Le matin de trop

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La dernière fois qu'Alice avait eu mal à la tête comme ça, c'était après avoir fêté son admission au concours du ministère de la justice. Non, en fait, ce matin, c'était pire... Entre les larmes qu'elle avait versé dans la nuit et les cauchemars de Paul, qui avait fini dans son lit, c'était définitivement pire. Alors qu'elle quittait silencieusement sa chambre, la colère de Marquand lui revint en pleine figure. Serait-il encore énervé ce matin ? Comment devrait elle se comporter avec lui ? Comment allait-elle lui annoncer leur rendez-vous de vendredi avec l'assistante sociale ? Et surtout où était cette fichue aspirine qu'elle cherchait depuis 10 minutes ?!! Elle sursauta lorsque Paul, qui venait d'arriver derrière elle, lui dit qu'il avait faim. Abandonnant ses recherches elle prépara le petit déjeuner et laissa Paul devant un dessin animé le temps de prendre une douche... Elle avait vraiment besoin d'une bonne douche froide avant de partir au boulot.

- NON NON NOOOOOONN !!!

Marquand se réveilla en sursaut et trempe de sueur. Il venait de voir Alice s'avancer vers lui en robe de mariée. Jamais il n'aurait pensé qualifier ce moment de cauchemar et pourtant, vu son état s'en était un. Mais qu'est-ce qui lui était passé par la tête ? Pourquoi fallait-il toujours qu'elle le mêle à des histoires pareilles ? Pourquoi fallait-il toujours qu'il lui cède tout ? Et surtout où était cette fichue aspirine qu'il cherchait depuis son réveil ?!! Il sursauta lorsque son téléphone sonna. Le lieutenant Kadiri allait devoir attendre car là il avait vraiment besoin d'une douche... une bonne douche froide avant de partir au boulot.

- Ah commandant !! Vous n'avez pas vu mes appels ? Pourquoi vous n'avez pas décroché ? Tout va bien ?

Respire Fred, respire... Zeeeennnn pensa Marquand tout en regardant Kadiri méchamment.

- Tout va bien, je suis juste un peu à cran ce matin... j'ai mal dormi... ALORS SI TU POUVAIS EVITER DE SAUTER DANS TOUS LES SENS ET ME DIRE CE QUI TE METS DANS CET ETAT !!!

Houlà le commandant n'avait vraiment pas l'air de bonne humeur... Djibril espérait maintenant qu'il ne s'était pas enflammé avec cette histoire de disparition qui lui semblait inquiétante.

- Margot Pichon, 19 ans, étudiante en psychologie. Ses parents nous ont signalé sa disparition ce matin. Cela fait 6 jours qu'elle n'a pas mis les pieds chez elle.

- Kadiri, tu m'as harcelé comme ça pour une fugue ?

- Attendez commandant, ce n'est pas fini. Mathis Poulain, 21 ans, son petit ami, a disparu lui aussi depuis 6 jours. Leurs parents respectifs ne se sont pas inquiétés pensant que leurs enfants étaient ensemble. Mais ils ont reçu ce matin chacun dans leur boîte aux lettres, un ongle, qu'ils supposent être de leurs enfants. On les a envoyé au labo, on attend les résultats...

- Un ongle ? Comme ça tout seul ? Même pas de mot avec ?

- Rien de plus pour le moment mais les parents ont l'air sacrément secoués. J'ai pris leur déposition. Madame le juge les a renvoyé chez eux puisque pour l'instant on a pas grand chose qui puisse nous aider à comprendre ce qu'il se passe.

- Madame le juge est déjà là ?!

- Oui et elle est probablement encore là. Elle a dû aller se chercher un café, mais faites attention elle n'avait pas l'air de très bonne humeur. Je crois qu'elle avait mal dormi elle aussi... dit Djibril les yeux plein de malice.

- Kadiri... Evite les plaisanteries ce matin !

- Désolé commandant répondit Kadiri timidement.

- Je vais me chercher un chocolat et pendant ce temps tu me recherches le plus d'informations possibles sur les 2 disparus. Ok ?

- Je m'y mets de suite commandant ! répondit Djibril enthousiaste, en recommençant à s'agiter dans tous les sens, sous le regard exaspéré de Marquand.

Arrivé au bout du couloir, Marquand aperçu la juge face au distributeur de boissons. Il se détendit en la voyant abattre son petit poing rageur sur la machine. Comme si avec sa force de moineau elle allait débloquer la situation.

- Je vous offre un café, Madame le juge ? demanda sèchement le commandant tout en se plaçant derrière elle et en insérant une pièce dans le distributeur.

Alice se crispa. Marquand était déjà là ? Oh non non non, mais qu'est qu'elle allait lui dire ? Et pourquoi se tenait-il si près d'elle ? Merci pour le café, oui merci c'était un bon début. Peut être qu'après la conversation deviendrait fluide.

- Je veux bien, merci commandant.

Gros silence... Elle s'était trompée et en plus le commandant la bloquait contre le distributeur. Elle récupéra son gobelet tout en voyant l'index de Marquand appuyer sur la touche " Cacao ". Il la frôla lorsqu'il attrapa à son tour son gobelet et se recula, au plus grand plaisir d'Alice qui se tendait de plus en plus, sous l'effet de cette proximité. Habituellement, sa présence l'apaisait mais visiblement, après leur dispute d'hier soir, leurs prochains échanges seraient plus tendus. Lorsqu'elle croisa son regard, elle su que cette fois-ci, il ne la suivrait pas. Pourtant elle s'entendit lui dire qu'il fallait qu'elle lui parle.

Marquand lui demanda de la suivre et ils s'isolèrent dans une salle d'interrogatoire. Il pensait qu'elle allait s'excuser, qu'elle lui dirait que c'était une blague et qu'ils pourraient se consacrer à cette nouvelle enquête.

- Paul était très triste hier soir. Tellement, qu'il en a fait des cauchemars. Il vous a réclamé plusieurs fois...

Alice s'arrêta un instant et analysa Marquand. Vue les cernes qu'il avait sous les yeux, il n'avait pas dû passer une meilleure nuit qu'elle. Cependant, la simple évocation de Paul l'avait détendu et elle reprit confiance en elle. Il fallait qu'elle lui dise, maintenant.

- Je ne vous ai pas tout dit hier soir.

Marquand fronça les sourcils et repris l'air furieux qu'il avait, la veille au soir, en quittant l'appartement d'Alice.

Celle-ci ne se découragea pas et continua :

- L'assistante sociale veut rencontrer mon futur mari, c'est une procédure qui doit se faire à deux. Elle m'a fixé un nouveau rendez-vous. Vendredi... J'ai compris hier soir que vous ne me suivriez pas mais j'avais besoin de vous le dire.

Le poing de Marquand s'abattit sur la table toute proche d'eux, ce qui fit sursauter Alice. Elle ne l'avait jamais vu aussi énervé. Pourtant, après hier soir, elle ne pensait pas qu'il pouvait l'être plus.

- Puisque vous avez l'air de comprendre beaucoup de choses, j'espère que vous comprendrez bien qu'à partir du moment où je vais franchir cette porte, vous ne serez plus qu'une simple juge d'instruction qui va m'aider à résoudre l'enquête en cours. Vous pouvez rentrer au palais, je crois qu'on a plus besoin de vos services aujourd'hui.

Alice tenta de retenir Marquand mais le regard furieux qu'il lui lança la dissuada de l'approcher.

- Bonne journée Madame le juge.

Un jeu dangereuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant