, les lances pointées dans sa direction. Après ce qui lui sembla être une éternité, elles se décidèrent enfin à la laisser passer. Comme un seul homme, elles se remirent au garde-à-vous et reprirent leur place initiale, leurs montures à leurs côtés.
L'Elfe lui fit signe de le rejoindre. Margot ne se fit pas prier et galopa presque dans sa direction.
- Que leur as-tu dit ?
- Que tu étais avec moi. Comme j'ai une plaque d'onyx, symbole de ma relation étroite avec le chef, on ne peut pratiquement rien me refuser.
Elle le remercia d'un hochement de tête et ils reprirent leur marche en silence.
À quel point Nikka est-il influent dans cette ville ? Quelle est donc sa relation avec Messire Ordy ? Et surtout, pourquoi utiliser le Draconique et pas la Langue commune pour s'adresser à elles ?
Les questions se bousculaient dans sa tête alors qu'elle réalisait que, malgré les deux mois qu'elle avait passé sur les routes avec l'Elfe, elle ne connaissait pratiquement rien de sa vie, de son rôle dans la société et de ses envies personnelles. Comme les pavés de l'allée centrale étaient inégaux, ils rendaient l'avancée de la jeune femme compliquée. Elle faillit partir à leur rencontre à de nombreuses reprises. Heureusement pour elle, Nikka la rattrapait à chaque fois et, lorsque c'était nécessaire, il la remettait sur ses pieds.
- Lorsque je marche sur des allées pavées, déclara-t-elle après une ultime glissade, j'ai l'impression d'être en pleine visite d'un château ou d'un vieux village.
- Les châteaux se visitent chez vous ? demanda-t-il en arquant un sourcil, surpris.
- Bien sûr ! Ils font partie de l'Histoire de notre pays. Les propriétaires actuels les restaurent pour les conserver, mais aussi pour permettre à du public de les visiter. Leur venue permet de perpétuer la mémoire collective et de financer l'entretien de ces monuments historiques.
- Hum... Je comprends, mais je t'avoue qu'ici les châteaux qui tombent en ruine ne sont jamais remis en état pour être habités une seconde fois. Si quelqu'un en veut un, il se le fait construire.
- N'importe qui peut s'en construire un ? Et n'importe où ?
- Non, rit Nikka devant l'intérêt grandissant de Margot pour le fonctionnement de Horswentia. Il faut avoir l'aval du dirigeant du pays et s'installer sur des terres qu'on aura au préalable achetées.
Margot hocha la tête. Ils étaient arrivés devant une suite de marches interminable. Nikka commença son ascension et, comme il entendait qu'elle ne le suivait pas, il se retourna pour planter son regard dans le sien.
- Allez ! C'est la dernière ligne droite !
La jeune femme lui sourit, amusée par son entrain. Elle le talonna et entama la montée. Le soleil ne tapait pas encore énormément, mais elle sentait la sueur dégouliner le long de sa colonne vertébrale. Ses mollets la faisaient souffrir le martyr, la brûlant comme si un feu y était né.
Une infinité de marches plus tard, Margot arriva enfin au sommet des escaliers. Sa respiration était tellement agitée que ses épaules montaient et descendaient sans qu'elle ne puisse les contrôler. Son cœur tambourinait dans sa poitrine comme un forcené. Ses genoux jouaient des castagnettes et ses jambes tremblaient autant que celles d'un faon nouveau-né.
- Une audience avec ton chef, ça se mérite ! souffla-t-elle à l'attention de Nikka.
Étonné, il se retourna dans sa direction. Elle le dévisageait et le jalousa de toutes ses forces. Il ne semblait même pas avoir fait le moindre effort... alors qu'elle était épuisée comme si elle venait de courir un marathon.
- J'ai eu un entraînement physique presque militaire à l'Académie de Peïny, dit-il avec un air contrit sur le visage. Toutes les personnes qui souhaitent s'engager sur la voie du Thu'um doivent être dans une condition physique irréprochable avant de débuter leur apprentissage de la magie.
Margot ouvrit des yeux aussi grands que des soucoupes. Elle ne pensait pas que cet Elfe à l'air chétif et sans défense avait suivi de tels exercices ! Mais après tout, elle ne le connaissait absolument pas. Ce n'était donc pas une véritable surprise...
- Allez ! s'exclama-t-il pour changer de sujet, devinant qu'elle était tourmentée par ses pensées. Notre audience est dans moins de quarante minutes et nous devons encore traverser tout le palais.
Sans un regard de plus pour elle, Nikka se détourna et s'avança sur le porche. Quatre Valkyries posèrent leurs yeux noirs de fouine sur eux, prêtes à les embrocher au moindre geste suspect.
- Mesdames, les salua-t-il avec courtoisie. Nous avons rendez-vous avec Messire Ordy à la troisième heure qui suit le chant du coq mécanique. Pouvons-nous entrer, s'il vous plaît ?
Elle le dévisagèrent de la tête aux pieds. L'une d'elles fit un imperceptible mouvement du menton et son loup s'approcha d'eux pour les renifler avec assiduité. Lorsqu'il revint vers sa maîtresse, il s'assit et se frotta à sa jambe nue. Les quatre guerrières libérèrent le passage sans un mot. Les portes monumentales en bois grincèrent dans leurs gonds. Un effroyable boucan assourdit Margot pendant quelques instants lorsque les battants tapèrent contre les murs de paille renforcés par des milliers de sorts de protection.
Nikka leur offrit un sourire poli, les remercia et s'engouffra dans la gueule béante du palais. La jeune femme déglutit, intimidée par les ténèbres qui semblaient dominer le ventre de ce bâtiment. Les Valkyries tapèrent le sol de leurs lances. Le bruit suffit pour que Margot remette les pieds sur terre. Elle leur jeta un regard interrogatif et se heurta à un mur. Les guerrières regardaient droit devant elles, leur attention portée sur un point lointain et invisible. Leurs visages étaient lisses de toutes émotions, mais la brune devina aux grognements que laissaient échapper les loups qu'il fallait qu'elle se décide car la patience des soldates atteignait ses limites. Margot déglutit et reporta son attention sur la gueule grande ouverte du palais. Elle inspira une énième fois à fond pour se donner du courage et s'enfonça à son tour dans l'antre du chef de Dist'Chyz.
VOUS LISEZ
Horswentia
Fantasy[Dans la liste de lecture « High Fantasy » de WattpadFantasyFR 🥰] La vie de Margot bascule quand elle ouvre les yeux dans une forêt aux allures oniriques après avoir été renversée par une voiture. Elle ne connait rien de ce monde. Pourtant, elle va...