Son pouce s'enfonce dans ma bouche et dessine les contours de ma langue. Mon cœur rate un battement, et je gémis. D'une poussée sur la mâchoire, il m'oblige à l'ouvrir pour se retirer. Je la referme et déglutit en voyant son pouce étaler ma salive sur son masque, là où devrait se trouver sa bouche.
C'est à la fois bizarre et érotique ; je tressaille.
Je ne presse plus mes cuisses l'une contre l'autre pour contenir le feu qui me brûle. Je le laisse me submerger. Je n'arrive plus à réfléchir. Ses gestes me guident et je me laisse faire, aveuglée par le désir.
Quand il s'approche encore d'un pas, sa botte lourde raisonne dangereusement. Je tente de reculer dans l'unique but de pouvoir encore respirer et me presse davantage contre le plan de travail. Le bord se coince sous mes fesses ; je suis à moitié assise sur le meuble.
Il s'avance encore et ses hanches se collent aux miennes. Je peux sentir la bosse qui déforme son pantalon appuyé contre mon estomac, et mon souffle s'accélère. J'appréhende la suite, et la craint tout autant.
Il lève la main et, lorsque son doigt tire sur la serviette pour me la retirer, je la retiens. Je suis assez lucide pour l'en empêcher.
Pas ça. Pas avec un masque, entre nous. Pas quand je ne connais ni son nom, ni son visage.
Pourtant, lorsqu'il m'attrape par les hanches et me porte sur le plan de travail, je le laisse faire. La serviette est remontée en haut de mes cuisses et ne cacherait pratiquement plus rien si nous étions dans la lumière du jour. Il m'écarte les jambes, et je le laisse prendre possession de l'espace.
Qu'est-ce qui me prend...
Ses grandes mains saisissent mes cuisses. Elles les pressent, et les caressent, ses pouces dessinant des petits cercles à l'intérieur. Et je les fixe, hypnotisée par leur ascension en direction de mon entrejambe. Chacune de mes inspirations devient ridiculement courte en sentant les vagues de plaisir me submerger. Lorsqu'un de ses pouces se retrouve sur mon aine, à quelques centimètres seulement de mon sexe, je suis en apnée... Oh. Les muscles de mes cuisses se mettent à trembler, me montrent que ce n'est pas moi qui commande.
J'entre dans un état second. Toute raison a disparu et je ne vis qu'à travers les sensations que sa présence et son touché me procurent.
Mes pieds remontent instinctivement sur le plan de travail, m'écartant davantage pour lui faciliter l'accès.
Ma petite voix intérieure s'agite à l'arrière de ma tête, m'alarme de la situation, désespérée, impuissante.
Éloigne-toi !
Mon désir s'empresse de la mettre sous silence.
Laisse-toi faire.
Son pousse désormais sur mon pubis, accélère ma respiration. Il fait monter mon excitation d'un cran, fait taire ma raison, obscurcie mon champ de vision et recouvre ma peau d'une fine pellicule de sueur. Mes paumes moites imprègne le plan de travail, et lorsque je remonte davantage mon talon, il glisse et bute contre la poignée d'un tiroir. Mon souffle se bloque dans ma poitrine. Une vive douleur m'assaille.
Mes points de suture.
La réalité me percute, et l'excitation s'amenuise jusqu'à disparaître. C'est comme si le voile du désir venait de se retirer ; je prends conscience de ce qui se passe. La cyprine qui s'écoule de moi me dégoûte, à cet instant.
Je laisse mon agresseur me toucher.
Je serre les dents pour m'empêcher de hurler. De rage ou de douleur ? Peut-être les deux à la fois : elles vont de pair. J'exprime ce qui s'apparente plus à un grognement qu'à une plainte.
Je suis en colère.
En colère contre moi d'avoir laissé passer ça.
Je retire ses mains de moi et je le repousse d'un coup sur le torse avec mon pied valide. Il est solide, ma « ruade » l'a à peine fait reculer d'un pas.
Je n'entends plus le bourdonnement de l'excitation. Le désir m'avait rendue aveugle et sourde à ce qui était en train de se passer.
Sa respiration raisonne dans son stupide masque, tremblante et saccadée. Lui aussi semble en colère.
La douleur m'assomme. Je recroqueville mes orteils dans le but de calmer la brûlure aiguë de mon talon et je dissimule mon visage, rouge de honte, en posant mon front sur mon genoux. Mais mes gestes engendrent des saignements. Des gouttes éclatent sur le sol. Je sens ses doigts gantés se refermer sur ma cheville. Je me dégage vivement et relève la tête vers lui.
— Ne me touche pas !
Pourtant, cette fois, c'est de ma faute si j'ai mal et si je suis blessée. Pas la sienne. Mais pour garder bonne conscience, cette nuit, il est responsable de tout.
Je le repousse encore, et mes yeux s'imbibent de larmes de peine, de douleur, de rage et de désespoir.
— Juste... laisse-moi.
J'ai parlé en français, trop désespérée pour faire un effort. Mais je suis sûre qu'il a compris. Je voudrais pleurer et avoir assez d'intimité pour le faire. Mais lorsque ses bras m'attrapent pour me faire descendre du plan de travail, je m'agite. Maintenant, il me tient tout contre lui. Mes cris sont étouffés par le cuire qui recouvre sa main et je pleure. J'ai peur de ce qu'il a l'intention de faire, maintenant.
D'une certaine manière, en le laissant me toucher toute à l'heure, j'avais de quoi le manipuler pour qu'il me foute la paix. Mais je m'étais amadouée moi-même.
Quand il me couche sur le plan de travail et m'écrase contre le meuble pour me garder immobile, je suis effrayée.
Non, non, non, non, pas ça.
Je le vois fouiller dans ses poches. Il en sort un crayon et un petit carnet.
Qu'est-ce que...
Il allume la petite LED qui se trouve sur la hotte, puis écrit – le tout d'une seule main. La mine est rapide et tape violemment contre le papier :
« Laisse-moi t'aider »
Je pleure plus fort. Je baragouine contre sa main :
— Non, ce n'est pas ce que tu veux.
Il retire sa main et me fixe. Je dois avoir une tête affreuse, le visage mouillé de larmes, les joues et les yeux rougis... malgré ça je continue de le supplier.
— Laisse-moi tranquille, s'il te plaît. Je te promets que je ne dirai rien, d'accord ?
Je me déteste en m'entendant dire ça. C'est comme s'il avait gagné. Mais il reste immobile, les doigts toujours pressés autour de mes bras.
Lasse, mon front tombe sur son torse et je m'effondre en larmes contre lui.
En le laissant me réconforter et être témoin de ma peine, je réalise que je ne pleure pas pour ce qu'il me fait subir. Je pleure parce que je suis seule dans cette épreuve et que je trouve malgré tout du réconfort dans sa compagnie. Je pleure parce qu'il est à la fois bourreau et bienfaiteur, sans ma solitude.
Il semble combler, en moi, un besoin important dont je n'ai pas conscience.
Ses bras finissent par m'envelopper toute entière, et je m'accroche à son sweat comme un nouveau-né à sa mère. Je n'ai ni son visage, ni son nom, ni sa voix, mais j'ai son odeur.
Une odeur chaude et musquée.
L'odeur de la menthe, du bois et celle de sa peau.
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UNKNOWN : LE STALKER [SOUS CONTRAT CHEZ BLACK INK]
Mistério / SuspenseDARK ROMANCE - STALKER - MASKED MAN - SPICY UNKNOWN : LE STALKER (Terminé) Skylar, une jeune étudiante française d'origine latino-américaine, débarque dans la ville de Chicago, aux États-Unis, dans l'optique de poursuivre sa dernière année d'étude e...