UNKNOWN : LE STALKER [SOUS CONTRAT CHEZ BLACK INK]

CHAPITRE 50 - DELKO

Ça fait plusieurs jours que je squatte devant chez lui.

Son vrai chez lui.

Après l'avoir laissé pour mort sur le sol gelé du Chicago Park, j'ai tenté de rejoindre Skylar sur le chemin du retour, en direction de sa voiture stationnée près de la Ligne Rouge de métro. Je l'ai trouvé perdue dans ses pensées, marchand dans le froid, imperturbable au boucan des klaxons qui se jouait derrière elle. Elle ne faisait attention à rien ni personne.

J'aurais très bien pu marcher auprès d'elle, effleurer son corps, qu'elle ne m'aurait pas remarqué une seule seconde.

Est-ce le fait d'avoir vu son père qui l'a mise dans cet état ?

Pourquoi ?

N'est-elle pas venue aux États-Unis pour lui rendre visite ? Se rapprocher de lui ?

Que lui a-t-il dit ?

Qu'est-ce qui m'a échappé ? Ou que j'ignore ?

Je l'ai observé rejoindre son étage, et lorsque j'ai aperçu la lumière à sa fenêtre, je suis parti. Je suis rentré chez moi et j'ai noté la véritable adresse de ce fumier dans « son » dossier.

Je n'arrive pas à croire que la personne que je cherchais pendant sept longues années était tout près. Mais je ne m'en blâme pas ; quand on n'a pas les bonnes informations, alors c'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin.

Depuis lors, je le traque ; il habite un petit quartier un peu paumé, constitué de petites maisons presque identiques, alignées les unes à côté des autres, seulement séparées par des petits grillages en guise de clôture. Certaines sont joliment décorées pour Thanksgiving, dans des couleurs automnales. D'autres se contentent d'avoir un jardin entretenu, remplaçant les grillages par des haies taillées.

La sienne est laide.

Son jardin grouille de mauvaises herbes ; elles sont hautes et rampent sur de vieux jouets laissés à l'abandon.

Le temps gris rend sa propriété fade et inquiétante. Je ne suis peut-être pas objectif ; tout ce que j'arrive à voir et percevoir de lui est la laideur de son âme qui se reflète sur son environnement.

J'analyse ses habitudes. J'enregistre ses heures de départ et d'arrivée. Il laisse toujours sa femme à la maison.

Mère au foyer, elle ne s'occupe que de ses fils et de l'entretien de sa maison. L'aîné doit avoir une quinzaine d'années. Le plus jeune doit être encore à l'école élémentaire.

Rien ne me laisse vraiment le temps d'entrer chez lui et d'inspecter plus en détail sa vie minable, en attendant de le buter.

Il y a trop de monde dans cette baraque pour que je puisse me permettre les infractions que je me suis autorisées chez Skylar. Elle n'avait aucune chance contre moi... J'aurais pu faire absolument tout ce que je voulais d'elle. Mais j'étais trop focalisé sur lui, pour lui faire du mal à elle. Et, elle m'obsède toujours autant, en vérité.

Je ne l'ai plus revue depuis que je l'ai suivie sur le chemin du retour, l'autre soir. Je l'ai délaissée pour me concentrer sur son père.

Et elle me manque toujours autant, putain.

La regarder travailler me manque. L'observer déambuler dans les rues me manque. La voir s'amuser avec ses amies me manque. M'allonger près d'elle, sentir son odeur et sa chaleur, la douceur de ses cheveux, son sourire, son rire, sa voix... Et je ne me lasserai jamais d'énumérer tout ce qui me manque chez elle.

Je suis stupide de maintenir la distance ; je la reverrai bien tôt ou tard pour la prendre à son père.

Mais je ne suis pas prêt à lui faire face ; continuer de me soustraire à son regard en sachant qu'elle sait ce que je cache.