Chapitre 24 (2)

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Quand  il fut huit heures, Margot se doucha, se changea et suivit Horte à  travers la ville. En observant un peu ce qui l'entourait, la jeune femme  se rendit compte des regards dégoûtés ou haineux qui se posaient sur  elle. Elle se rappela son altercation avec les trois Dragonnes le  matin-même et espéra de toutes ses forces que la journée serait calme.

Horte  la guida jusqu'à un petit commerce tout mignon. Une jeune femme en  sortit et Margot la reconnut instantanément. C'était l'une des Dragonnes  de ce matin. Quand leurs regards se croisèrent, elle pâlit, mais reprit  vite son assurance en constatant que Horte lui parlait comme si de rien  n'était.

J'aurais dû écouter Inlokved...

— Margot,  l'appela Horte, la sortant de ses pensées, voici Paakgruthnah. C'est  avec elle que tu passeras la matinée. Prends bien soin d'elle,  Paakgruthnah, reprit-il en s'adressant à la Dragonne.

— Voyons, tu me connais, Inothkrin, roucoula-t-elle.

Il  lui fit un grand sourire, salua Margot de la main et tourna les talons.  Un silence pesant tomba entre les deux femmes. Margot croisa les bras  et fuit le regard moqueur de Paakgruthnah. Sans un mot, cette dernière  se détourna d'elle et s'enfonça dans sa boutique sans mot dire.

Margot  hésitait. Devait-elle la suivre sur son terrain de jeu ? Pouvait-elle  s'échapper en douce et faire croire à Horte qu'elle avait passé la  matinée ici ? Sa marque d'invocation la démangea et Margot sourit. Elle  n'était pas seule. Si jamais la Dragonne venait à être trop embêtante,  elle n'aurait qu'à appeler Inlokved. Rassurée, Margot entra dans la  boutique de fleurs et se figea quand elle aperçut les deux compères de  Paakgruthnah.

— Comme  on se retrouve, souffla celle qui semblait être leur cheffe. Et plutôt  rapidement qui plus est. Nous t'avons à ce point manquées ?

Margot serra les dents et attrapa son poignet gauche.

— Je suis ici pour pratiquer le Draconique ancien. Il faut que j'arrive à maîtriser cette langue assez rapidement.

Dovah kos Biilokah, dit-elle, un rictus aux lèvres.

Margot  ne compris pas la suite, car elle parlait trop vite et avec un accent à  couper au couteau. Les deux autres Dragonnes rirent devant son air  perdu et entrèrent dans la discussion à leur tour. Margot ne savait plus  où donner de la tête tant les répliques valsaient à un rythme effréné.  Elle ne comprenait rien et, pourtant, elle savait que les trois femmes  se moquaient d'elle.

Après  ce qui lui sembla être une éternité, un client entra dans dans la  boutique, coupant court à cet échange à sens unique. Paakgruthnah  attrapa le poignet de Margot et la tira sans ménagement derrière le  comptoir. Elle lança une œillade complices à ses amies et continua de  s'exprimer dans un Draconique ancien rapide. Le client lui sourit et lui  répondit plus lentement. Margot sourit en comprenant enfin ce qui se  disant. Elle s'accrocha comme elle le put et remercia intérieurement ce  Dragon de ne pas parler aussi vite que les femmes avec qui elle allait  sans aucun doute passer une atroce matinée.

Quand  Horte vint la chercher pour manger, Margot était lessivée. Les trois  Dragonnes n'avaient fait que parler en Draconique ancien sans articuler  ou faire mine de ralentir pour qu'elle puisse comprendre leur  conversation. En plus de cela, une fois que Biilokah et son amie étaient  parties, Paakgruthnah lui avait fait faire toutes les basses besognes  de sa boutique : poussière, nettoyage du sol et des vitres, balayage de  la terrasse. Elle avait poussé le vice si loin que Margot avait dû laver  à grande eau les sanitaires et la pièce arrière.

Au  bout d'un moment, Paakgruthnah l'avait rappelée dans la boutique,  l'avait fait passer derrière le comptoir, à ses côtés, et, dans un  Draconique ancien plus lent et scolaire, lui avait expliqué comment on  s'occupait d'une plante. Son brusque changement de comportement avait  interpellé Margot, mais elle ne s'était pas plainte, trop heureuse que  la Dragonne lui apprenne enfin quelque chose. Horte était arrivé  quelques instants plus tard, heureux de les voir si proches. Et Margot  avait compris. Sa tortionnaire ne voulait pas que Horte découvre ce  qu'elle avait fait de Margot pendant toute la matinée. Elle voulait se  faire bien voir par le fils d'Alduin et de Laatonikov.

— Comment  s'est passée ta matinée ? demanda Horte quand ils furent installés dans  un dôme vert, des plats de Dremlaasvaast éparpillés sur une nappe à  carreaux rouges et blancs. Tu as pu découvrir pleins de nouvelles choses  ?

Margot  baissa les yeux sur la nourriture, attrapa ce qui ressemblait à un  onigiri et croqua dedans à pleines dents. Elle ne savait pas quoi lui  répondre.

Est-ce que je lui mens ou je lui dis tout en prenant le risque de me mettre à dos les trois Dragonnes ?

Sa  marque d'invocation la démangea et, sans y réfléchir, elle s'entailla  le pouce pour y répandre son sang. Inlokved apparut et s'enroula autour  de son bras. Il serpenta jusqu'à son épaule et se plaça autour de son  cou pour être à la hauteur de Horte.

— Cette  Dragonne est une... commença-t-il, s'interrompant au moment où il allait  l'insulter. Elle a maltraité Margot avec ses deux amies toute la matinée  !

— Maltraitée  est un bien grand mot, contra Margot, car elle ne voulait pas s'attirer  plus d'ennuis qu'elle n'en avait déjà. Disons qu'elles m'ont bien  taquinée...

— Tu  plaisantes ! cria son dragon, effaré qu'elle minimise autant la chose.  Elles ont parlé en Draconique ancien si vite que tu ne comprenais rien  et ne faisait aucun effort pour que ça soit le cas. La fleuriste te  traitait comme sa bonniche une fois les deux greluches parties et elle a  fait comme si elle allait vraiment t'apprendre quelque chose quelques  secondes avant que Horte ne se pointe ! J'appelle pas ça des  taquineries, moi !

— Arrête, Inlokved, gronda-t-elle en le fusillant du regard.

— C'est quoi cette histoire ? intervint alors Horte, l'air furieux.

Margot  serra les dents et fut contrainte de lui raconter en détails toute sa  matinée. Plus son récit avançait, plus elle se sentait mal à l'aise.  Horte ne disait pas un mot, mais elle sentait son aura s'alourdir et  devenir sombre. Elle avait presque l'impression d'être revenue dans la  grotte des dragons des Ténèbres tant sa noirceur était palpable.

— Autre chose à me dire par rapport à Biilokah et ses amies ?

— Oui, la devança Inlokved. Ce matin, la Wyvern bleue...

— Elle s'est transformée ? aboya Horte, prêt à aller en découdre avec la Dragonne.

— Calme-toi, mon garçon. Nous, les dragons, pouvons voir la véritable nature d'un Dragon, même s'il est sous sa forme humaine.

Horte  écarquilla les yeux, comme terrorisé. Margot fronça les sourcils alors  que le silence se prolongeait, encore et encore. Horte et Inlokved se  dévisageaient sans décocher un mot, puis le dragon des Ténèbres reprit  la parole :

— Pour  en revenir à nos moutons, la Wyvern bleue a proposé de ramener Margot  chez toi ce matin. Elle s'était perdue durant son footing. Comme elle a  assuré qu'elle te connaissait bien, Margot lui a fait confiance et l'a  suivie.

Horte serra les mâchoires et, alors qu'il s'apprêtait à faire remonter les bretelles de Margot, Inlokved le coupa :

— Plus  tard les remontrances. La Wyvern bleue l'a attirée dans une ruelle et  ses deux comparses l'ont rejointe. Si je n'étais pas intervenu, la  deuxième Sage des Ténèbres ne serait sans doute plus de ce monde ou  alors dans un piteux état.

Margot  ne savait pas quoi dire. Elle aurait préféré que cet incident reste  secret, mais elle se rendait bien compte qu'elle n'était pas sur Terre.  Même si le harcèlement dans son monde pouvait engendrer de terribles  souffrances, voire la mort de la victime, il ne pouvait pas être aussi  dangereux que celui sur Horswentia. Après tout, dans ce monde, la magie  était courante et les espèces qui y vivaient n'étaient pas tendres. Si  les Dragonnes l'avaient voulu, Margot serait morte une seconde fois.  Elle ne pouvait pas cacher ce genre de chose. Pour elle qui ne pouvait,  pour l'instant, pas se défendre, cela reviendrait à creuser sa propre  tombe.

— Il va falloir qu'on mette les points sur les I, retentit la voix de Horte, plus grave et sombre que jamais.

Dovah     kos Biilokah : Je m'appelle Biilokah.

HorswentiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant