Chp 11 - Rika : retour à la Cour de Nuit (3)

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Finalement, Fornost-Aran se désintéressa de la concubine de son neveu et retourna s'asseoir sur son trône, exactement comme je l'avais prévu : une jambe négligemment croisée sur l'autre, le menton appuyé dans sa paume, de façon à contempler d'un air blasé tout son petit monde. D'un geste, il invita ses vassaux à se relever, et les festivités reprirent leur cours, accompagnée de la musique un poil sinistre et grandiloquente qui était d'usage ici, distillée par une troupe de musicien cachés sur une balustrade.

Tamyan était en train d'aider sa femme à remettre son voile. Pas complètement sur son visage – ce n'était plus la peine -, mais drapé autour de son corps comme un sari, de manière à couvrir son ventre et l'arrière de sa tête. La tendresse qu'il mettait dans ses gestes me frappa, ainsi que la façon dont, elle, le regardait. D'une façon admirative, complice, mais également intensément poignante. C'était comme s'il y avait mille histoires entre eux, mille non-dits, souvenirs terribles et paroles non avouées.

Je m'approchai d'eux et pliai le genou devant Tamyan, comme l'étiquette le préconisait pour les guerriers dorśari. Le prince darda sur moi un regard à la fois agacé et sincèrement surpris : les esclaves, habituellement, ne se comportaient pas ainsi.

— Je m'appelle Rika Srsen, me présentai-je en Commun à Faël. Je suis l'épouse d'Ar-waën Elaig Silivren : peut-être avez-vous entendu de lui.

Faël secoua lentement la tête. Heureusement, Lathé, qui naturellement avait suivi, fit les présentations pour moi :

— Le plus grand guerrier de notre race. Premier sidhe du temple d'Æriban, champion invaincu du darsaman, incarnation officielle de la fusion entre le Père de la Guerre et de celui de la Mort, annonça-t-il avec un rictus conquérant.

À croire qu'il était plus fier que moi des exploits de Ren.

— Je m'appelle Faith Ashori, me répondit alors la concubine de Tamyan, une lueur nouvelle réchauffant son regard. J'ai entendu parler de vous. Vous êtes la première humaine à avoir épousé un ældien...

Ses joues rosirent légèrement. Elle était charmante, et vraiment très belle.

— Effectivement, confirmai-je. Et je ne regrette pas un instant, en dépit du chaos que cela a mis dans ma vie... qui était déjà chaotique, cela dit !

Faith – puisque c'était son véritable nom – plongea enfin son regard dans le mien. Jusqu'ici, elle avait évité. Il y avait quelque chose chez elle qui témoignait d'une grande souffrance, mais aussi, d'une étincelle de vie et de joie qui ne demandait qu'à pointer sous la glace.

— Allons faire un tour, juste toutes les deux, lui proposai-je. Laissons ces princes Niśven discuter entre eux.

Faith jeta un coup d'œil à Tamyan, qui attendait à côté d'elle, raide et visiblement déstabilisé par mon intervention.

Je rêve, elle lui demande la permission... qu'il lui donna d'un geste silencieux du menton, avant de braquer ses prunelles de feu sur moi.

— Cela peut être dangereux, pour deux aslith femelles aussi appétissantes que vous deux, de se promener dans le palais. Ne vous éloignez pas. J'exige que vous restiez à portée de regard, et mon chasseur vous suivra à une distance raisonnable.

J'avisai alors un ældien blond derrière eux, au torse musculeux agréablement moulé dans une chemise de soie noire. À l'instar de tous les chasseurs présents à la Cour, son visage était dissimulé par un demi-masque d'argent martelé, mais qui laissait voir sa bouche sensuelle et la ligne dure de sa mâchoire.

Pas mal, celui-là aussi, avisai-je en le détaillant.

J'avais toujours eu un faible pour les ældiens aux cheveux clairs.

LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant