Chapitre 12 (1)

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Margot et Nikka se tenaient à l'entrée de la ville. Une horde de Valkyries et leurs montures les entouraient, les empêchant de partir avant l'heure... avant que Messire Ordy ne soit venu les saluer.

Le coq avait chanté depuis déjà trois bonnes heures. Les Satyres sortaient de chez eux pour rejoindre les champs dans lesquels ils travaillaient chaque jour. Les Cobales faisaient déjà chauffer les fours des forges. Les rues s'animaient alors que les marchands ouvraient leurs boutiques et préparaient leurs étals pour la journée à venir. Mais toujours aucune trace de Messire Ordy.

Margot voyait Nikka s'agiter à ses côtés.

- Il devrait déjà être là, marmonna-t-il à plusieurs reprises alors qu'il faisait les cent pas.

Son regard faisait des allers-retours entre la porte de la ville et le cercle de Valkyries qui les empêchait d'entamer leur périple vers l'Académie...

Lorsque le soleil fut haut dans le ciel et que la chaleur devenait étouffante, la rue commerçante s'agita de cris et de joie. Les Valkyries s'écartèrent du côté de la porte de la ville. La silhouette d'un homme d'une quarantaine d'années se dessina à contre-jour. Elle était entourée de nombreuses guerrières dont les lances empêchaient les civils de s'approcher de plus près. Margot dut mettre son bras devant ses yeux pour ne pas être éblouie par la soudaine lumière...

- Nikka ! Petite Margot ! s'écria une voix enjouée. Vous m'avez attendu ! C'est tellement gentil !

Nous n'avons pas vraiment eu le choix...

Elle se retint de justesse de dire le fond de sa pensée à ce dirigeant dont la ponctualité n'était pas le point fort et se contenta de lui lancer un sourire crispé. Ses yeux s'étaient habitués aux rayons du soleil qui s'étaient faits plus perçants lors de l'arrivée du chef d'Atykiaw.

- Bon ! ajouta-t-il en venant dans leur direction d'un pas conquérant. L'heure du départ est venue. Je suis tellement triste que tu repartes déjà Nikka... et toi Petite Margot, j'aurai bien aimé faire plus amplement ta connaissance et que tu me parles un peu des technologies de l'Ancien Monde. Mais je sais que vous reviendrez ! Les études à l'Académie ne durent pas toute une vie. Nous avons donc le temps. Faites un bon voyage, ne vous perdez pas en route et prenez soin de vous !

Sans un mot de plus, il tourna les talons et s'enfonça dans les profondeurs de Dist'Chyz. Toutes les Valkyries et leurs montures le suivirent de près, s'assurant que personne n'attenterait à sa vie. La rue commerçante était encore plus en ébullition que d'habitude alors que Messire Ordy retournait à son palais, adressant des sourires à certains et des poignées de main à d'autres. Au bout d'une dizaine de minutes, l'agitation retomba et les marchands retournèrent à leur stand ou leur boutique.

- Allons-y, claqua la voix de Nikka. Nous sommes en retard de cinq heures.

Il se retourna et marcha d'un pas quasi militaire sur la grand-route. Margot le suivit difficilement, haletant à cause de la vitesse à laquelle il allait.

- Nikka... Nikka ! Att-attends-moi...

L'Elfe se tourna dans sa direction en s'arrêtant. Il lui tendit la main, un sourire aux lèvres. Sans hésitation, elle s'en saisit et ils se remirent en route. Ensemble.

- Désolé, marmonna-t-il à son attention. Ordy m'a mis en rogne... Je n'ai pas fait attention à l'allure à laquelle j'allais tellement j'étais dans mes pensées. On va aller à ton rythme désormais !

Margot hocha la tête et se contenta de lui sourire. Elle n'arrivait pas à lui dire le moindre mot tant son souffle était court. Quelques secondes de plus à marcher aussi vite et elle se serait retrouvée avec un affreux point de côté... et aurait eu du mal à respirer correctement même si elle n'était pas asthmatique. La jeune femme se contenta donc de faire une pression sur la main de l'Elfe pour le remercier.

La nuit était tombée depuis déjà quatre heures, mais Nikka voulait absolument qu'ils continuent à avancer.

- Nous finissons de dépasser la première montagne, puis nous plantons notre campement, disait-il lorsqu'elle lui demandait quand est-ce qu'ils pourraient s'arrêter.

Margot gardait la main de son ami fermement dans la sienne. Elle ne voulait pas le perdre dans l'obscurité grandissante. La dernière fois qu'elle avait été dans le noir le plus total, elle avait eu la peur de sa vie... Qu'est-ce qu'il s'était passé exactement ?

Elle n'arrivait plus à faire remonter les souvenirs, mais chacune de ses tentatives se soldait par un long frisson qui dégringolait le long de sa colonne vertébrale et d'une terreur qu'elle n'arrivait pas à s'expliquer... Pourquoi ?

- Là, finit par dire Nikka après ce qui semblait être une éternité à la jeune femme.

Margot releva la tête pour essayer de le fixer dans les yeux. En vain. Les rayons de l'astre lunaire n'éclairaient pas suffisamment les environs pour lui permettre de parfaitement distinguer son environnement.

- Nous allons dormir ici. Nous avons dépassé la première montagne. Demain, nous passerons les deux dernières et nous entamerons la traversée de la plaine qui sépare Atykiaw de Laïmargiow.

Épuisée, la jeune femme se contenta de hocher la tête. Elle ne demandait que ça : dormir. Nikka lui lâcha la main et sortit de sa petite sacoche une couverture immense. Margot ne s'étonna même pas de ce tour de passe-passe. Elle avait pu en voir un nombre incalculable au cours des derniers jours. L'Elfe lui avait expliqué que tout pouvait être stocké dans le plus petit des rangements à partir du moment où la bonne formule était correctement utilisée.

- Allonge-toi Margot, lui murmura-t-il en la tenant par les épaules quand il eut installé la couverture sur le sol. Je vais sortir la deuxième et je te rejoins, d'accord ?

Elle hocha la tête. Depuis son cauchemar, elle était incapable de dormir seule. Ou du moins, de dormir seule si elle était dans le noir le plus complet. Nikka lui avait dit qu'il dormirait à ses côtés pendant leur voyage vers l'Académie. Ils n'avaient pas le droit d'allumer de feu qui durait toute la nuit lorsqu'ils étaient loin des villes. Ils devaient l'éteindre dès qu'ils avaient fini de s'en servir pour éviter les incendies.

- Tiens. C'est de la viande sèche, des fruits secs et de l'eau.

- Merci Nikka.

Une fois leur repas terminé, Nikka raconta des histoires à Margot. Il les avait sélectionnées parmi celles que les mères racontaient à leurs enfants avant qu'ils aillent au lit. Il savait qu'elle était trop âgée pour ce genre d'histoires, mais comme elle ne disait rien et buvait ses paroles, il ne pouvait s'empêcher de la materner comme il l'aurait fait s'il avait eu une petite sœur...

- Je suis fatiguée, déclara-t-elle alors qu'il finissait son histoire.

- Alors dormons. Bonne nuit Margot.

- Bonne nuit...

Il l'entendit s'allonger et fit de même. Les grillons chantaient autour d'eux. Les lucioles dansaient. Et les oiseaux nocturnes hululaient. Nikka n'arrivait pas à s'endormir : c'était la première fois de sa vie qu'il dormait avec quelqu'un... du sexe opposé en plus ! Ça le stressait plus que ce qu'il voulait bien laisser paraître.

Un bruit attira son attention. Il tendit l'oreille dans l'espoir d'en localiser son origine. Quelle ne fut pas sa surprise quand il comprit que c'était Margot qui sanglotait discrètement.

Son cœur se déchira. Comment pouvait-il l'aider ? Est-ce que son informateur avait raison ? Devait-il lui proposer d'utiliser la potion d'oubli pour qu'elle se remette de la perte de ses proches, de son monde et de sa vie d'antan ?

L'Elfe n'arrivait pas à se décider. À la place, il se retourna et prit Margot dans ses bras dans l'espoir de la consoler. Son geste eut l'effet contraire et les sanglots de la jeune femme se transformèrent en pleurs...

- Yuaan Margot. Vodahmin hin faazh fah faal vulaam...

Les pleurs de la brune cessèrent immédiatement. À la place, un ronflement disgracieux parvint aux oreilles de l'Elfe.

- C'est tout ce que je peux faire pour toi sans t'imposer un choix qui n'est pas le tien...

Il lui baisa le front de manière protectrice, remonta la couverture jusqu'à son nez et se coucha à son tour.

HorswentiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant