Chapitre 20.2, Les griffes du griffon

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— Messir, salua-t-il, inclinant sagement la tête.
— Qui êtes-vous ? aboya l'un des hommes en se levant brusquement, la main déjà portée à sa ceinture.

Togos fut plus rapide, sortant son épée, le regard brûlant de promesses mortuaires.

Alessandre lui fit baisser cette dernière d'un geste de la main. Un sourire flottait déjà sur ses lèvres. Si ces ramaliens ressemblaient moins à leur frères, ils n'en demeuraient pas tout aussi impulsifs qu'eux. Le sang chaud de hommes du Sud l'avait toujours fasciné, lui qui n'avait jamais mis les pieds dans leur région dangereuse pour quiconque n'y était pas né.

— Voyons messir, c'est ainsi que vous vous adressez à votre roi ? Je vous conseillerais de baiser le genou plutôt que d'aboyer la lame au clair.

Ils se regardèrent, les iris emplis de questions qu'Alessandre balaya d'un simple sourire. Il quitta sa cape en s'approchant du feu, la donnant à Togos. Si le suzerain n'était pas reconnaissable, le visage du garde l'était bien plus. Et si Togos avait tronqué le blanc de Lux pour l'écarlate de Magaeia, ces traits durs n'avaient eu pas bougés d'un pouce.

Les ramaliens n'étaient pourtant pas convaincu par les mots du futur roi. Ils échangèrent un nouveau regard. Leur chef, à en juger par sa posture et les bijoux qu'il arborait, leur ordonna de laisser leurs épées. Ils s'assirent, n'osant prononcer une parole de plus.

Alessandre les rejoint, suivit de près par un Togos qui, lui, ne prit place dans leur ronde.

— Je vois que vous ne me croyez pas quand je vous dévoile mon titre. Je suis Alessandre Adiant, seigneur de Port Mauer et fils des griffons. A l'exception de la présence d'un garde royal à mes côtés, je ne peux toute fois vous prouver mon identité. Il aurait fallu pour cela que vous veniez au palais. Des Afeaa y auraient été les bienvenues plutôt que de restes au milieu des domestiques.
— Nous n'avons pas de domestiques seigneur Adiant. Et nous préférons rester avec nos hommes plutôt que de nous rendre dans votre Palais qu'on raconte bien dangereux.
— Voyons mes amis, ria Alessandre. La cour n'est dangereuse que pour ceux qui cherchent du pouvoir.

L'autre ne répondit pas, se contentant d'un nouveau regard envers ces hommes.

Le sourire d'Alessandre disparu. Les courbettes et les belles paroles ne marchaient pas sur les hommes qui lui faisaient face. Ses yeux devinrent plus sombres alors qu'il avançait le buste.

— Comme vous pouvez vous en douter, je ne suis pas venu ici pour vos beaux yeux. Que fait ici une puissance des Ramales ? Je croyais votre région insoumise et refusant le règne de notre reine. N'êtes vous pas vous-même des résident des terroitres de la maison Amal ?
— Nous ne sommes pas des traites si c'est ce que vous insinuez...
— Voyons, jamais je n'oserais.

Alessandre se para d'un air moqueur. Il sentit Togos se tendre derrière lui. Le futur roi jouait à un jeu dangereux, le savait parfaitement mais ne pouvait s'empêcher de tirer sur la moindre corde qu'il sentait sensible.

— Mais votre position est délicate, continua-t-il. Traitre à la couronne ou à votre seigneur...
— Nous ne serions pas ici si notre choix n'avait été fait. Nous sommes partis depuis de nombreuses lunes de notre région pour apporter notre soutient à dame Asinis.

Un mince rire s'échappa des lèvres du griffon. Le visage de son vis à vis était glacé et, au fond de ces yeux noirs, Alessandre lisait un soupçon de peur, de cette même angoisse qui tiraillait tout ceux s'amusant avec le pouvoir.

— Vous avez quitté les Ramales par la mer ?
— Cela ne concerne que la reine, répliqua le seigneur de la maison Afeaa.
— Et son époux.

La voix d'Alessandre claqua dans le silence qui entourait leur discussion. Il n'y avait plus le moindre bruit. Le griffon se recula légèrement, son éternel sourire gravé sur le visage.

— Seigneur Afeaa, je pense que nous ne nous sommes pas très bien compris. Votre présence ici peu aussi bien être une affront qu'une véritable opportunité pour vous et la couronne. Mettez-y du vôtre et vous serez récompensés. Les Ramales, pour Sa Majesté, n'ont actuellement plus de régents. Et nous n'avons plus aucun échos de ce qu'ils s'y déroulent.... Vous connaissez la région mieux que personne et serez certainement à même de nous aider à la découvrir.
— Je ne m'ouvrirais pas à ce genre de discussion devant un parfait inconnu. Mais si notre décision intéresse la couronne, je me ferais le plaisir de lui rendre des comptes au Palais.
— Ainsi soit-il, ria Alessandre une fois de plus. Sibille n'aurait certainement pas le temps pour vous. Demandez-moi, je me ferais un plaisir de vous accueillir.

Il se redressa, épousseta ses chausses et s'éloigna sous le regard noir des ramaliens. Ils ne l'avaient pas cru mais ces mots avaient trouvé des oreilles attentives. S'ils pouvaient en savoir plus sur les Ramales, ils pourraient attaquer et pour de bon faire taire cette armée de rebelles dérangeantes. Trop d'échos muets parvenaient de la région aride. Les murmures ne valaient pas les mots de ses propres habitants. Le futur roi voulait que son peuple soit uni, bien plus qu'il ne l'avait jamais été sous le règne des tigres.

Togos lui emboita le pas, la mine austère. Se retournant, Alessandre ne pu retenir un rire en croisant son regard froid. Il s'arrêta alors et, sourire carnassier a croché aux lèvres, lui lança :

— Ne t'inquiète pas Togos. Tu auras bientôt l'occasion de te battre et de mettre pour de bon fin à la dynastie des Iseal.

Puis il éclata de rire avant de se remettre en chemin, inconscient que, dans son dos, les poings du chevalier se serraient déjà.

Nokrov, Tome 2 : Les Lames Entremêlées (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant