J'hésite à appeler ma mère.
Elle ne serait pas contente d'apprendre que j'ai rencontré mon géniteur pour converser, et ce, pendant des heures.
Je prends le temps de m'installer quelques minutes sur mon canapé, le téléphone entre les mains. Je ne sais pas vraiment quoi penser de cette rencontre avec mon père... Alec.
J'ai reconnu ce visage qui m'a amené tant de fois à ma toute première année en maternelle, quand il le pouvait. J'ai reconnu ce visage que je voyais sur les photos de famille, dans les albums souvenirs de ma mère. Mais, c'est étrange, je n'avais pas l'impression de voir mon père, en lui.
C'était comme si je m'étais rendue à la rencontre d'une vieille connaissance. Mais pas de mon père.
Juste, Alec.
Ma gorge se serre lorsque je réalise que je n'ai jamais véritablement eu de père, et que je n'en aurai jamais. C'est trop tard ; j'ai grandi, évoluant au contact de ma mère. Ça me fait chaud au cœur de me dire qu'elle m'a amplement suffit, en vérité, et qu'elle a su jouer les deux rôles. Mais ça me brise de l'intérieur de réaliser que je ne ressens pas – plus – ce besoin d'un père dans ma vie. J'ai appris à vivre sans ; à ne pas avoir besoin d'un homme.
Jusqu'à lui.
Delko.
Jusqu'à ce qu'il s'en aille...
Je n'ai pas cessé d'épier les alentours lorsque j'étais avec... Alec. Des motos, il y en avait partout, mais pas la sienne.
Je soupire en passant une main sur ma nuque pour tenter de détendre mes muscles crispés.
Décision prise, j'appelle ma mère ; j'ai horreur de lui cacher des choses, pire lorsqu'il s'agit de mon géniteur. Je compose son numéro sans penser à vérifier l'heure. J'espère ne pas la déranger. Elle met du temps à répondre, et je me ronge les ongles à l'idée de l'inquiéter... Trop tard.
Elle décroche.
— Skylar ? Tout va bien ?
Elle a une voix fatiguée. Je ferme les yeux en entendant sa voix.
— Je te réveille ?
— Ça va. Qu'est-ce qui se passe ?
Je l'ai réveillée, et ça m'agace. D'autant plus que la raison pour laquelle je l'appelle, va la contrarier.
J'essaie de trouver les bons mots, mais aller droit au but serait peut-être l'idéal :
— J'ai revu mon père, aujourd'hui.
Ce mot sonne étrangement à mes oreilles, au point de me faire grimacer. Je grimace d'autant plus lorsque plusieurs secondes s'écoulent sans réponse. J'entends à peine son souffle dans le combiné.
— Quoi ?
Elle n'a pas l'air de comprendre tout de suite. Je répète un peu plus fermement :
— Alec. Je l'ai revu.
Puis je l'entends souffler. Parfaitement réveillée cette fois.
— C'est quoi ces conneries ?
Sa voix est dure à mon oreille. J'avale difficilement ma salive et mords l'intérieur de ma joue en sentant ma gorge se serrer, comme prise dans un étau. Mes yeux me piquent, et des larmes s'accumulent à leurs extrémités. Je déteste la contrarier.
— Comment ?
Elle a l'air désemparée, perdue.
— Il m'a envoyé un message. Je lui explique. Il a voulu qu'on se rencontre et j'ai accepté.
Son souffle s'accélère dans mon oreille. Je voudrais la calmer. Ce n'est pas si dramatique que ça...
— Maman-
Elle me coupe :
— Tu as accepté ? Pourquoi ? Elle s'insurge. Comment il savait ?
Alec m'a avoué avoir toujours veillé sur nous, malgré qu'ils étaient divorcés depuis une vingtaine d'années, déjà. Ma mère restait celle avec qui il a partagé les premières années de sa vie d'adulte, et je restais sa fille.
Je ferais toujours partie de lui. Pour reprendre ses mots.
Alors, à défaut d'être présent, il prenait de nos nouvelles via les réseaux sociaux.
Comme un vulgaire stalker, incapable de tourner la page sur son ancienne vie.
Apparemment, c'est comme ça qu'il a su que j'étais aux États-Unis, à Chicago, pour mes études. Comme nous sommes en période de Thanksgiving, et que Noël approche, il a pensé que c'était une bonne idée de reprendre contact avec moi ; renouer les liens.
J'avais un peu de mal à y croire, mais, il semblait sincère. Je crois. Moi qui pensais me contenter d'une simple discussion et retourner à ma vie sans père, je me retrouve à être invitée pour les fêtes, chez la nouvelle famille de mon père.
C'est ce que je dis à ma mère.
— C'est absolument hors de question, Skylar ! Je viendrai te voir pendant les vacances de Noël, comme c'était prévu !
Elle est en pleine crise de nerf. Ça m'agace et m'attriste à la fois. Elle ne me laisse pas parler.
— Bon sang, mais tu as perdu la tête ?! As-tu oublié l'enfer que c'était de vivre avec cet homme ?
Je fronce des sourcils.
A ce point ?
Je n'en ai pas vraiment le souvenir... Je pensais que, comme la majorité des parents divorcés, ils s'étaient séparés parce que l'amour s'était volatilisé. Je savais que mon père était encore à l'armée lorsque j'étais toute petite, et qu'il revenait de temps en temps. J'avais mis ça sur le compte de la distance qui avait fini par les séparer. Ma mère ne m'en parlait pas vraiment, alors c'était ce que j'en avais déduis.
Je grimace, dans l'incompréhension.
— Mais de quoi tu parles ?
Ma mère se tait. Je l'entends renifler de l'autre côté du combiné.
— Laisse tomber. Tu étais petite. Elle m'explique. Tu ne t'en souviens pas. Il n'était juste pas facile à vivre...
Je pince les lèvres, les larmes aux yeux, me créant tout un tas de scénarios angoissants.
Et s'il l'avait trompée ? Ou que sais-je... ?
— Tu es adulte, maintenant. Tu fais bien ce que tu veux, je ne peux pas t'empêcher de le voir. Elle soupire dans le combiné. Mais, s'il te plaît, Skylar, pense à toi avant tout, d'accord ? Tu n'as jamais eu besoin de lui.
Ma gorge serrée m'empêche de parler. Je hoche la tête, sachant qu'elle ne peut pas me voir.
Ma mère connaît cet homme mieux que moi, certes. Mais elle n'a pas à s'inquiéter. Je la rassure :
— D'accord...
— Tu m'appelle demain ?
J'acquiesce une nouvelle fois.
— Oui.
— On se revoit à Noël. Elle m'assure. Je t'embrasse, chérie.
Elle ne me laisse pas le temps de répondre, et raccroche dans la seconde. Elle doit être épuisée. Mon appel à dû grandement la stresser, en plus de l'inquiéter. Je soupire en m'affalant sur le canapé.
Les larmes qui s'étaient accumulées sur mes yeux finissent par tomber lorsque je cligne des paupières. Elles me brûlent la peau lorsqu'elles dévalent mes joues encore froides.
Finalement, je me lève et file prendre une douche brûlante pour réchauffer mes os gelés.
Cette journée a été riche en émotions.
Et Delko...
Delko n'est pas réapparu. Je n'ai pas la force de me lamenter, d'être triste, en colère, ou agacé. Je suis juste épuisée, vidée de toutes énergies.
Et, j'ai fait du mal à ma mère...
Là, j'éclate carrément en sanglots.
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UNKNOWN : LE STALKER [SOUS CONTRAT CHEZ BLACK INK]
Mystery / ThrillerDARK ROMANCE - STALKER - MASKED MAN - SPICY UNKNOWN : LE STALKER (Terminé) Skylar, une jeune étudiante française d'origine latino-américaine, débarque dans la ville de Chicago, aux États-Unis, dans l'optique de poursuivre sa dernière année d'étude e...