Les mots de la Carmine étaient bien assez équivoques. Il voyait déjà les fiers griffons refuser de courber l'échine, les Seascannes se déchirer entre les orgueilleux et les pleutres, les Ramales nier d'un bloc et les vatners fermer pour de bon leur frontière. Le Nord était trop loin des intrigues, trop discret. Le Nord ne voulait pas des intrigues.
Ilis déposa la missive, ses lèvres tordues sur son mécontentement. Née de la maison des mouflons, elle en avait le caractère borné, la verve facile et le tempérament fonceur. Magnus savait déjà quels mots allaient s'échapper de ses lèvres, allaient dévaster le calme apparent qui régnait sur le conseil. Il ne la laissa pas agir, se raclant la gorge pour attirer chaque regard.
—Au moins ses attentions sont claires... commença-t-il
—Si elle veut la guerre, elle l'aura, grogna Itis, sans lui laisser le temps de terminer.
—Nous n'entrerons pas en guerre. De nombreuses options s'offrent à nous mais certainement pas la guerre ouverte contre Sibille. Elle a réussi à faire tomber Talumen et a certainement de son côté des alliés bien trop puissants pour que nous puissions essayer de luter. Les Carmines ne sont qu'à quelques heures de vol de Haut Plateau et je ne mettrais jamais en danger les nordiens pour de l'orgueil mal placé.
—Alors pourquoi nous avoir fait venir Magnus ? Nous allons ployer le genou devant cette catin rouge et accepter de nous faire prendre comme des putains ? Les Horn n'accepteront jamais ça, je t'en fais le serment au nom de mon clan !
Magnus soupira avant de laisser son regard courir sur les quatre autres membres du conseil, jusqu'ici silencieux. Les instances avaient l'habitude des éclats de colère de la fille au mouflon mais savaient parfaitement que jamais le suzerain de la région ne les aurait convoqués pour entendre une décision qu'il avait pris seul. Le chêne rouge avait d'autre idées, que certain percevaient déjà dans son esprit.
—Si la Rouge s'est déclarée, les autres Sides suivront. Elles ne laisseront pas leur soeur gagner tous les coeurs. Je me rendrais à la cour, je plierais le genou devant Sibille. Je lui ferais des courbettes et des mots doux. Pendant ce temps, je veux que tu faces de même après des autres Elus Tolog. Nous jouerons sur les deux camps sans que jamais ils ne le sachent et nous seront prêt lorsque l'un d'eux gagnera. Le Nord ne fournit pas de chevalier et n'en a jamais fourni. Nous ne sommes pas des combattants, juste des érudits. Il suffira de jouer sur ce point. De leurs vendre des connaissances et des armes plutôt que des soldats. Sans jamais montrer la moindre estampe. Dès aujourd'hui, je veux que chaque forgeron et chaque armurier cesse d'apposer son blason à ses créations.
Laissons-les se détruire. S'ils sont assez fous pour ravager Nokrov, qu'ils le fassent. Mais je ne veux personne sur mes terres.
Les cinq instances fixèrent leur suzerain, dont la voix comptait bien plus que la leur en toute circonstance. Le chêne rouge détourna ses yeux de son conseil, le posant sur l'arbre qui les surveillait de toute sa sagesse. Il s'en approcha, y déposant ses doigts, s'abreuvant des connaissances du feuillus. Puis il y déposa la peau du renard qui l'avait guidé, qui lui avait soufflé les bonnes paroles dans sa dernière éteinte.
—Es-tu vraiment sûr de toi Magnus ? questionna un homme aux cheveux sombres. Nos espions aux Carmines nous ont toujours prévenu que Sibille serait dangereuse et qu'elle avait déjà des pouvoirs défiants toute espérance pour une simple mortelle. Elle pourrait facilement lire dans ton jeu et mettre le Nord tout entier en péril.
—Jamais Mageia n'a eu assez de forces pour déchiffrer les pensées humaine Draug. Sibille a des pouvoirs, aussi sanglant que sa déesse. Mais elle est trop jeune. Si je voulais la trahir, elle le saurait immédiatement. Je n'en ai pour l'instant aucunement l'intention.
Le sourire sur les lèvres du seigneur se répercuta sur celles des instances. Même Ilis, pourtant sur la réserve, offrit à ses lèvres de se redresser, à peine, juste ce que désirait Magnus.
Il regarda tour à tour chacun de ses plus loyaux conseillers, eux qui l'épaulaient depuis plusieurs décennies. Ils avaient affronté la montée de Iseal. Ils pourraient survivre à leur chute.
—Que ceux qui s'oppose à cette idée le disent tout de suite et expriment leurs arguments. Je les écoute.
Personne n'intervient, chacun posant un poing contre son cœur, jurant fidélité aux vœux du suzerain. Comme toujours, les instances appuyaient ses paroles, encourageaient ses actes. Ils offraient fidélité de tous les clans nordiens mais Magnus savait parfaitement qu'ils ne seraient jamais en désaccord. Lui était guidé par le grand chêne et par les renards qui lui offraient leurs esprits. Sa famille avait été élue, des millénaires plus tôt, faisant d'elle la plus ancienne encore régnante. Et jamais les Oak n'avaient rompu leur obligation d'intellect et de justice.
Seule Ilis, de ses iris furieux, ne le lâchait pas. Elle avait encore bien trop de mots sur le bord des lèvres, que Magnus savait entendre durant le reste de la soirée. Des brides de plans, des envies furieuses, allant même jusqu'à compromettre l'allégeance des mouflons. Elle parlait beaucoup. N'avait jamais agi. Car au fond, elle savait parfaitement que ces mots arrondissaient seulement les angles des plans du nordien. Mais elle avait besoin de parler, d'avoir l'impression de régner sur l'immense territoire de ses ancêtres.
Magnus posa à son tour son poing contre son coeur, fermant le cercle en terminant le conseil. D'hommes en femmes, il le regarda tous, s'emplissant de leur visage déterminé et de leurs yeux dans lesquels brillaient une foi impermutable.
—Qu'il en soit alors ainsi. Festoyons, buvons, bénissons. Demain, nous préparons notre délégation. Ilis, j'aimerais que tu veilles sur le Nord en mon absence. Tolog.... Restes bien à l'écoute du petit peuple et dès que tu obtiens une piste, par avec nos meilleurs hommes. Le Nord ne prendra parti que pour le gagnant. Et je veux qu'aucun d'eux ne le sachent.
J'espère que ce petit chapitre bonus vous a plu et vous a appris plus de chose sur le Nord... mais surtout, qu'il vous a donné envie de découvrir le tome 3 car la guerre est aux portes de Nokrov !
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Nokrov, Tome 2 : Les Lames Entremêlées (terminé)
FantasíaLa chute des tigres Iseal a entraîné une crise politique majeure en Nokrov, offrant la couronne aux traîtres de la maison Asinis. Sibille, devenue Reine, dévoile enfin ses plans aux yeux du monde : elle œuvre pour le retour de Mageia, ne réclamant q...