Horswentia

Chapitre 31 (2)

Margot s'éveilla en sursaut. Des pas retentissaient dans les escaliers. Elle ferma les yeux et plongea dans un état méditatif, comme elle avait appris à le faire lors de son entraînement dans l'antre des dragons des Ténèbres. Un soupir de soulagement lui échappa quand elle reconnut la manière de marcher de son ami. Elle se leva et se posta derrière la porte. Quand elle sentit qu'il était arrivé à sa hauteur dans le couloir et qu'il s'apprêtait à toquer, elle ouvrit le battant de bois. Il fit un bond en arrière et posa sa main sur son cœur.

— Bonjour, Horte, lui sourit-elle en s'appuyant sur l'encadrement de la porte. Bien dormi ?

Son ami papillonna des paupières et expira un grand coup avant de lui rendre son sourire.

— Très bien, lui répondit-il après l'avoir saluée à son tour. Tu es bien matinale...

— Je t'ai entendu monter.

— J'ai pourtant fait en sorte d'être discret, marmonna-t-il en fronçant les sourcils.

— Mes sens ont dû se développer grâce à l'entraînement avec Inlokved.

Il acquiesça et l'invita à le rejoindre dans la cuisine dans cinq minutes. Elle referma la porte et se prépara, puis descendit. Ils mangèrent des œufs au plat préparés par Horte et enfilèrent leurs chaussures. Une fois dans la rue, ils s'échauffèrent, puis se mirent en route pour un footing d'une petite heure.

Une fois arrivés dans la cour de la maison de Horte, ils s'étirèrent et enchaînèrent plusieurs séries des exercices qu'elle faisait avant son départ chez Inlokved. Ils passèrent rapidement sur le corps à corps et le maniement des armes blanches, puis Horte insista pour qu'ils approfondissent les connaissances magiques de la jeune femme. Ils se dirigèrent vers l'un des dômes rouges et lui montra plusieurs techniques basiques qui n'invoquaient pas les éléments.

Quand le soleil fut à son zénith, ils mangèrent des plats apportés par Dremlaasvaast, heureux de revoir Margot, et firent une sieste. La jeune femme était épuisée : le nouvel entraînement que lui avait concocté Horte était encore plus intensif que le précédent.

Est-ce que j'arriverai à tenir la route avec celui d'Inlokved ?

— Tu as intérêt, Margot ! retentit alors la voix de son dragon.

Elle bondit sur ses pieds, la main sur le cœur pour tenter de le calmer.

— Je ne t'ai pas invoqué, Inlokved, couina-t-elle encore surprise par son apparition.

— C'est vrai... mais regarde qui m'accompagne !

Margot tourna la tête et croisa le regard bienveillant de Vumqotsun. La dragonne paraissait inquiète, comme si elle appréhendait sa réaction.

— Comment vas-tu ? lui demanda Margot, un grand sourire aux lèvres pour tenter de la rassurer.

— Bien, merci. Tu as l'air fatiguée.

Margot acquiesça et lui expliqua ce qu'elle avait fait dans la matinée.

— Oh ! s'exclama-t-elle après un petit moment en réalisant que Horte était aussi présent. Horte, je te présente Vumqotsun. Elle m'a beaucoup aidée lors de mon séjour dans l'antre des dragons des Ténèbres.

— Petit Dragon, murmura la dragonne en approchant sa tête du jeune homme, vous ressemblez beaucoup à Laatonikov.

— C'est ma mère, lui répondit-il, les joues rouges.

Margot sourit en voyant l'air heureux se peindre sur le visage de son ami.

— Du coup, Inlokved, reprit la jeune femme alors que le silence se prolongeait, comment ça se fait que tu puisses apparaître sur Horswentia sans que je ne t'invoque.

Il haussa les épaules, peu enclin à répondre. Alors qu'elle allait reprendre la parole, la voix de Vumqotsun retentit :

— C'est possible grâce à votre entente. Et c'est encore plus simple pour lui depuis que vous avez réussi à fusionner vos esprits. Quand tu sentiras le Thu'um sur Horswentia, tu pourras toi aussi faire ça.

— Mais pour ça, intervint Inlokved en claquant dans ses pattes avants, il faut qu'on s'entraîne. Aller ! En route, mauvaise troupe !

Il s'approcha de Margot, déposa ses pattes griffues sur ses épaules et la poussa vers le centre du terrain.

— On fait comme chez nous, Vumqotsun ?

La dragon acquiesça et s'approcha d'eux alors qu'ils s'installaient par terre pour méditer.

— Horte, l'appela le dragon, je compte sur toi pour nous ramener dans la réalité s'il se passe quelque chose.

Il opina du chef et s'assit un peu à l'écart, sur le qui vif. Margot était intimidée d'être surveillée par autant de monde et, en même temps, cela la rassurait. Elle savait qu'au moindre problème, elle ne serait pas livrée à elle-même.

— C'est parti !

Elle sourit face à l'enthousiasme d'Inlokved et ferma les yeux pour méditer. Elle eut beaucoup de mal à se concentrer : ses pensées étaient parasitées par tout ce qui l'entourait. Les Dragons, la faune et même la flore !

— Que se passe-t-il, Margot ? souffla Vumqotsun en lui caressant les cheveux.

— J'entends trop de choses, trop de pensées.

— C'est normal : c'est beaucoup plus bruyant et habité que chez nous ici.

Margot acquiesça et, grâce aux encouragements de Vumqotsun, parvint à se concentrer sur sa conscience. Elle occulta toutes les présences autres que celles des deux dragons. Elle fut obligée d'ignorer celle de Horte, car elle prenait trop de place et la mettait presque mal à l'aise.

— Détends-toi, Margot, lui murmura Inlokved. Encore un petit effort et nous y serons.

La jeune femme hocha la tête, inspira et expira profondément et se sentit enfin en paix avec elle-même. Elle sentit Inlokved lui demander l'accès à son esprit. Elle tenta de faire comme dans l'antre des dragons des Ténèbres, mais dut faire plus d'efforts pour juste créer une mini brèche dans son mur. Elle avait l'impression d'avoir couru un marathon. Pourtant, elle n'avait même pas fait la moitié de ce que Inlokved attendait d'elle. Elle prit une nouvelle inspiration, remplissant au maximum ses poumons, puis relâcha tout l'air accumulé en forçant sur la barrière qui protégeait son esprit. Margot sentit un intrus s'approcher, relâcha tout et ouvrit grand les yeux.

— C'était qui ?

Inlokved battit des paupières, choqué par ce qui venait de se passer, et Vumqotsun se contenta de gronder doucement.

— C'était seulement l'esprit de Horte, lui dit-elle. Il vérifiait seulement que tout se passait bien. Recommence. Nous veillons sur toi, ne t'en fais pas.

Margot acquiesça, pas du tout rassurée. Elle avait senti une profonde noirceur dans l'âme de Horte. Quelque chose de visqueux, moite et froid. Quelque chose de malin. Elle lui lança un regard inquiet, mais il se contenta de lui sourire d'un air encourageant. Il lui fit signe de reprendre son exercice. Margot détourna les yeux, ferma les paupières et souffla pour décompresser. Son cœur battait à cent à l'heure. Elle savait que l'entraînement risquait d'être vain.