Nokrov, Tome 2 : Les Lames Entremêlées (terminé)

Chapitre 14.2, Les sables nocturnes

Un village côtier l'accueillit. Les mines attristées des hommes et le manque de rire des enfants offrirent milles questions au regard de la griffonne. Elle, toujours habituée au bonheur du port, aux chants des mouettes et des marins n'avait jamais côtoyé une autre tristesse que la sienne. S'approchant d'un rassemblement, elle osa un regard sur ce qui les avait réunit. Une pancarte, annonçant un rassemblant des hommes valides par les seigneurs de Ramales. La guerre semblait être aux portes de la ville et la nouvelle se rependre comme une traînée de poudre.

Les sourcils d'Alyssa se froncèrent. Elle avait toujours été éloignée de la politique nokrovienne, ne s'intéressant qu'aux bateaux et aux entraînements militaires. Les intrigues étaient laissées à sa mère, données à son frère qu'on avait nommé dans un accès d'orgueil ambassadeur. Elle en avait entendue certaine par des portes entrouvertes. N'avait pas compris et s'était enfuie pour aller jouer avec Isendre.

Elle devait arrêter de penser à son frère, qu'importe si tout lui rappelait son absence. Isendre était certainement partie de Port Maueur. Sans elle, seul face aux assauts de Cerenna, il n'était qu'un asticot qu'elle attendait d'écraser. Et son père lui avait montré : il n'était qu'un faible capable de la vendre au premier monstre venu. Alors ce qu'il serait capable de faire de son frère faisait déjà frémir la brune.

— Parait qu'c'est pour aller niquer la Rouge qu'font ça.
— Y z'y arriveront pas. Y a des mecs qu'on essayé de franchir la frontière et qui s'ont fait bouffer par des dragons. Elle a trop d'gens de son côté. Pis avec son chien de compagnie, personne pourra lutter. Qu'est-c'que vous voulez faire conte des taleniens ?

Alyssa souleva un sourcil interrogatif, s'avançant un peu plus au milieu de la foule. Tous n'avaient que la guerre aux lèvres, que la montée d'une nouvelle reine qu'ils traitaient tour à tour de catin des Carmines ou de putain du Nord. Un homme d'une cinquantaine d'année était plus virulent encore que les autres, beuglant que les Ramales n'avaient aucune chance face aux monstres rouges qui assombriraient le ciel.

Penchant la tête sur le côté, observant son manège alors qu'il angoissait la foule, Alyssa stoppa son avancée. Il était étrange. Dans ses yeux brillait une lueur malsaine, un éclat qui n'y avait pas sa place. Il continuait son long discours, jurant que les Sides se vengeaient enfin, que l'Ère de Mageia commençait et que tous devaient s'incliner plutôt que trembler. Les insultes fusaient, mélangées aux interrogations des autres. Et, dans certain regard, s'enflammaient le doute et les questions.

— T'crois vraiment qu'elle va détruire les Ramales ?
— Z'auront pas les couilles !
— On a jamais baissé la tête devant la moindre couronne, on va pas s'y mettre maintenant !
— Ils laiss'ront jamais ça passer !

Les mots s'enchaînaient, les esprits s'échauffaient et le ton montait, encore et encore. Accentué par l'homme qui grondait toujours, qui exposait toujours ces idées fausses, qui jurait la défaite des Ramales. Il apportait la discorde. Il envenimait la situation. Les sourcils d'Alyssa se froncèrent un peu plus, ombre noire aux dessus de ses yeux trop bleus pour les paysages des Ramales. Elle s'avança, prête à intervenir quand une autre voix, plus forte encore que la sienne, beuglait au cinquantenaire qu'il n'était qu'un imbécile. L'autre se retourna, et, se faisait, croisa les yeux de la griffonne.

Le temps sembla s'interrompre alors qu'il se taisait et qu'un sourire mauvais ourlait ses lèvres. C'étaient d'autre iris qui la fixaient, d'un bleu de givre. Elle recula d'un pas alors qu'il bondissait de son piédestal improvisé. Elle sentait dans son corps le danger, elle apercevait déjà la dague qui se levait.

— Ca va pas ! hurla une voix.

Un inconnu s'interposa, ceinturant de ses bras de colosses l'homme au regard si étrange. Il essaya pourtant de continuer ses mouvements, beuglant contre la jeune fille, de la bave plein les lèvres, animal enragé et incontrôlable.