Chapitre XXVII : Parapluie

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 - Pourquoi ? demanda Arlette.

- Pardon ?

- Vous avez très bien compris.

L'intensité de son regard flamboyant le foudroya, et il resta les yeux rivés aux siens un moment.

- Je...

Il chercha à reculer, mais, à la plus grande surprise de Joseph, elle emprisonna sa main dans la sienne, et son regard se fit plus douloureux :

- Je vous en prie, murmura-t-elle, qu'ai-je fait, qu'ai-je dit ?

- ... Rien. Tu n'as rien fait de mal, Arlette, répondit-il, son ton se faisant malgré lui plus tendre. C'est... c'est moi. Mauvaise période, je crois que tu peux comprendre. Pardonnes-moi, je n'ai pas le droit d'être si dur. Tu... tu es parfaite. Tu es talentueuse et travailleuse, et je suis injuste sans raison.

Sa voix, au fur-et-à-mesure qu'il parlait, était devenue de plus en plus ténue, et son regard devenait plus triste.

Arlette, elle, sentit son cœur devenir plus douloureux devant le fait de le sentir si près d'elle, les compliments qu'il lui fit, puis devant son apparent désarroi.

- Bien sûr que je vous pardonne, soupira-t-elle, soulagée. Elle était dans un état trop flou pour dire plus, et c'est tout ce dont ils avaient tout deux besoins.

Ils restèrent quelques instants dans la même position, se regardant dans les yeux avec un mélange de soulagement et d'affliction, faisant monter en eux une sensation rassurante, au rythme de leurs deux cœurs.

Mais bientôt, le clocher adjacent sonna sept heures et demi.

- Allons, Arlette, ça suffit pour aujourd'hui, articula-t-il avec difficulté, ne sachant pas lui-même si il parlait de la répétition ou de ce qui était en train de se passer.

La jeune fille acquiesça, le visage rougissant, et s'écarta, sa main lâchant celle du maestro.

Elle s'éloigna, attrapa sa sacoche et se tourna vers lui avec un léger sourire :

- Merci, dit-elle simplement.

Et elle tourna les talons, puis sortit de la salle, le laissant planté là. Elle sortit, n'apercevant même pas l'éclat de deux yeux qui, du balcon, n'avaient rien manqué de la scène en contre-bas.

Joseph, resté seul dans la salle, mit quelques instants à reprendre le contrôle de son esprit, mais toutes ses pensées restaient dirigées vers la jeune musicienne. Le souvenir du contact léger de sa main dans la sienne ne semblait pas vouloir le quitter.

Soudain, il fronça les sourcils. Arlette était rentrée dans la salle trempée.

Il jeta un regard inquiet par la fenêtre. Il pleuvait des cordes, une authentique schauer digne de sa Brême natale.

Elle n'a pas de parapluie...

Il parut pendants quelques instants déchiré par un dilemme intérieur, puis, soupira rageusement:

- Oh, scheiße ! jura-t-il, avant de se précipiter vers la porte, attrapant au passage son ample parapluie noir.

Il sortit, et s'engagea dans les couloirs déserts au pas de course. Y avait-il encore un espoir qu'il puisse la rattraper ? Il n'en savait rien.

Enfin, le hall apparut devant lui, et il ouvrit la porte avec brusquerie, avant de s'immobiliser.

A quelques mètres devant lui, une petite silhouette sombre s'éloignait, la tête courbée, sous le rideau de pluie.

Il franchit d'un pas rapide la courte distance qui les séparaient, sans qu'Arlette remarque sa présence avant qu'il ne tende le parapluie au dessus d'elle pour la protéger de l'ondée.

La jeune fille s'arrêta net et se retourna lentement, les yeux grands ouverts.

Ils restèrent immobiles dans cette position quelques instants, se jaugeant mutuellement. Lui, laissant la pluie couler sur son visage, la fixant, elle, bouche bée, qu'il protégeait de l'averse.

- Tu... Tu risques d'être malade, crut-il bon de s'expliquer maladroitement.

Elle sourit à travers le rideau de pluie et se rapprocha lentement de lui, pour qu'ils soient tout deux abrités sous le parapluie. Là, elle leva la tête vers le maestro, troublée.

- Merci.

Il hocha la tête pour toute réponse :

- Où vas-tu ?

- Je vais jusqu'à la Station du Parc. Je prend le métro pour rentrer chez moi.

Joseph se sentait gêné. Mais il ne pouvait raisonnablement pas laisser une jeune fille de dix-sept ans se promener seule dans la nuit à cette heure-ci. Enfin, c'est surtout ce dont il essayait inconsciemment de se convaincre.

- Je t'accompagne, dit-il alors simplement.

Et ils se mirent en route, traversant le mur d'eau. Au dessus-d'eux, les grondements sourds de l'orage se faisaient déjà entendre.

Mais, marchant côte à côte sous l'ample parapluie noir, ils ne s'étaient jamais sentis aussi en sécurité.

Ils s'éloignèrent ensemble sous la pluie. 

* J'avais écrit un seul chapitre pour les parties XXVI et XXVII et je me suis rendue compte que c'était beaucoup trop long. J'ai donc divisé en deux chapitres de 1000 mots. Du coup, désolé si la transition est pas claire ou étrange, je ne sais pas trop comment arranger ça.

Alors, au cours de ces deux derniers chapitres, avez-vous appris plus sur os personnages ? Est-ce que ces péripéties vous ont fait changer votre manière de voir leurs liens, leurs personnalités ? 

J'espère que oui ! 

Comme d'habitude, le Question point :

- Alors, que pensez vous des différents revirements d'attitude d'Arlette et Joseph ? 

- Vous paraissent-ils plus proches ? 

- Que pensez-vous de l'attitude de Joseph envers Arlette au dernier chapitre ? Et dans celui-ci ?

- Dépasse-t-il la limite ? 

- Qui est le mystérieux inconnu qui les observait du balcon ?

- Comment trouvez-vous la scène du parapluie ?

Allez, ça suffit pour aujourd'hui ! 

Merci infiniment pour les 800 vues, ça me fait drôlement plaisir ! J'espère que vous aimez autant lire cette histoire que j'aime l'écrire, et je vous souhaite de bonnes vacances pleines de lettres !

Egalement un graaaand merci pour tout vos votes et commentaires, c'est toujours un plaisir de vous lire, et souvent vous me donnez de l'inspiration et me motivez à continuer. Vous êtes vraiment une force  !

A très bientôt !*

                                      Jeanne Flamingo

- Dissimilarity -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant