Chapitre LVIII : Explosion

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- Tu es sûre que tout va bien ?

Arlette s'accrocha au bois du banc, l'air hagard, puis releva la tête vers Joseph et hocha la tête. Le musicien semblait assez inquiet.

- J'ai juste... eu une petite faiblesse, affirma-t-elle, tentant d'avoir l'air sûre d'elle.

Il soupira :

- Ça m'avait tout l'air d'être une crise d'angoisse...

- Mais c'est fini, maintenant. Je me sens bien.

Il soutenut son regard ferme encore un instant, puis s'assit à côté d'elle sur le banc, laissant ses yeux clairs errer sur le parc devant eux, où il s'était empressé d'amener Arlette quand elle avait commencer à sangloter, sous les regards étonnés des passants. Il ne faisait pas très froid, mais les arbres dépouillés et les rares rayons qui filtraient à travers les nuages gris donnaient des airs de tableau au paysage morne, désert.

- Je ne comprends pas...

- Pardon ?

Il se tourna vers Arlette, cherchant le sens des mots qu'elle venait de murmurer.
Elle paraissait ailleurs. Les yeux, dans le vague, elle se tourna lentement vers lui, et le fixa, comme s'il détenait la réponse.

À chaque fois qu'il la regardait, il voyait un oiseau aux ailes coupées tenter de s'échapper de sa cage en se débattant frénétiquement. Un oiseau sans ailes qui avait tenté de s'envoler. La douleur le submergea en pensant qu'elle avait, ivre de chagrin, voulu mourir. Le violoncelliste chercha un instant ses mots :

- Tu sais, je crois que parfois, le désespoir envahit, et l'on ne répond plus de ses actes.

Elle ferma les yeux, et eut un sourire sans joie. Son visage était si pâle qu'il était étonnant qu'il n'en devienne pas translucide.

- Mais j'ai vraiment voulu mourir.

Elle avait l'air perdue, complètement seule, et a cet instant, il lui fallut dominer l'envie qu'il avait de la serrer dans ses bras. Ce serait bien trop douloureux pour elle, et pour lui.

Savait-elle qu'il l'aimait ? Sûrement pas. Il écarta ses questionnements et se concentra sur elle, rassurant

- Je sais.

Rien que ces deux mots, si insignifiants soient-ils, ramenèrent un semblant de vie dans son regard éteint, et elle se redressa, pensive.

- Pourquoi faites-vous tout cela ? Je suis une bête adolescente... qui s'est mise seule dans une situation insoutenable et... - sa voix s'étouffa, mais elle continua, ses yeux devenant humides - et je suis...

- Stop, l'interrompit-il vivement, attristé. Tu n'as absolument rien à te reprocher. Voyons, Arlette ! tenta-t-il de la raisonner. Tout cela... tout ces gamins haineux qui se sont mis à te faire du mal sans aucune raison, l'ignorance générale, et puis moi, moi qui n'ai rien vu, moi par qui tout est arrivé... C'est moi, Arlette !

Il avait crié cela, rageur, et se relevant brusquement. Il ne s'emportait pas contre Arlette, mais contre lui-même. Arlette sentait sa colère contre elle-même ressortir également. En un instant, la fragile créature éteinte avait laissé place à la personnification même de sa douleur.

- Mais pourquoi tenez-vous tant à ce que tout soit de votre faute ?! C'est la mienne, complètement la mienne !

En une fraction de seconde, la tension entre eux était encore montée d'un cran .

Le visage de son interlocuteur se crispa, mais il ne réussit pas à se maîtriser, et renchérit de plus belle, le ton dur, tentant de ne pas laisser paraître ses sentiments :

- Et pourquoi, alors ? Pourquoi serait-ce ta faute ? Je ne te laisserais pas te détruire !

Arlette se leva pour lui faire face, furieuse, et explosa :

- Mais de quel droit ? Qu'est-ce que ça peut vous faire ?! Je le mérite !!!

- Je ne veux pas entendre cela ! s'écria- t-il, le sang lui battant aux tempes. Pourquoi mériterais-tu ce qui t'arrive ?!

Elle fit un pas en avant pour se planter à quelques centimètres de lui. Le voir faire ainsi faire l'autruche lui donnait envie de hurler. Ce qu'elle ne se priva pas de faire.

- Mais vous ne comprenez dont rien ! Parce que je vous aime !!!

Et Joseph, devant la tempête au fond des yeux d'Arlette, ne put retenir ses mots :

- Moi aussi ! C'est entièrement ma faute parce que je t'aime ! 

- Dissimilarity -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant