Chapitre 42 | Agrège

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— On mange quoi ? je demande pour la milliardième fois de ma vie ; et encore, il me semble que j'ai atteint ce record depuis un bon moment déjà.

— Tu manges pas toi, me répond Harmes. Tu m'soules, fais la cuisine à ma place.

— Mais je ne sais même pas faire des pâtes, dis-je avec une petite voix égale à celle d'une sourie.

— Je vais t'apprendre alors.

Il lève son cul du canapé. Je lève donc le mien aussi et je le suis dans la cuisine.

— On va faire un gratin dauphinois, tu vas voir, c'est hyper simple.

Il commence à prendre un plat dans le placard. Il prend ensuite un couteau et une planche à découper.

— Viens voir, me dit-il. Tu voies, il faut découper la pomme de terre en rondelle, tu n'appuis pas, tu laisses glisser la lame sur la patate.

Il finit sa patate, et c'est ensuite mon tour. Il regarde ce que je fais. Je m'y prends bien franchement. Je suis fier de moi !

Il sort des lardons, de la crème fraiche et du fromage rappé.

Je mets tous les morceaux de patate dans la plat et il me donne les ingrédients.

— Mets les dans le plat, me dit Harmes.

Je fais ce qu'il me demande. Il me prévient quand je dois arrêter de mettre de la crème fraiche, et pareil pour le rappé.

Pendant ce temps, il fait revenir les lardons à la poile. Une fois qu'ils sont cuits, il les met dans le plat.

— Mélange maintenant, me dit-il en me passant une cuillère.

Je mélange. C'est trop bien ! J'adore ! J'ai le visage qui s'illumine. Je ne pensais pas que la cuisine pouvait être aussi bien !

Il sourit à ma réaction.

— Tu vois quand tu veux mon petit Agrège, me complimente-t-il en passant sa main contre mes cheveux.

Son portable se met à sonner. Il sort son portable. En regardant l'écran de son cellulaire, son visage se durcie en une fraction de seconde. Il décroche l'appelle en face time.

— Ouais, dit-il d'une voie dure.

— Mon fils ! Je voulais prendre de tes nouvelles, comment vas-tu ? fait la voix de Maxel.

Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas appelé ! Je m'approche de façon à voir l'écran, mais qu'on ne me voie pas.

— Ça aller jusqu'à qu'tu m'appelle.

— Tu es méchant avec ton père. Sinon, je voulais te montrer Drell, elle est exténuée, elle dort paisiblement sur le sol, dit-il avec un grand sourire sur ses lèvres.

Il nous montre Drell, allongé sur le sol, visiblement en train de dormir, avec comme seul support, un de ses bras, pour sa tête. Elle est recroquevillée sur elle-même à cause de la température. Il doit faire froid dans cette pièce. Son pied est accroché à une chaine. J'ai presque l'impression de voir un filer de bave sortir de sa bouche, qui montre sa grande fatigue.

— Qu'est-ce que tu lui as fait ? demande Harmes en contractant sa mâchoire.

— Je l'ai complètement crevé. Même vous, vous ne résisterez pas à un entrainement comme celui-ci.

— Evite de trop la crevé si tu la veux dans ton équipe, dit Harmes. Il faudrait pas qu'elle soit exténuée pour les matchs.

— Faut-il déjà qu'elle accepte ! Je lui en fais baver comme jamais, et elle n'accepte toujours pas, râle Maxel. Je vais devoir passer à l'étape suivant, et ça ne va pas être jolie.

Harmes se retient intérieurement, ça se voit à sa tête.

— Je vous laisse, ça fait déjà une bonne heure qu'elle dort paisiblement. Il faut que j'aille la réveiller, ricane-t-il en raccrochant.

C'est une ordure ce mec. Harmes range son portable dans sa poche en contractant sa mâchoire.

— Putain, murmuré-je.

Harmes prend le plat et le met dans le four qu'il avait allumé au préalable.

— Tu penses qu'elle va finir par accepter ?

— J'espère pour elle, répond Harmes. Elle ne pourra pas tenir longtemps comme ça.

Il met ses mains contre le rebord du plan de travail et il contracte ses bras en essayant de ne pas péter un câble. Le pauvre, il doit se sentir tellement coupable.

— C'est génial de faire la cuisine ! m'enthousiasmais-je pour changer de sujet.

Il me répond en faisant un faux sourire. Je remarque que la perte de Drell l'affecte beaucoup, lui aussi. Je ne suis pas sûr qu'il serait dans le même état si c'était moi qui étais à la place de Drell – déjà, si c'était moi, il sauterait de joie...

— Ça t'ait déjà arrivé d'aimer quelqu'un ?

Il se retourne et il me regarde en m'interrogeant.

— Aimer comment ?

— Genre, aimer par amour.

Il hoche la tête de droite à gauche, comme si c'était une évidence pour lui.

— Même aujourd'hui ? dis-je avec un léger sourire sur les lèvres.

— Qu'est-ce que tu insinues ?

— Tu n'aimes pas une fille, aujourd'hui ?

— Non, pourquoi cette question ?

— T'es pas drôle, soufflé-je d'exaspération. Pourquoi tu ne ressens aucune émotion pour personne ?

Il me fusille du regard. Je lui fais un signe de tête pour qu'il me dise pourquoi il est comme ça. Il souffle en baissant la tête.

— C'est à cause de mon père, avoue-t-il. Il a voulu me marier contre de l'argent quand j'avais douze ans, mais ma mère s'y est opposé. Et depuis, c'est comme un blocage, je ne peux pas aimer une personne... Et il y a aussi la séparation avec mes parents. Mon père est devenu diabolique à cause de ça. Avant c'était ma mère qui le raisonnait, et six mois après leur rupture, je suppose qu'il a trafiqué sa voiture pour qu'elle meurt dans un accident.

Je ne m'attendais pas à ça. Je ne savais pas que sa mère était morte. Il l'a dit si naturellement.

— Et...euh... tu penses que c'est possible que tu tombes amoureux ?

— Non, je suis bien seul. J'ai déjà assez d'emmerde, il manquerait plus que ma meuf ait des emmerdes à cause de moi ou que j'en ai à cause d'elle. Et ça ne sert à rien, l'amour n'est pas éternel, on se lasse tout le temps d'une personne quand on l'aime trop.

C'est pas faux ce qu'il dit... malheureusement... Mais j'en suis sûr que le vrai amour existe !

— Je comprends, c'est difficile de faire confiance aux gens. Tu penses qu'ils sont sympas, mais enfaite, c'est tout le contraire, fis-je remarquer.

— Mmh, répond-il.

Quelques minutes après, il sort le plat du four. Ça a l'air tellement bon ce que J'AI fait !

Dès que Harmes me sert, je dévore mon assiette. Oh ! C'est tellement bon ! Un vrai cuisto ! Et si j'ouvrais un restaurant, ça s'appellerait « L'Agrège, la meilleur cuisine du coin » ! Non ? C'est pas bien ?

— Calme-toi mec, tu vas gober les couverts, me dit Harmes avec amusement.

Je sourie en continuant de bouffer comme un porc. C'est comme ça, je ne peux pas manger autrement.

La Sioule, un jeu dangereux [EN CORRECTION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant