Chapitre 15.2, Suis ton père, fils

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Les rêves de son fils laissaient pourtant le baron de marbre. Feuran était trop puissant et Eiti savait qu'il ne fallait certainement pas sous estimer la Carmine. Elle avait grandit dans une région qui n'avait jamais oublié la magie. Elle avait été envoyée par une prophétie qui lui avait donné tous les droits depuis sa naissance. Elle avait à ses côtés des alliés bien plus fort que ce dont Eiti pouvait rêver. Et ces ennemis n'étaient qu'un ramassis d'idiots incapable de se réunir. Face à l'implacable armée de la Rouge, combien de chances avaient ses réfractaires ?

Lui avait fait son choix. Et Aaoda, qui venait se couler à ses côtés, appuya un peu plus ses certitudes. Elle n'ouvrit pas la bouche, se contentant de ses yeux verrons ourlés de questions. Seul un soupire lui répondit. Le baron avait préféré les conquêtes mortelles, cette ère où il sévissait dans les Seascannes avec ses frères d'armes, lorsqu'ils n'étaient que des bandits. Eiti n'était pas homme à aimer le luxe des châteaux. Il leur préférait l'âpreté du selle et d'un lit rempli des puces d'un autre.

-Tu as besoin de te changer les idées... souffla Aaoda à ses oreilles.

La voix chantante de la renarde soulageait son coeur et bien trop souvent son âme. Elle le connaissait mieux encore que toutes ses autres maîtresses, pour ses plus grandes craintes et ses plus cruels cauchemars. Elle lui attrapa la main, le faisant sortir de cette pièce où il ne pouvait que ruminer de funestes idées. Ils descendirent les escaliers anciens du château et s'échappèrent de ses trop lourds murs de pierre. A l'extérieur les attendaient deux chevaux, l'étalon rouge du baron et la belle jument noire de la renarde. Puis quelques Lames, tenant si fort leurs montures qu'ils en piaffaient d'impatience. Les arcs qui leur furent distribués arrachèrent un sourire au baron.

-Vraiment ? demanda-t-il.

Seul le sourire d'Aaoda lui répondit.
Elle avait organisée une chasse, de ces événements morbides qui tenaient en retrait les nobles des affaires d'Eiti. Trop avaient été coursé dans les bois par des chasseurs accro au sang qui coulaient de leurs flèches une fois enfoncées dans une poitrine tendre. Puis l'événement était devenu plus drôle quand ils n'avaient plus eu sous la main des nobles imbéciles mais des fugitifs et des parias, des créatures qui savaient vivre dans la forêt, qui avaient apprit à courir et à se cacher.

De ses mêmes hommes qui avaient été épargnés la veille pour le plaisir morbide d'Eiti. C'était ici que se jouait la cour. Dans ces moments qu'il tombait parfois sur une fugitive assez belle pour gonfler sa couche avant qu'il ne se lasse. Ici que les dames s'affichaient dans leurs plus cruelles parures pour un regard du baron. Ici qu'Aaoda avait imposé sa loi.

Son aîné était également présent. Il semblait auréolé de gloire, si fier dans ses habits de cuir et de son épée encore teintée de sang. Il s'était présenté accompagné de sa future promise enchaînée. Il ne l'amènerait pas dans la chasse, la laisserait seulement les regarder tuer ses frères les mains attachées. Si Nokrov était brutal avec les Hommes, les Seascannes étaient pires encore.

Les prisonniers avaient le cheveux sale, la mine nerveuse et les traits tirés. La tenue d'une des femmes était encore tâchée de sang, marque à peine cachée des sévices que les Lames lui avaient fait subir durant toute la nuit. Elle ne survivrait pas longtemps et la crasse de son beau visage offrait les traces plus claires des larmes qu'elle n'avait pas retenue.

Un cor retentit alors qu'on ouvrait les grilles et que s'enfuyaient les parias. S'ils s'en sortaient, ils gagneraient leur liberté. C'était ainsi que sa catin de soeur avait rassemblé des hommes. Mais Eiti continuait à lui en offrir chaque jours une nouvelle flopée. Pour s'amuser de sa Meute de chien que les Lames déchiquetaient de leur crocs.

Trois hommes et deux femmes avaient été relâché, nus, dans les bois touffus. Ils s'étaient désolidarisés, avaient pris des directions toutes différences. Et, alors que le second cor hurlait, suivi des aboiements des chiens, le tonnerre des sabots contre la pierre laissa la charge.

Sur les lèvres d'Eiti hurlait un sourire. Plus de traces de ses peurs. Plus d'angoisses sur cette couronne. Pour quelques heures, il retournait à ce qu'il était. Un chasseur. Pas un intriguant à la recherche du pouvoir. Il voulait le chaos. Et se fichait de qui porterait pour l'éternité une couronne de sang.

Nokrov, Tome 2 : Les Lames Entremêlées (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant