Chapitre V : Différente

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Deux ans plus tôt... 

Arlette était confuse, complètement confuse. 

La scène déroulée un instant plus tôt se rejoua dans sa tête. 

Elles et quelques autres filles de troisième, assises en rond dans la cours de récréation du collège, parlaient garçon, sujet particulièrement en vogue chez ses camarades.

- Arlette, s'était écriée Clara,  une grande fille blonde avec des nattes, Est-ce qu'un garçon te plaît ? 

- Un garçon ? avait timidement demandé la jeune fille, plissant les yeux.

Derrière, une  autre amie, une petite brune au visage encore rond de l'enfance, avait gloussé, et montré du doigt un garçon de leur classe qui s'approchait derrières elles.

- Oui, en crush , comme moi et Alex ! Enfin, répliqua la fille, tu as bien un genre qui te plaît ?

Arlette avait ouvert la bouche. Sur le coup, elle savait exactement quoi répondre, mais cette pensée l'avait faite aussitôt se taire, et ses joues avaient prises une belle teinte rose. Elle avait parut quelques instants sonnée, puis elle avait secoué vivement la tête. Un brin intriguées, quelques unes des plus malignes l'avaient fixée, puis étaient passées à autre chose, repartant sur des discussions frivoles.

Arlette s'était levée, prétextant avoir mal au ventre, et s'était enfuie pour se retrouver dans le couloir gris et froid, où elle se trouvait encore maintenant. Elle réfléchissait. 

Sur le coup, elle avait tout de suite su quoi répondre à cette question qu'elle ne s'était jamais posée auparavant.

 J'aime la musique. Juste la musique.

Mais ce n'était pas vrai.

Elle comprit subitement que c'était lui.

J'aime Joseph von Silbervolgen.

Comment était-ce possible ?! Tout à son émoi, elle se livra à un rapide calcul. 

Il avait plus de trois fois son âge.

Mais que lui arrivait-il donc ? C'était impossible, contre-nature de ressentir cela !

Pensée absurde, qu'elle tenta vite de repousser. 

Trop tard.

Maintenant, rien ne pouvait les faire disparaître, car, au fond d'elle, elle savait que c'était la vérité.

                                                                          °*°*°

Arlette, assise sur une table discrète entre deux étagères, tout au fond du  CDI de son lycée, feuilletait un magazine scientifique, distraite. Soudain, elle tomba sur un article au titre assez évocateur. 

"Les paraphilies de l'étrange, déviances, perversions et psychoses".

Psychologie. D'habitude, elle ne s'intéressait que modérément à ce genre d'écrits, mais là, sans qu'elle sache pourquoi, le texte attira son attention.

Elle se mit à lire. 

Les Paraphilies les plus étranges :

Pédophilie : Attirance d'un adulte pour les enfants  prépubères.

Zoophilie :  Attirance pour les animaux ( non anthropomorphes ).

Teratophilie: Attirance pour les individus au physique déformé et monstrueux.

Gérontophilie: Attirance pour les individus bien plus âgés ( à partir d'une différence d'âge de plus ou moins vingt à trente ans).

Elle releva nette la tête en lisant la dernière phrase, et son coeur sembla rater un battement.

- Non, non... gémit-elle toute seule, doucement. 

Perversion. Étrange. Déviance. Attirance. Plus vieux. Beaucoup plus vieux.

Elle ne pouvait pas revenir en arrière, elle cherchait depuis si longtemps à comprendre, à mettre des mots. 

Elle avait quinze ans, des sentiments qui s'éveillaient, et elle venait de découvrir une définition de ce qu'elle ressentait dans un magazine.

Au même niveau, si ce n'est pénalement, moralement, que la pédophilie et la zoophilie. 

Elle plongea sa tête dans ses mains, pensant à ce qui se passerait si ses parents, ses amis, son entourage savait qu'elle était... Elle n'arrivait même pas à se le dire à elle-même.

L'infamie la saisit de plein fouet ainsi que la culpabilité et la honte. Jamais elle n'aurait pensé qu'elle était... comme cela. 

Le monde entier devait penser cela, en tout cas. Elle referma brutalement le magazine, la gorge nouée, et se leva, une larme silencieuse glissant sur sa joue froide.

Son regard se porta dehors. Il pleuvait à torrent, et le ciel gris obstruait l'envol du moindre oiseau. Rien ne serait jamais comme avant. 

Jamais, non, jamais personne ne devait découvrir ce secret.

* Et voilà, chapitre un peu triste sur la "découverte" d'Arlette. J'espère que vous avez tout de même aimé, malgré les musiques déprimantes que j'ajoute à chaque fois ( Il faut vraiment que je me calme avec le spleen du piano, mais c'est tellement représentatif ! ) 

Comme promis, le chapitre est plus court ! je pense garder cette longueur, entre 600 et 1400 mots à chaque fois, est-ce que ça vous convient ?

Je n'invente pas tout, c'est du véridique pour l'histoire du magazine, à quelques mots près, qui date de 2018. 

Cela montre bien la pauvre mentalité dans laquelle nous vivons, aujourd'hui encore. Il y encore un siècle, on aurait peut-être également trouvé, dans ce genre de liste, l'homosexualité ou la bisexualité. Je trouve ça choquant qu'on mette sur un pied d'égalité ce que vit Arlette et des choses bien plus répréhensibles, que ce soit pénalement ou moralement. Un truc encore sous-représenté, dont personne ne parle, un vrai tabou.

- Bref, que pensez-vous de cette découverte brutale ? 

- Pensez-vous qu'Arlette pourra un jour s'accepter comme elle est ? 

- Pensez-vous qu'un jour, son secret sera révélé ? 

- L'histoire vous plaît-elle ? Y aurait-il des points à améliorer ?

Bon, j'arrête mon harcèlement Xb

A la prochaine !

                                          Jeanne Flamingo





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