UNKNOWN : LE STALKER [SOUS CONTRAT CHEZ BLACK INK]

CHAPITRE 89 - DELKO

Je me maudis de ne pas l'avoir portée jusqu'à l'étage lorsque j'en avais l'occasion.

Ça fait presque un quart d'heure qu'elle a accompagné sa mère à l'extérieur. Je n'ai absolument aucune idée de ce qu'elles peuvent bien foutre sur le perron dans ce froid hivernal, mais je n'ai aucune putain d'envie qu'elle tombe bêtement malade.

Jusqu'ici, je me suis abstenu de la rejoindre, de peur d'interrompre quelque chose. Mais je commence à perdre patience.

Finalement, je me lève du canapé et laisse Tommy finir sa partie de jeu vidéo en solo. Je l'entends objecter dans mon dos quand j'abandonne la manette, mais l'ignore.

Lorsque j'ouvre la porte d'entrée, deux paires d'yeux chocolat me fixent, comme deux biches prisent dans les phares d'une voiture.

Leur conversation s'évanouit.

Je plonge mon regard noir dans celui de Chaton. Son corps tremble légèrement malgré le manteau épais qui le couvre. Ses joues et le bout de son nez ont viré au rouge et, si sa bouche n'était pas recouverte d'un rouge à lèvre, je jurerais qu'elle virait au violet.

D'un geste de la tête, je lui indique l'intérieur de la maison.

— Monte.

Sans un mot, elle jette un dernier regard à sa mère avant de gravir les marches du perron et de passer sous mon bras. Je maintiens la porte ouverte pour qu'elle puisse entrer à l'intérieur.

Puis, je me tourne vers Isabelle, ne voulant pas la laisser seule à l'extérieur mais, lorsqu'elle porte une cigarette à ses lèvres, je comprends ce qui leur a pris tant de temps.

Quand la fumée grise s'échappe de sa bouche et de ses narines, elle me tend la fin de sa clope.

Je ne fume pas, habituellement. Mais, plus jeune, il m'arrivait de fumer quelques cigarettes, de temps en temps, lors de soirées ou de sorties entre potes. La dernière fois que j'en ai fumé une, ça devait être à l'armée.

Je m'en saisis, entre le pouce et l'index, et l'apporte à mes lèvres. J'inhale une franche bouffée. Elle me brûle la gorge et réchauffe mes poumons. Un goût âcre et légèrement mentholé envahit mon palais.
Je garde mon inspiration quelques secondes avant de tout expulser et de la rendre à Isabelle.

Elle la récupère mais ne la consomme pas et reste immobile en balayant l'obscurité du quartier d'un regard, pas prête à rentrer à l'intérieur, malgré le froid qui la saisit.

— Elle ne m'a jamais obéi comme ça, à moi. Elle me lance d'un ton moqueur.

Son accent français est plus fort que celui de Chaton.

Je souris en coin, mais garde le silence. Je lui dirais bien mon secret, mais je crains qu'elle n'apprécie pas la manière dont je m'occupe de sa fille...

— Ça fait combien de temps, vous deux ? Elle demande subitement.

Je ne réponds pas tout de suite. Je prends le temps d'y réfléchir en croisant les bras sur ma poitrine. Ma chemise noire tire dans mon dos et autour de mes bras dans mon mouvement.

— Quatre mois.

Elle hoche la tête.

— Vous vous êtes rencontrés comment ?

Sa question me surprend, et je me tends légèrement d'appréhension, sur la défensive.

Je suis étonné que Chaton ne lui ait rien dit. Ou peut-être bien qu'elle l'a fait et qu'Isabelle tente de me piéger, d'une manière ou d'une autre. Me faire avouer quelque chose.