Chapitre 11 (1)

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Il faisait noir. Très noir. Où était-elle ?

Margot tourna la tête à gauche, à droite. À moins que ça ne soit l'inverse ?

Il faisait noir. Très noir. Où était le haut ? Où était le bas ?

Elle avait l'impression d'être en apesanteur. Elle n'arrivait pas à définir si oui ou non il y avait quelque chose sous ses pieds et au-dessus de sa tête.

Un grondement fit vibrer l'univers obscur qui l'entourait. Il lui semblait que tout allait s'écrouler. Mais qu'est-ce qui allait s'écrouler ? Il n'y avait rien autour d'elle...

Devant elle, quelque chose s'illuminait à un rythme régulier. La lumière violette lui brûla la rétine lorsqu'elle explosa dans le noir. Pourtant, elle ne ressentit rien de dangereux dans cette direction... Qu'est-ce que c'était ?

Margot sentit ses jambes se mettre en mouvement. Elle ne les contrôlait pas. Elle ne les contrôlait plus... La peur lui nouait le ventre, pourtant elle sentait au fond d'elle-même qu'elle n'avait rien à craindre. Où était-elle ?

Au fur et à mesure que ses jambes la portaient vers la lumière, la brune aperçut qu'une forme, une silhouette se dessinait dans la pénombre. Elle déglutit. Qu'est-ce c'était ?

Elle se rapprochait pas à pas. Ses yeux distinguèrent de mieux en mieux ce qui se tenait en face d'elle. Il y avait comme un socle sur lequel reposait un piédestal. Où était-elle ?

Sur ce piédestal se trouvait une bille de forme ovale. La lumière lavande s'en échappait et pulsait au rythme des battements d'un cœur imaginaire. Qu'est-ce que c'était ?

Margot se rapprocha encore. Enfin elle essaya. Ses jambes continuaient d'avancer, mais c'est comme si elle se trouvait sur un tapis de course. Elle restait sur place et n'arrivait pas à atteindre cet étrange cœur qui laissait échapper de la lavande.

Le grondement retentit une nouvelle fois. Les jambes de Margot cessèrent tout mouvement. Une chair de poule dévala son échine. Elle avait peur alors qu'elle n'avait aucune raison de l'être. Qu'est-ce que c'était ?

Le socle, le piédestal et la bille ovale disparurent dans l'obscurité. Margot se retrouva seule. Elle n'arrivait plus à distinguer sa gauche de sa droite et le haut du bas. Où était-elle ?

Une silhouette ténébreuse se découpa dans le noir. Deux améthystes roulèrent en tous sens avant de se poser sur elle. Deux fentes verticales les découpèrent en leur centre. Un ronflement emplit l'espace dans lequel elle se trouvait. Mais Margot fut apaisée. Elle avait l'impression de retrouver un proche qu'elle n'avait pas vu depuis longtemps. Elle voulut tendre la main pour toucher cet être qui se tenait devant elle. En vain. Son corps refusait de lui obéir. Il était comme paralysé.

- Dovahkiin, nid kos son.

Une voix grave et profonde, comme vieille de plusieurs millénaires, remplit l'espace. Elle résonna jusqu'à totalement s'estomper. Les échos revenaient à chaque fois vers Margot dont le cœur battait en rythme. Elle avait l'impression de renaître, d'être entière, d'être enfin elle-même. Qu'est-ce que c'était ?

Les améthystes disparurent dans l'obscurité. La silhouette s'évapora dans un claquement de cuir sévère. Les ténèbres entourèrent à nouveau Margot. Elle avait de nouveau perdu ses repères. Elle se sentait seule, abandonnée et oubliée. Où était-elle ?

Elle avait l'impression d'avoir à nouveau été percutée par une voiture. Est-ce que tout ce qu'elle avait vécu depuis son réveil dans la forêt - de sa rencontre et son voyage avec Nikka à cet étrange échange à sens unique - n'était vraiment que le fruit de son imagination, comme elle le pensait depuis le départ, ou était-ce vraiment sa nouvelle réalité ? Si l'une de ses paupières se soulevait - pour de vrai -, se retrouverait-elle face à Tony dans une chambre d'hôpital ou dans sa chambre chez Nikka ?

Un grondement sourd lui déchira les tympans. Son cœur accéléra comme un fou. Sa respiration devint haletante. Elle n'avait pas peur et pourtant son corps lui lançait des tonnes de signaux d'alerte.

Elle ne devrait pas être là...

Pas encore du moins.


Un hurlement déchira le silence de la maison. Margot se releva en sursaut dans son lit. De la sueur dégringolait sur ses tempes, dans son dos et sur son torse.

D'où provenait ce cri de terreur pure ?

Elle se concentra de toutes ses forces sur ce bruit. Ses oreilles guidèrent son attention sur la pièce dans laquelle elle était. Elles la guidèrent... vers elle ?

Oui. Ce hurlement, c'était le sien.

Et il continuait, continuait, continuait comme si la menace qui l'avait terrifiée était encore en face d'elle, comme si elle se trouvait à ses côtés... juste en face d'elle. Ses cordes vocales la brûlaient comme jamais encore elle n'avait eu mal à cet endroit. Si elle hurlait encore de la sorte, elles risquaient de se rompre et la parole lui serait ôtée à tout jamais. La jeune femme se concentra, se rassura comme elle put et cessa de crier. Le silence revint dans sa chambre, au premier étage et au rez-de-chaussée.

Il n'y eut pas de bruit précipité qui vint briser ce silence étouffant. Nikka n'était toujours pas rentré de son excursion... Margot s'extirpa de sa prison de couvertures comme elle le put et se dirigea d'un pas tremblant vers la fenêtre de sa chambre. Le soleil était déjà haut dans le ciel. Elle fixa la rue comme si cela pouvait faire revenir son ami. Ses paupières tombaient de fatigue, mais le cauchemar qui venait de la réveiller l'empêchait de replonger dans les bras de Morphée. Qu'est-ce qui avait pu l'effrayer à ce point ?

Elle se rappelait que la porte d'entrée avait claqué dans le silence presque religieux qui régnait de la maison deux heures après le chant du coq. Ça l'avait réveillée en sursaut et elle s'était dépêchée de regarder par-dessus la rampe d'escaliers, puis par la fenêtre qui donnait sur la rue. Mais elle n'avait rien vu. Inquiète, la jeune femme avait exploré toutes les pièces de la maison, mais il n'y avait pas âme qui vive. Peut-être que Nikka était allé informer Messire Ordy de sa décision par rapport à l'Académie et aussi pour mettre à jour ses connaissances sur la situation qu'il lui avait décrite la veille.

Margot était repartie se coucher. Nikka l'avait enfermée et il lui était impossible de sortir dans la rue. Elle s'était sentie rassurée : si elle ne pouvait pas sortir, sans doute que personne d'autre que lui ne pouvait rentrer dans la maison.

Ses yeux avaient papillonné alors qu'elle fixait intensément le plafond. Elle avait senti sa respiration ralentir, son cœur pomper avec force son sang pour l'envoyer dans son corps et ses membres se faire lourds. Elle avait eu l'impression de s'enfoncer toujours plus loin dans le matelas. Ses paupières s'étaient finalement fermées après qu'elle ait lutté pendant quelques instants pour les maintenir ouvertes. Puis plus rien.

Elle venait tout juste de reprendre conscience, mais avait totalement oublié ce qui avait pu l'effrayer au point de la faire hurler dans son sommeil... la réveillant par la même occasion.

- Putain, murmura-t-elle la tête appuyée contre la vitre en fermant les yeux. Est-ce que je deviens folle ?

Sa respiration ralentit et finit par s'apaiser au prix d'un nombre incalculable d'exercices de relaxation.

- Je veux rentrer chez moi, sanglota-t-elle, ses mains agrippées férocement au tee-shirt que lui avait prêté Nikka en guise de pyjama.

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