Chapitre 34 (2)

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Il  ne fallut qu'une seconde pour qu'elle entende les premiers cris de  surprise, puis de douleurs des Anges. Elle stoppa sa course, la  respiration courte, et revint vers ses alliés qui observaient d'un air  satisfait leur prise.

— Joli Daro'Shamada, dit le général Pahmar-raht quand elle arriva à sa hauteur, mais Messire Ordy ne laissera pas passer.

Elle  acquiesça, consciente de ce qui l'attendait, mais, au moins, ils  avaient pu régler une partie de leur combat sans qu'il n'y ait de  blessés. Et c'était tout ce qui l'importait.

Des hurlements la firent sursauter. Les Anges tentaient de se délivrer et leurs ailes s'empêtraient dans les mailles des filets.

— Cessez de vous débattre, leur ordonna le général Pahmar-raht. Vous ne ferez que vous blesser davantage.

— Plutôt crever que d'être vos prisonniers, cracha l'un d'entre eux en s'agitant de plus bel.

— Entendu, marmonna un Vampire en dégainant son épée.

— Non, non, bégayant l'Ange qui avait parlé en le voyant s'approcher, l'air menaçant. Pitié !

— Faudrait savoir ce que tu veux. Si je ne te tues pas, tu seras un prisonnier de guerre.

— Ne me tuez pas. Je vous en supplie.

Comme  seule réponse, le Vampire rengaina sa lame, lui cracha au visage, puis  fit demi-tour pour rejoindre ses compagnons d'armes.

L'Ange  était de garde au niveau de la porte principale. Il avait vu ses  camarades s'envoler pour briser les blocus. Il pouvait encore entendre  leurs ailes claquer contre l'air. Ses coéquipiers étaient immobiles et  observaient eux aussi les différentes unités se diriger vers les  endroits attribués par le Prince héritier. La famille impériale  concevait les stratégies auxquelles répondaient leurs soldats, mais ne  sortaient jamais du palais pour les diriger. Ils se contentaient de  déléguer et d'observer le résultats, offrant des récompenses lors des  réussites et punissant sévèrement dans le cas contraire.

À  présent que tous les yeux étaient dirigés vers l'extérieur, il était  temps pour lui de mettre en œuvre le plan élaboré par son allié. Il  s'éloigna lentement du chemin de ronde, puis s'enfonça dans les  profondeurs des remparts. Il ressortir dans la ville et entra dans une  laverie, volant des vêtements secs. Une fois changé et ses armes  camouflées sous une grande cape, l'Ange se dirigea vers l'artère de la  ville. La population était consciente de ce qui se passait à l'extérieur  de Kaïthy, mais préférait se voiler  la face. Ils préféraient vivre dans l'insouciance du quotidien que dans  l'appréhension de savoir de quoi serait fait le lendemain.

L'Ange  les enviaient de cette insouciance. Lui aussi aurait préféré ignorer la  guerre, vivre avec sa famille et enchaîner la monotonie d'une vie sans  danger. Mais il s'était engagé, admirant l'Empereur et son entourage  lorsqu'ils faisaient des défilés et saluaient les petites gens. Quand il  avait découvert leur véritable visage, il avait été déçu, dégoûté,  écœuré.

Dès  qu'ils étaient rentrés, après le premier défilé auquel il avait pu  participé en tant que soldat, les membres de la famille impériale  s'étaient lavés les mains et plaint de la puanteur des citoyens. Le  Prince héritier avait aussi relevé leur manque d'éducation et avait  honte de devoir piocher des soldats parmi eux. L'Ange aurait voulu  quitter leur armée et s'installer ailleurs que dans la capitale, loin de  ces êtres mauvais et imbuvables, mais sa promesse de les protéger de sa  vie l'en empêchait. Il était lié à eux jusqu'à sa mort... ou jusqu'à la  leurs.

L'Ange  sortit de ses pensées en voyant le fleuve qui traversait la ville et  allait jusqu'aux jardins du palais. Le lit était à sec depuis que le  siège avait commencé, forçant les habitants de Kaïthy à puiser dans les  nappes phréatiques pour tenir bon. Il remonta le cours d'eau jusqu'à  arriver aux remparts. Il n'y avait plus assez de sentinelles pour  veiller à la fois sur ce qui se passait à l'extérieur et à l'intérieur.  Et comme personne ne se doutait qu'il y avait une taupe... cela allait lui  faciliter la tâche.

Il  sauta dans le lit de la rivière et pesta en voyant que ses bottes  étaient sales. Il faudrait qu'il détruise ses vêtements pour effacer  toute trace de sa trahison envers la couronne et son peuple.  Il s'approcha de la porte qui permettait de réguler l'arrivée d'eau.  Comme il s'y attendait, elle était bloquée à moitié, comme d'habitude.  Et personne ne la surveillait depuis le blocus. C'était cette erreur qui  allait lui permettre de mettre le plan à exécution.

— La porte est ouverte ? souffla le bras droit de l'Empereur en dévisageant son acolyte.

Ce dernier hocha la tête et lui tendit un bout de papier :

— Il faut le prévenir.

— Tu as raison, lui répondit-il en s'en emparant, puis en s'asseyant à son bureau. Va me chercher mon corbeau le plus rapide.

Son  allié acquiesça et quitta son anti-chambre précipitamment. La main de  l'Empereur soupira et saisit une plume. Il écrivit en Draconique pour  montrer que tout ce qu'il disait n'était que la vérité.

On ne peut pas mentir en Draconique ! À l'écrit comme à l'oral.

Il  scella sa missive avec un cachet de cire et se posta près de la  fenêtre. Après quelques minutes qui lui parurent interminable, son  acolyte revint avec un corbeau. Le plus petit, le plus âgé et le mieux  dressé. Mais, surtout, le plus rapide parmi ceux qu'il possédait. Il  releva son avant-bras et l'oiseau vint s'y poser sans aucune hésitation.  Il ouvrit la fenêtre, caressa la tête de l'animal avant de lui  chuchoter :

— Vole aussi vite que tu le peux. C'est important.

Puis  il donna de l'impulsion et le corbeau fila dans le ciel. Il battait des  ailes aussi vite qu'il le pouvait et, bientôt, il ne fut plus qu'un  point à l'horizon.

— Espérons qu'il arrive à destination, retentit la voix de son allié.

— J'ai confiance en lui, se contenta-t-il de répondre en continuant d'observer la silhouette de son oiseau. Il déteste échouer.

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