Chapitre 37.2, La Haine de son sang

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Il la repoussa sur le côté, la haine flottant dans sa bouche. Elle avait osé ! La gamine s'éloigna rapidement, se blottissant dans un coin de mur. Lui ne la regardait déjà plus. Il sortie sa hache de son fourreau et, après un regard à ses hommes, s'élança dans les escaliers.

Ils le suivirent en beuglant, la morgue aux lèvres, le regard rendu fou par l'appel du sang. Ils descendirent ensemble les escaliers, suivant les cris affolés de leur gens. Éloignant, d'un mouvement du bras, ceux qui se mettaient en travers de leur route.

La cour d'Áth Cliath était déjà un charnier. Les trop nombreux prisonniers tenaient des armes de fortunes récupérées sur les premiers venus. Leurs peaux étaient déjà salies de sang, colorées par la haine. Ils tuaient tout sur leur passages, n'offrant nulles pitiés à ceux qui avaient le malheur de se dresser devant eux. Quatre avaient acculés une sorcière trop jeune et la rouait de coups, lui arrachant des hurlements stridents.

Mais la colère n'en fut que décuplée alors que les Lames s'échappaient enfin des couloirs de la forteresse. Les lames s'entrechoquèrent, les gémissements se firent brutaux. Partout, le sang gicla.

Eiti ne se mela pas au combat. Tranchant là une tête dont le corps s'était approché, enfonçant là la lame d'une épée qu'il tenait de la main gauche dans une poitrine beuglante. Ceux qui s'approchaient en payaient le prix fort et tombaient, les uns après les autres, sur le sol déjà jonchés de cadavre. Ce n'était pas possible. Les événements ne pouvaient pas s'enchainer aussi bien pour cette salope de Nevenoe.

Il bondit dans la cour au milieu des chevaux rendus fous par l'affolement. Ils voulaient ouvrir les portes, il le voyait s'avancer, défendant cette catin qui menait la marche. Armant son coup, Eiti envoya voler sa hache qui se planta dans le dos d'un des protecteurs. Un grognement s'échappa de sa gorge alors qu'il avançait trop vite, déterminé à éradiquer ceux qui osaient rompre son bonheur. Il ramassa sa hache, poussa un nouveau grondement de haine.

Fut cloué au sol par un idiot qui lui avait sauté dessus et s'empala sur sa lame. Eiti se redressa, ses muscles tremblants. Ses yeux se posèrent sur la femme de son fils, cette même étrangère qu'il avait ramené pour sa seule beauté. Elle lui souriait cette garce. Elle lui souriait alors qu'elle ouvrait la porte. Elle lui souriait alors que hurlait dans le ciel, des flammes qui n'avaient rien d'humaine.

Il les sentit avant de les voir.

Les dragons, là haut, qui détruisaient d'un magma cruel les pierres de sa forteresse. Les dragons qui engloutissaient son monde et le transformait en feu et sang. Et, par la porte désormais ouverte, une flamme rousse s'engouffra.

Leurs yeux, identiques, s'accrochèrent. Nevenoe était là. Sa soeur était là. Luisante de rage avec à ses côtés, un dragon de la taille d'un poney. Ils ne prient le temps de s'affronter du regard. Ils bondirent l'un sur l'autre. Hache contre épée, hargne contre haine.

Eiti ne sentait déjà plus le feu qui brulait sa peau, la chaleur cuisante qui engloutissait ses rêves. Il ne voyait plus que cette garce, que cette catin qui les avait trahit. Que cette idiote dont il partageait le sang avec mépris. Il n'entendit pas les cris de ses sorcières qui tombaient les unes après les autres. Ne vit pas ses hommes prendre feu et hurler comme jamais il n'avait hurlé.

Non, il était concentré sur celle qui, enfin, croisait son fer. Les bottes s'enchainèrent, les feintes se firent cruelles. La moindre erreur offrirait la mort. Il para son estoc, se remit en garde, hache haute au dessus de sa tête. Elle crut l'avoir en visant le bas. Ne rencontra que le vide alors que l'arme de son frère s'enfonçait dans son bras. Le cri de Nevenoe enivra Eiti. Il bondit.

Trop vite, pas assez prudemment.

Car le froid de l'acier s'enfonça en sa poitrine.

Il tomba à genoux, du sang goutant déjà de ses lèvres. L'épée le transperçait, lui arrachait la vie. Il voulu lutter encore. Tenta de la frapper, de la détruire. La haine le menait, la haine le tiendrait en vie.

Il ne pouvait pas partir. Pas comme ça. Pas aussi facilement. Pas alors qu'il venait, enfin, de gagner tout ce dont il avait toujours rêvé.

Sa vision chancelait pourtant déjà. Il ne voyait que le visage de Nevenoe et, derrière elle, flouté par la chaleur, le reflet des flammes qui engloutissaient son monde. Elle ne parlait pas sa soeur. Elle le fixait, le maudissait.

Il s'écroula dans les flammes.
Et l'étendard du pendu, accroché aux murs d'Áth Cliath, tomba à son tour.

Nokrov, Tome 2 : Les Lames Entremêlées (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant