Tout s'arrange

2.2K 45 7
                                    

Marquand avait attendu la fin du premier interrogatoire à l'extérieur de la salle. Cela lui évitait de perturber le travail de ses deux collègues et, derrière la vitre, il pourrait peut être remarquer un détail que Kadiri ou la juge ne verraient pas.

Sa conclusion serait probablement la même que le lieutenant et Alice : le coupable n'était pas Monsieur Grillon. Il semblait beaucoup trop paniqué et fragile pour avoir commis le genre d'actes que l'amoureux de Margot osait faire.

Il fut libéré et Marquand s'avança pour saluer ses collègues.

- Oh commandant ! On ne vous attendait plus ! s'exclama Alice.

- Désolé, Madame le juge, j'ai dû réparer les conneries de votre greffier adoré ! J'ai bien ramé mais finalement ça a été une des Saint-Valentin les plus réussies de ma vie ! répondit-il un grand sourire aux lèvres.

- Ah bon ? s'étonna Alice.

- Oui, Léa vous embrasse d'ailleurs.

Kadiri sentant l'ambiance devenir électrique, partit chercher le second suspect.

- Commandant, Madame le juge ? Voici Monsieur Miglio.

A ces mots, ils arrêtèrent de se chamailler et se concentrèrent sur la personne qui venait d'entrer. Rien à voir avec le personnage stressé auquel ils avaient eu affaire juste avant. Monsieur Miglio était un homme élégant, sûr de lui et ils se rendirent vite compte qu'il avait un sacré caractère.

- Je ne sais pas ce que je fous là, mais je n'ai pas que ça à faire !! Mes élèves m'attendent !

- Monsieur Miglio, bonjour ! l'interrompit Marquand. Ne vous inquiétez pas, ça ne sera pas long. Nous avons quelques questions à vous poser sur une certaine Margot Pichon.

- Margot Pichon ? Je ne vois pas du tout qui c'est. Vous avez une idée du nombre d'élèves qui suivent mes cours commandant.

Marquand déposa une photo devant le professeur. Sur celle-ci, Margot était de face et Mathis lui déposait un baiser sur la joue. Le commandant et Alice eurent l'impression de voir un peu de l'assurance de Monsieur Miglio voler en éclat face à cette photo.

- Non vraiment, je vous assure, je n'ai aucune idée de qui est cette personne.

L'interrogatoire se poursuivit plus calmement. Commandant, lieutenant et juge posèrent des questions sur l'emploi du temps du professeur, ses relations avec ses élèves et avec ses collègues, s'il pensait qu'il était apprécié. Ils furent déçus lorsqu'ils eurent la confirmation que le professeur avait un alibi. Au moment de la disparition des deux jeunes, il était en Italie, pour un voyage scolaire. Ils laissèrent repartir l'enseignant malgré les soupçons qu'ils avaient contre lui puisque rien ne permettait de le placer en garde à vue.

Toute la journée, ils enchaînèrent les interrogatoires mais personne ne semblait correspondre au profil du taré qui s'en était pris aux jeunes gens. Plusieurs collègues de Monsieur Miglio confirmèrent même son alibi, pourtant Marquand continuait de s'en méfier.

Après un long débriefing des entrevues de la journée, les deux enquêteurs et la juge étaient d'accord : ils devaient se concentrer sur Monsieur Grillon, fragile mais au comportement douteux et sur Monsieur Miglio au comportement radicalement opposé mais tout aussi bizarre.

Le portable de Marquand sonna et mis fin à la réunion.

- Oui ma Léa. Chez moi ? Ok, j'arrive dans une vingtaine de minutes.

Voyant la juge jalouse, le commandant décida d'en rajouter une couche.

- Tu veux pas qu'on commande des sushis pour ce soir ? Comment ça tu savais pas que je pouvais avoir de si bonnes idées ? Sympa... rigola t-il. Tu cherches à avoir la même punition qu'hier soir ?

Alice en était sûre, Marquand le faisait exprès pour l'énerver. Elle entendit Léa rire au bout du fil et décida de s'éloigner après avoir salué Djibril.

- Madame le juge, attendez ! Je vous raccompagne à votre voiture.

- Ce n'est pas nécessaire Marquand, j'ai envie de marcher.

- Arrêtez de faire la tête... il faut qu'on parle en plus. On est déjà mercredi et je dois vous avouer que je stresse un peu à l'idée du rendez-vous de vendredi.

- Pourquoi ? Vous comptez venir ? Vous aviez l'air si heureux avec Léa toute à l'heure. Je vous jure ça ne me semble pas être une bonne idée dit-elle dépitée. Je vais me débrouiller toute seule ça vaudra mieux pour tout le monde.

- Ah non, maintenant que je me suis décidé, vous ne pouvez pas me refuser d'assister à ce rendez-vous.

- Léa est au courant ?

- Oui mais uniquement du service que vous m'avez demandé. Elle ne saura jamais que j'ai accepté de vous aider et que je vais aller au rendez-vous vendredi. Par contre, vous pensez qu'il y en aura beaucoup des rendez-vous ? Je ne voudrais pas avoir à trop lui mentir. Enfin, je préfèrerais ne pas avoir à lui mentir du tout mais là je n'ai plus vraiment le choix. Si elle l'apprend, elle va me demander de choisir entre vous deux et je n'y arriverai pas.

Alice fut touchée par cette révélation. Marquand tenait à elle au point de mettre en péril sa relation avec Léa. Depuis hier soir, elle était soulagée de savoir qu'il l'aiderait mais elle sentait un autre poids qui s'était immiscé en elle. Même si elle refusait de se l'admettre, elle devait se rendre à l'évidence : elle était très jalouse de Léa. Elle ne pensait pas que devoir partager son commandant la mettrait dans cet état. Il fallait qu'elle se reprenne. Après tout ils n'étaient pas en couple et Marquand avait le droit de fréquenter qui il voulait et d'être heureux. Même si c'était cette fille qu'elle détestait, parce que plus jeune qu'elle, peut être aussi plus à son goût physiquement et à la vie moins compliquée qu'elle. Pas d'ex au passé de taulard, pas de fils sans père, pas d'enfant du tout même... Si l'adoption de la petite Ada se passait bien et que Léa ne leur mettait pas de bâton dans les roues, elle n'aurait plus aucune raison de la haïr et il faudrait probablement qu'elle accepte de voir Marquand avec la jeune femme. Elle fut tirée de ses pensées par le commandant.

- Bon, vous savez quoi ? J'ai eu de tort de vous parler de ça maintenant parce que je suis un peu pressé en fait. On rentre chez nous et on en discute demain au calme ? Réunion secrète sur notre banc préféré, à midi, ça vous dit ? Embrassez bien Paulo de ma part dit-il à Alice en s'éloignant.

- Ok. Merci commandant. A demain. Il est si pressé de la retrouver... je vois pas pourquoi... elle est trop nulle de toute façon... songea t-elle tout en s'installant au volant de sa voiture.

Lorsqu'Alice franchit la porte de chez elle, elle fut accueilli par les cris de Paul.

- Mamaaaaaaaan ! Il est parti tonton Victor ?

- Et oui il est parti mon chéri !

- Oh c'est dommage j'ai pas eu le temps de lui montrer ma super voiture de police, tu sais celle que parrain m'a offerte.

- Tu lui montreras une prochaine fois, c'est pas grave. Parrain, parrain, parrain. On en revenait toujours à lui pensa t-elle.

Elle congédia la nounou et s'assit dans le canapé, avec Paul devant elle, qui dessinait sur la table basse. Un bruit de feuille que l'on froisse la fit se relever. Elle venait de s'asseoir sur un papier : le questionnaire de Victor. Il n'était peut être pas le mari idéal mais il avait eu une très bonne idée. Demain à midi, elle répondrai à toutes ces questions avec le commandant. Ce serait un bon moyen de s'approprier leur rôle tout en s'amusant.

De son côté, Marquand venait à peine de rentrer chez lui que Léa lui sautait dessus. Apparemment elle n'avait pas envie que de sushis. Il se dit que ce serait très dur de lui mentir, mais il n'avait pas le choix. C'était le seul moyen de préserver la relation qu'il entretenait avec cette femme.

Alice et Léa étaient nécessaire à son équilibre. Il allait devoir gérer la jalousie de l'une et mentir à l'autre. Il s'était mis dans une belle galère...

Un jeu dangereuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant