Nokrov, Tome 2 : Les Lames Entremêlées (terminé)

Chapitre 34.1, Nôtre est la puissance

AlessandreJamais le seigneur de Port Mauer n'avait aussi bien porté son titre qu'à son propre mariage. Alessandre, le port altié et le regard empli d'espoir, assistait à la concrétisation de ses rêves et de ses espoirs. Il était là, devant une salle emplie de fidèles et de sujets, en train de porter une couronne qu'il avait toujours rêvé. Il était venu à Talumen pour ça, il avait séduit pour cela.

Et aujourd'hui, après des années à entendre sa vipère de mère susurrer à ses oreilles, il accomplissait enfin ce pour quoi il était né.

Il gardait pourtant, au creux des lèvres, un goût de cendre qui lui donnait la nausée. La femme qu'il aimait, si belle et si grandiose, n'était plus que l'ombre de celle qu'il avait autrefois découvert. Sibille luisait tant de fierté que d'inquiétude et, sous le maquillage, il voyait les cernes. Elle luttait, elle luttait de toutes ses forces et il ne pouvait s'empêcher de trembler en sachant que c'était uniquement de sa faute. Il l'avait blessé, plus qu'il n'avait jamais blessé personne.

Ce soir pourtant, enfin, les deux amants se retrouvaient. Et dans leurs quatre yeux brillaient la même flamme. Celle qui les sacrait époux pour l'éternité de leur mortalité. C'était sous le signe de Magaei. C'était sous le signe de la puissance.

— Par ce mariage, je partage ma vie. Par ce mariage, je partage mes titres. Par ce mariage, je partage ma couronne. Alessandre de la maison Adiant, acceptes-tu le titre e Roi Consort ? Acceptes-tu les responsabilités amenées par ce titre ?

Il s'agenouilla devant sa reine, devant la seule qui n'aurait jamais son allégeance et son amour. Devant la seule femme qui avait su faire hurler son coeur plus encore que toute avant elle.

Et, alors qu'il s'agenouillait, Alessandre offrait plus encore que son allégeance. Il offrait son âme, sa fierté, son être tout entier. Il se donnait à elle. Et lui souriait, enfin, comme il ne l'avait plus fait depuis des semaines.

— Acceptes-tu que l'on règne ensemble, mon amour ?
— Moi, Alessandre de la maison Adiant, héritier de mon nom, j'accepte ce titre et j'accepte que se lie pour toujours les terres de Talen et celles de Valen. Par ce mariage, je lie nos deux régions pour n'en former plus qu'une. Par ce mariage, j'accepte les responsabilités qui m'incombe. Celles d'être toujours présent pour ma Reine. Celles de lui être fidèle et celles de protéger son nom et sa couronne par mon épée comme par ma puissance. Sibille, je vous prête allégeance. Comme je prête allégeance, par cette couronne, au peuple de Nokrov.

Il avait préparé ses mots pendant si longtemps. Avait répété, des heures durant, devant une glace pour mieux voir un sourire sur le visage de son aimé.

Il avait réussi. Sibille resplendissait, tant de joie que de fierté.

Elle déposa la couronne sur sa tête, faisant de lui un Roi éternel. Il ferma les yeux, une seconde. Apprécia le poids des responsabilités et du pouvoir qui, enfin, pesait sur sa nuque. Sa mère aurait été là qu'elle l'aurait, pour la première fois, félicité. Mais la vipère était absente, comme bien trop de gens de son propre peuple.

Qu'importait. Bientôt, les taleniens sauraient plié le genoux devant la bonne personne. Ne comptait aujourd'hui que les présents. Les affronts seraient gardés pour bien plus tard, lorsque les comptes se régleraient et que le sang coulerait.

Il se releva et, faisant fit des convenances, embrassa cette Reine qu'il avait sacré depuis si longtemps. Déchainait les applaudissements et les rires alors qu'il la serrait un peu trop fort contre lui. Ils étaient jeunes, ils étaient beaux. Ils étaient l'avenir de ce monde jusqu'ici trop sombre. Tous craignait le règne du Sang. Alessandre savait bien trop que, sous le joug de Sibille, le monde serait celui de la Vie et qu'enfin le peuple ne mourrait plus dans la terreur.

Les doigts du roi glissèrent sur le ventre de Sibille, en appréciant la légère rondeur. Ils donneraient un fils à Nokrov. Ils donneraient une dynastie au peuple. Puissante et longue.

Un règne de Prospérité commençait enfin.

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