Quand Ada rencontre Marquand (suite)

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- Bien, je crois qu'on va pouvoir commencer, continua Madame Bosc. Il y avait toutes ces photos de vous la dernière fois que je suis venue ?

Alice répondit du tac au tac sentant bien que la moindre hésitation pourrait sembler bizarre aux yeux de l'assistante sociale.

- Oui, mais vous n'y aviez peut être pas fait attention. Si je me souviens bien, votre visite avait été très courte puisque Fred était à l'hôpital.

- Ah c'est vrai, comment allez-vous Monsieur Marquand ?

- Très bien, je ne boite même plus. J'ai eu beaucoup de chance, il n'y a que le muscle qui a été touché. Et comme mon métier m'oblige à garder une certaine condition physique, j'ai récupéré très rapidement.

- Et ça vous arrive souvent ce genre d'incident ?

- Non... Mais ce sont les risques du métier. Je suis commandant de police et ce sont des choses qui arrivent. Alice en a autant conscience que moi...

Marquand regarda Alice, cherchant dans ses yeux s'il devait paniquer ou non aux vues des nombreuses notes que l'assistante sociale était en train de prendre. Alors que celle-ci avait les yeux rivés sur son calepin, elle fit signe au commandant de rester zen.

- Paul est aussi au courant que le métier de son parrain est dangereux mais nous n'en parlons pas vraiment à la maison, expliqua Alice. Nos métiers sont régis par le secret professionnel et les enfants n'ont pas besoin de savoir ce que nous faisons de nos journées dans les détails. Pour Paul, son parrain est un héros et nous arrêtons tous les deux les méchants.

- Bien... commenta Madame Bosc.

- Vos plannings doivent être quand même très chargés. Vous faites des métiers très prenants qui exigent beaucoup de temps. Comment vous organisez-vous pour Paul ? Et avec un deuxième enfant, vous pensez pouvoir gérer ?

- Oh, et bien, c'est sur qu'il faut être organisé. Bien souvent, c'est moi qui amène Paul à l'école. Je peux me permettre de commencer après neuf heures le matin et j'ai donc largement le temps de le déposer. Amener Ada au collège qui est juste à côté ne sera donc pas un problème. On pourrait même avoir un troisième enfant à déposer à la crèche, je suis certain qu'on arriverait à gérer. Et nous avons une étudiante qui récupère Paul depuis des années le soir. Elle le garde jusqu'à ce que nous rentrions. Généralement, Alice ne rentre pas très tard, pour pouvoir profiter de Paul qu'elle ne voit pas trop le matin.

- Et puis, entre deux enquêtes, nous avons souvent des plannings un peu plus flexibles. Il m'arrive de passer des après-midi entières avec mon fils au parc. Je suis sûre qu'il adorera faire découvrir son marchand de glaces à Ada !

- Je débarque souvent au moment de la dégustation des glaces d'ailleurs, sourit Marquand.

A l'évocation du marchand de glaces, l'assistante sociale sembla moins rigide. Cela devait lui rappeler de bons moments de son enfance et elle ne put s'empêcher de sourire. Elle reprit rapidement son sérieux pour poser une nouvelle question.

- Et comment vous organisez-vous pour l'éducation des enfants ? ça ne doit pas être facile, sachant que Paul n'est pas votre fils.

Marquand se crispa. Cette question là était méchante... sournoise... à la limite de l'insolence. Pour qui se prenait cette bonne femme ?!! Il réfléchit un instant, priant pour que sa voix ne laisse pas paraître son énervement.

- Paul et moi avons une histoire un peu particulière. Je l'ai vu naître et j'ai été le premier homme à le prendre dans mes bras. Je le considère comme mon fils et il me considère comme son père. D'ailleurs il lui arrive de m'appeler papa. Mais il sait que je ne suis pas son père et me testait très souvent pour voir si j'allais me fâcher ou non. Je l'avoue, il m'est arrivé d'hésiter mais Alice et moi en avons beaucoup parlé. Aujourd'hui, je sais comment agir avec lui et il a compris que je n'hésiterai plus à le gronder et à lui fixer des limites. En ce qui concerne Ada, Alice et moi sommes dans la même situation vis-à-vis d'elle. Elle n'est pas notre fille biologique et il nous faudra probablement du temps pour apprendre à se dompter et vivre ensemble. Mais si nous avons décidé de l'adopter c'est que nous pensons que les obstacles qui se présenteront ne sont pas insurmontables et que, surtout, nous nous sentons capables de lui apporter tout ce qu'elle a besoin pour grandir et s'épanouir. Nous y avons murement réfléchi et savons que tout ne sera pas toujours facile. La preuve avec la réaction d'Ada il y a quelques minutes.

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