Horswentia

Chapitre 22 (2)

Quand les groupes furent faits, le Second Prince se retira en compagnie de sa garde rapprochée. Les soldats angéliques restants escortèrent les étudiants à leurs chambres respectives. Achille guida Margot et les trois autres filles qui allaient dormir avec elle.

- Voici votre chambre.

Ce disant, il leur ouvrit la porte et les invita à entrer. Quand Margot passa à sa hauteur, en dernière, elle lui sourit et le remercia du bout des lèvres. Il se contenta de hocher la tête, un discret sourire en coin.

- Demain matin, le tambour sami retentira trois fois. La première pour vous réveiller. Vous devrez être habillées et prêtes lorsque le second coup sonnera. Au troisième, vous aurez mangé et les cours avec Son Altesse le Second Prince démarreront. Vous aurez une pause à midi et votre journée se terminera quand le soleil se couchera. Lors du dernier coup sur le tambour sami, ce sera l'annonce du couvre-feu et il vous faudra vous coucher. Compris ?

Les quatre étudiantes hochèrent la tête. Marjorie frappa le sol de son sabot, mécontente que ses journées soient rythmées par l'emploi du temps des Anges.

- Je vais à présent vous laisser, mesdemoiselles...

Il jeta un dernier regard à Margot et ferma la porte. Un déclic se fit entendre, puis ses pas s'éloignèrent dans le couloir.

- Comme si j'allais attendre bien sagement que ce prince de mes deux nous lave le cerveau !

Sans laisser le temps à ses camarades de réagir, Marjorie fonça contre la porte et rua de toutes ses forces pour la détruire. En vain. Le bois tenait et les sabots de la Nymphe ne laissaient aucune traces.

- Marjorie ! hurla l'une des filles que Margot ne connaissait pas. Calme-toi ! Les portes sont toutes enchantées ici ! Et puis, même si tu arrivais à la briser, il n'y aurait aucune chance pour que tu puisses fuir...

- Le palais impérial est trop bien gardé, ajouta l'autre en s'asseyant sur le lit le plus proche d'elle. Ce que tu fais en ce moment ne fera que se retourner contre toi si les gardes t'entendent.

En sueur et à bout de souffle, la Nymphe arrêta ses ruades. Elle fusilla ses camarades du regard.

- Et vous croyez qu'on sera mieux traitées en restant ici ? Toi, dit-elle en désignant la première à lui avoir parlé, en tant que biche-garou tu devrais parfaitement savoir qu'on n'est pas les bienvenues ici ! Et toi, tu crois que parce que tu as des ailes, ils te traiteront mieux que les autres ?

Un silence pesant tomba dans la chambre. Margot papillonna des paupières. Elle dévisagea attentivement les filles qui se faisaient face. La fameuse biche-garou se dandinait d'un pied sur l'autre, l'une de ses mains attrapant son bras opposé et ses yeux écarquillés par la peur. Celle assise sur le lit, lui parut tout ce qu'il y a de plus normal... jusqu'au moment où elle se secoua comme un chien. De grandes ailes brunes remplacèrent ses bras, son corps devint celui d'un oiseau aux griffes acérées, mais son visage resta identique à celui qu'elle arborait quelques secondes plus tôt.

- Ce n'est pas parce que je suis une sirène volante que ces connards me considéreront comme l'une des leurs ! Au contraire : ils me descendront plus bas que terre et se moqueront de la couleur de mes ailes...

- Pourquoi ils se moqueraient de la couleur de tes ailes ? ne put s'empêcher de demander Margot. Elles sont très belles...

Des sourires attendris adoucirent les visages des trois jeune femmes qui se prenaient le bec. La sirène ailée se rapprocha d'elle d'un bond et planta son regard noir dans le sien.

- Parce qu'elles sont marrons, alors que les leurs sont blanches.

- Je ne vois pas le rapport...

- Pour eux, les ailes blanches représentent la pureté.

Margot haussa les sourcils.

- Si leur conception de la pureté est de s'auto-proclamer dirigeants d'un monde, de mettre à feu et à sang les villes des pays voisins et de tuer des étudiants car ils ne sont pas assez puissants pour intégrer leur Université... Je pense que je préférerai largement avoir des ailes noires que d'appartenir à leur race !

Les trois filles la regardèrent, surprises par le ton véhément de la première année.

- Tu veux qu'on t'aide pour apprendre le Draconique ? proposa alors Marjorie en s'allongeant sur un lit qui craqua à cause de son poids.

- Horte lost vook sun vook. Zu'u hi lagraan do ore faal qiskla.*

- Ah ouais ! En fait tu te débrouilles bien mieux que nous ! pouffa la biche-garou. Au fait, moi c'est Alty. Je suis en deuxième année.

- Moi c'est Béatrik et je suis en troisième année. Comment ça se fait que la famille impériale ait décrété que tu ne savait pas parler le Draconique ?

Margot s'assit sur le lit qui se trouvait le plus proche de la fenêtre et leur raconta l'arrivée du Second Prince dans l'amphithéâtre, la manière dont il s'était incrusté en cours de théâtre et son caprice par rapport à la scène d'amour du lire A&L.

- Ah ouais, souffla Marjorie, horrifiée. Il t'a humiliée devant toute ta promo...

- Ce que je comprends pas, c'est pourquoi de telles rumeurs couraient à ton sujet à l'Académie.

- Lesquelles ? demanda la brune à la sirène aérienne.

- Comme quoi tu aurais... tu aurais couché avec Srenta IV.

- Quoi ? hurla Margot en bondissant sur ses deux pieds. Mais c'est n'importe quoi ! Messire Ordy m'a prise sous son aile car je suis amie avec Nikka.

- Tu n'as pas besoin de te justifier, murmura Alty en posant une main réconfortante sur son épaule. Il y a beaucoup de bruits de couloir qui circulent sur tout et sur tout le monde... enfin, il y avait.

- J'ai pas envie que vous vous fassiez de fausses idées sur moi !

- Ne t'en fais pas, ajouta Marjorie. On connaît la mentalité des jaloux : si une fille n'est pas forte, mais qu'elle est recommandée par une personne influente, elle est soit passée sous le bureau, soit elle a écarté les cuisses pour avoir son ticket pour l'Académie ; et si elle a de bonnes notes, c'est pareil, mais elle l'a fait pour être en tête de classement et avoir un avenir prometteur.

- C'est horrible...

- Certaines filles ne tiennent pas à cause de ces rumeurs et quittent l'Académie. D'autres ont un destin plus tragiques...

Un silence de recueillement envahit la pièce.

- Certaines se sont défendues aussi, dit Alty sur un ton beaucoup plus joyeux. J'ai une de mes amies qui à foutu un pain dans la tronche d'un mec qui a répandu des rumeurs sur son compte.

- Ah oui ! Je me souviens de cet épisode, rit Béatrik. Elle l'avait fait en plein self et devant tout le monde, puis avait hurlé en Draconique : « Le prochain ou la prochaine qui répand des rumeurs sur mon compte finira sa vie comme un légume ! ». C'était magique !

- Et elle est où cette fille ?

- Partie, murmura Alty. Elle a sauté plusieurs classes et a décroché son diplôme de l'Académie.

- Elle devait être très douée !

Alty hocha la tête, un sourire heureux plaqué sur son visage.

- Elle l'était ! Et elle n'a jamais pris la grosse tête. C'est mon modèle.

- Il serait temps qu'on se couche les filles, dit Marjorie en s'étirant et baillant à s'en décrocher la mâchoire. La journée de demain sera éprouvante.

Une fois tout le monde couché, la Nymphe éteignit la lumière. Margot garda les yeux ouverts. Elle était inquiète pour Daro'Shamada. Est-ce que la Khajiit avait réussi à s'en sortir ? Avait-elle pu trouver asile pour échapper à la traque des Anges ?

Faites que tout aille bien de son côté...

*Horte m'a déjà bien aidée. Je vous remercie de me le proposer.