Chp 13 - Isolda : Elohar

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Lieu inconnu, quelque part sur une base républicaine de l'Holos


Ils avaient enfermé Śimrod dans une cage sécurisée, sans aucune communication avec l'extérieur. Comme un animal, ou une substance dangereuse, qu'il fallait isoler. Elle, ils l'avaient laissé derrière une vitre transparente, de façon à ce qu'elle puisse suivre ce qui se disait. Mais tout lui passait au-dessus. Les accusations de « fornication », proférées par des hommes qui n'avaient plus rien d'humains mais tout de machines. Celle sur la destruction d'astroports, le génocide de colonies entières. Le meurtre d'une Amirale qu'elle ne connaissait pas. Et la disparition corps et biens d'un Inquisiteur très apprécié.

Tout cela, on le leur mettait sur le dos. Lui, parce qu'il était d'une autre espèce. Elle, parce qu'elle aimait cet être d'une autre espèce, et avait été surprise dans ses bras.

On leur avait donné un avocat commis d'office, qui fit le strict minimum. Le seul à prendre leur défense était un inconnu, un vieux naute âgé de trois siècles, fortement modifié, que ni Śimrod ni elle, ne connaissaient. Il disait avoir rencontré deux jeunes ældiens, et soutenait que cette espèce n'était pas obligatoirement hostile, qu'elle pouvait même s'avérer être un allié précieux de l'humanité dans les temps difficiles qui s'annonçaient. Le manque de ressources, l'état de plus en plus problématique des portails. Les zones rouges qui se multipliaient. Isolda ne comprenait rien à tout cela. Ce n'était pas son monde. Mais elle éprouvait une sensation de déjà vu : celle des derniers temps d'Ælda.

Cela ne la concernait plus, désormais. Et quand le jugement fut rendu, elle ne cligna même pas des yeux. Juste, elle se réjouit de pouvoir – enfin – rejoindre Śimrod.

On lui accorda une dernière grâce, cependant. Le droit d'écrire une lettre, un genre de testament, qu'elle confia à ce vieux naute, Montolio. Il lui pressa la main, l'air sincèrement désolé. Lui dit qu'il regrettait de ne pas pouvoir faire plus. Que c'était injuste, terrible, regrettable. Elle le rassura, et lui, la regardant enfin droit dans les yeux – les siens, des iris bleues comme la vieille mer, celle où on l'avait trouvée, enfant, dans cette autre vie, des yeux de vieux boucanier, d'homme solide, comme ces vikings qui l'avaient alors recueillie – lui jura qu'il accomplirait ses dernières volontés.

Puis la voix métallique du juge qui l'avait condamnée retentit. Froide et inhumaine, comme ce monde qu'elle allait quitter sans le moindre regret.

— Le jugement prend acte maintenant. Convoyez-les au réacteur.

Son cœur dansait de joie. Śimrod. Après des jours, peut-être des semaines sans lui, son bien aimé et elle allaient enfin être réunis.


*


Isolda ferma les yeux. Le revoir, lui, même entravé, si imposant, irradiant cette beauté sauvage et primale qui la bouleversait tant. Un être si magnifique. Qu'ils la tuent elle, d'accord, mais lui, un être qui avait affronté les millénaires, arpenté l'espace et tutoyé l'éternité ? C'était cela, le vrai crime. Pourtant, égoïstement, elle se réjouissait d'être avec lui dans ces ultimes moments.

— Je suis désolé, lui dit Śimrod de sa voix grave.

Le premier mot qui lui adressait depuis des jours, tout ce temps où ils étaient restés séparés. Il avait compris sans même qu'elle parle, alors que les hommes qui les avaient placés là, dans le lieu qui allait devenir leur tombeau, n'avaient rien dit. Certaines choses se passent de mots.

LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant