CHAPITRE 38 - SKYLAR

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Ses foulées sont trop grandes pour que je puisse me déplacer au même rythme. Il m'entraîne à travers la cour du campus, uniquement éclairé par les lampadaires citadelle, et je suis obligée de courir pour rester à sa hauteur.

Je suis presque essoufflée lorsque nous passons sous le Gobb Gate pour rejoindre sa moto, stationnée à quelques mètres de l'arche. Je ne peux m'empêcher de relever la tête à m'en tordre le cou, pour en admirer ses pierres et ses gargouilles.

— Attends.

Je ralentis, l'obligeant à s'arrêter net. Je libère ma main de sa poigne pour fouiller dans mon sac à la recherche de mon téléphone. Je le lui tends.

— Tu veux bien me prendre en photo ?

Je me mords la lèvre, légèrement embarrassée à la simple idée d'avoir ses yeux posés sur moi de longues secondes, à scruter mes faits et gestes, avant d'appuyer sur le déclencheur.

— C'est pour ma mère. J'explique.

Delko fixe mon téléphone un court instant, avant de s'en saisir.

Je recule de quelques pas, de façon à me placer dans l'axe du Gobb Gate, et observe Delko manipuler mon téléphone quelques secondes, à la recherche de l'application de l'appareil photo. Lorsqu'il braque l'objectif dans ma direction, je me redresse.

Je me prépare à prendre la pose, quand les lumières des lampadaires et les éclairages architecturaux du campus s'éteignent brusquement derrière moi.

Un cri m'échappe lorsque nous sommes subitement plongés dans le noir et je bondis de surprise en me tournant vers le campus dont il est désormais impossible de distinguer quoi que ce soit.

Fais chier...

La déception et l'irritation m'assaillent comme un coup de massue au-dessus de la tête. Il faut croire que les planètes ne se sont pas alignées en ma faveur, cette année.

Résignée, je m'apprête déjà à laisser tomber et à reporter la séance photo à une autre fois, quand d'autres éclairages sont soudainement braqués sur moi. Je plisse les yeux, aveuglée, et porte une main devant mon visage pour limiter l'exposition à la lumière. Il me faut quelques secondes pour m'y habituer et réussir à distinguer des phares de moto.

Un sourire étire le coin de mes lèvres.

Je n'en demandais pas tant.

Lorsque les phares n'ont plus aucun effet sur ma rétine, je me replace, prends la pause, et...

— Je suis prête !

... Souris.

Le bruit du déclencheur de l'appareil photo s'élève, la seconde qui suit, et je me précipite vers la moto où siège Delko, pour voir le résultat. Il a troqué son masque en plastique blanc contre son casque, et je me demande s'il réussi à voir quoi que ce soit, là-dedans, dans cette obscurité.

Lorsque je suis à sa hauteur, il tourne l'écran de mon téléphone et me présente le cliché.

Je prends quelques secondes pour analyser la photo. Je m'attendais à exiger un second essai, et peut-être bien un quinzième, mais... elle me plait. Prises dans ces circonstances, elles lui confèrent un certain charme. Mon sourire est vrai, et non simulé comme à l'accoutumé. Et le regard que je lance à l'objectif est plein d'amusement et d'un éclat que je ne réussi pas à identifier au premier abord.

Cette photo, c'est comme ces clichés pris sur le vif, qui capture l'instant présent. Elles sont loin d'être parfaites, pourtant, ce sont celles qu'on préfère, parce qu'elles enferment tout un souvenir en une petite seconde figée. Ainsi, l'apparence n'a plus d'importance. Ce qui compte, c'est de se souvenir de ce qui a servi d'éclairage de fortune et, surtout, de celui qui se trouvait derrière l'objectif.

UNKNOWN : LE STALKER [SOUS CONTRAT CHEZ BLACK INK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant