Chapitre XXXI : Jugement

49 9 10
                                    


Arlette avait toujours détesté le lycée. Elle s'y sentait étouffé, jugée, enfermée, toujours l'élève au Qi hors norme qui était en échec sur toute la ligne.

Mais elle ne s'était jamais sentie si mal que ce matin-là.

Elle n'avait pas fermé l'oeil de la nuit, sans pour autant trouver une solution.

En fait, elle avait juste sangloté, se tournant et se retournant sans cesse, jusqu'à ce que ses yeux soient trop secs pour verser les larmes dont elle avait besoin.

Arlette était donc, ce matin-là, descendue à la cuisine encore en pyjama, les yeux très gonflés et rouges, le visage d'une pâleur inquiétante.

- Je... je crois que je suis malade, avait-elle baigayé d'une voix sourde.

- Tu ments toujours aussi mal, répondit sa mère sans même lever les yeux vers elle, l'air profondément désintéressé.

- Mais...

- Ne cherches pas, tu vas au lycée aujourd'hui, répondit-elle, son ton se faisant plus impérieux.

Arlette baissa la tête lentement, hésitante, mais finit par se détourner. Elle avait trop souvent fait appel à l'excuse de la maladie. Et hors de question d'en parler à sa mère.

Elle monta les escaliers sans énergie et s'habilla en faisant durer le plus possible chaque mouvement.

Enfin, quand l'adolescente eut fini de se préparer, elle redescendit la volée de marche et sortit de chez elle.

Elle marcherait, aujourd'hui. Tant pis si elle était en retard, tant pis si le ciel gris se mettait à pleurer l'absence du soleil, tant pis.

Le trajet passa pourtant à une vitesse folle. Chaque fois qu'elle voyait passer une voiture sur la route, elle se demandait si elle aurait le cran de lever la main pour en arrêter une, de demander au premier inconnu qui s'arrêterais de l'emmener, de l'emporter le plus loin possible, loin de tout cela.

Des larmes silencieuses coulaient sur ses joues quand elle s'arrêta devant les murs gris du lycée.

La jeune fille marqua un temps d'arrêt, son regard vide errant autour d'elle. Soudain, quelqu'un apparut au coin de la rue, a quelques dizaines de mètres.

Andreas Reynolds. Roi dans cette jungle qu'était le lycée.
Et un des premiers à avoir commenté la publication.

Elle se remémora le flot d'insultes qui avait continué toute la nuit avant qu'elle n'éteigne son téléphone, aux alentours de trois heures du matin.

Et, essuyant avec la manche de son pull ses pleurs, elle entra d'un pas raide.

L'adolescente traversa rapidement une cours désertée à cause du froid et poussa les portes du bâtiment principal, s'immobilisant face à la foule dans le couloir.

Des groupes d'adolescents en encombraient toute la longueur, appuyés sur les rangées de casiers bleu électrique.

Soudain, la foule se mit à remarquer l'entrée de la jeune fille, les regards se tournant vers elle.

Un silence général, seulement troublé par des chuchotements et les bruits venus du fond du couloir, tomba comme une chape de plomb.

Tous formaient un mur impénétrable devant celle qui était devenue une paria.

Certains des adolescents se jetaient des regards entendus, échangeaient quelques mots à voix basse où de coups de coudes, et tous la dévisageaient.

Alors, Arlette, dont le coeur s'était arrêté, avança lentement, et se mit à se frayer un passage à travers ses camarades, leurs regards lui brûlant la nuque.

Chaque pas était un véritable calvaire. Des rires moqueurs et des commentaires désobligeants commençaient à résonner tout autour d'elle, mais la jeune fille, tête baissée, les épaules voûtées, s'était complètement coupée du monde, ignorant ce jugement sans fin.

Enfin, jusqu'à ce qu'elle soit interpellée par une voix goguenarde qu'elle ne connaissait que trop bien.

- Eh, où tu vas comme ça, la p*uffe ?!

- Dissimilarity -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant