Joseph pâlit brusquement, et son visage se décomposa, tandis qu'Arlette et lui restaient figés, l'un face à l'autre. Toute trace d'emportement s'était volatilisée.
Arlette, sous le choc, ne put bouger. Puis, soudain, réalisant ce qu'il venait de dire, elle fut frappée de plein fouet par le flot de sentiments contradictoires qui la fit défaillir, et se laissa tomber sur le banc.
D'abord, une joie mêlée d'intense douleur, puis un grand soulagement accompagné d'un fort sentiment d'injustice.
C'était indéfinissable. Parce que la vérité venait enfin d'être révélée.
Elle lut dans les prunelles de Joseph quelque chose qu'elle n'aurait jamais pensé lire un jour : un mélange de désespoir, et de quelque chose qu'elle n'aurait jamais cru y trouver sans le concours des circonstances. Quelque chose qui soudainement les submergea tout deux, qui sembla si évident, et dont ils trouvaient le reflet parfait l'un dans l'autre. Joseph se ressaisit, pâle comme la mort, et se détourna légèrement pour éviter son regard abasourdi.
- Arlette, reprit-il doucement, est-ce la faute de la jeune fille qui, au début de sa vie, nourrit des sentiments innocents et parfaitement explicables aux vues de cette période de son existence, ou l'homme de cinquante ans qui n'arrive pas à réprimer ses sentiments pour la dite jeune fille, en dépit de tout ?
Il regarda à nouveau Arlette, qui gardait le silence, et eut un mouvement de recul tant son regard était profond. Ses yeux cernés restaient écarquillés par la surprise, et le désespoir y était si palpable qu'il sentit son coeur devenir douloureux dans sa cage thoracique, et il eut à nouveau envie de s'enfuir. A chaque fois, il lui faisait davantage de mal. Mais maintenant, elle savait.
Alors, des larmes se mirent à dévaler ses joues, incontrôlables, sans que ses yeux ne se ferment, et sans qu'elle ne se détourne. Elle ne semblait plus être préoccupée par la honte qu'elle manifestait un peu plus tôt, la honte qu'il la voit pleurer, la honte qu'il la voit souffrir. Elle tentait juste de maintenir son regard, à travers ses pupilles noyées.
Alors, dans un élan qu'il ne regretta pas une seconde, Joseph s'assit à côté d'elle et entoura ses frêles épaules de ses bras pour l'attirer contre lui.
Il l'aimait, c'était un fait. Et en dépit de tout : leurs âges, leurs situations respectives...
Mais on lui avait fait du mal. Et c'était à cause de lui.
Il l'avait arrachée à la mort, mais la vie, sans elle, ne lui paraissait plus qu'une morne étendue de bitume nappée par le brouillard.
Jamais rien ne serait possible, et ils en étaient aussi conscients l'un que l'autre.
S'ils s'éloignaient tout simplement, leurs deux vies seraient brisées. S'ils laissaient de côté les obstacles, et les considérations cruelles de leurs vies, la réalité ne mettrait pas longtemps à les rattraper, et les piétiner à nouveau. Entre elle et lui, il aurait vite fait son choix : mais il savait que quoi qu'il fasse, Arlette risquait de ne pas pouvoir s'en remettre.
Elle avait été sur le point de sauter dans le vide. Peut-être l'aurait-il fait aussi, dans sa situation. Alors non, la situation ne paraissait pas avoir d'issue, à part le temps qui passe.
La jeune fille sanglotait contre son torse, des spasmes secouant ses épaules, et elle se sera davantage contre lui, comme pour faire disparaître l'affreuse réalité dans cette étreinte dont ils avaient tout les deux tant rêvé, sans oser se l'avouer.
Tandis qu'il posait son menton sur le haut de son crâne, tentant d'ignorer l'enivrant parfum de sa chevelure brun-roux et la petite voix de sa raison qui lui hurlait de se raisonner, de s'éloigner, il lui murmura un "chut..." apaisant.
Parce que c'était peut-être mal, mais à cet instant, c'était la seule chose dont ils avaient besoin.
Quand Arlette releva la tête, les yeux bleus de Joseph étaient pleins de larmes.
- Joseph ?
Il sembla contrôler son émotion, mais sa voix était tremblante.
- Oui ?
- Je vais tout vous raconter.
* J'ai écrit ce chapitre un peu incertaine de l'enchaînement, mais c'est fait, et pour celui-ci comme pour le suivant, je meurs d'envie d'avoir votre avis :)
Alors ?
Que pensez-vous de la révélation ? Et de leurs réactions ?
Des interrogations ?
Des.... THÉORIES ?!
A bientôt ;) *
Jeanne
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- Dissimilarity -
Romance{ HISTOIRE TERMINÉE } Arlette, jeune passionnée de musique d'à peine dix-sept ans, vit la tête pleine de rêves, et comme dans toutes les histoires d'adolescents, elle est amoureuse ; rien de très étonnant. Si l'on oublie le fait que cet amour soit d...